Midsummer Festival, Château d'Hardelot 24-25.VI.2023: Une expérience unique

          C’est dans l’ancienne chapelle du château d’Hardelot que s’est tenu le concert hommage à William Byrd. Un compositeur, dont on célèbre cette année les quatre cent ans de sa disparition. Considéré comme le plus grand compositeur de la période élisabéthaine, il jouit aujourd´hui encore d´une belle renommée et d´une présence forte dans les salles de concert. 

          Le Trio Musica Humana qui le mettait à l´honneur, en proposait un programme tout à fait particulier et surprenant: un programme, certes religieux, mais qui avait pour thématique l’interdit transgressé. En effet, bien qu´anglican, William Byrd consacra ses dernières années à la liturgie catholique. Aussi, lors du déchaînement anti-catholique qui suivit l'attentat catholique contre Jacques Ier, en 1605, certaines de ses œuvres furent interdites en Angleterre sous peine d'emprisonnement. Sa musique se jouait alors dans le plus grand secret et dans la clandestinité de certains salons et autres chapelles. Ce fut le cas pour sa Messe à trois voix proposée lors de ce concert. Une messe, assez brève, que les artistes ont décidé de découper en plusieurs parties et d´étoffer de madrigaux anglais profanes sur des textes spirituels. 

          D'emblée, l´auditeur est saisi et séduit par l´amorce feutrée de ces trois voix de contre-ténor, ténor et baryton, respectivement incarnées par Yann Roland, Martial Pauliat et Igor Bouin. Des voix qui se fondent et se distinguent  merveilleusement bien. Par ailleurs, le baryton, modérateur du concert, n´a pas son pareil pour présenter les œuvres. Son éloquence et son humour ont eu raison d´un public fasciné et amusé. Et ne croyez pas que le programme soit austère pour autant, ces trois là, accompagnés au virginal par la très virtuose Elisabeth Geiger, savent faire swinguer la polyphonie comme personne, tout en favorisant des clairs-obscurs et des piani-forte subtils et de toute beauté. 

        Les madrigaux, ajoutés à la messe de Byrd, font la part belle à la nature 'The woods so wild' ou à la souffrance amoureuse 'Cease sorrow', notamment avec la figure de Philomena qui rompt avec son amant, ou à l´injustice au travers de la diffamée et touchante Susanne sauvée par le prophète Daniel. Après toutes ces "épreuves et souffrances" le public a eu droit à des Falala de tradition anglaise, légers et sautillants mais toujours élégants. 

       Ce concert donnait aussi l’occasion de découvrir un instrument qui porte un nom particulier : le muselaar. Il s’agit d’une épinette avec un clavier traditionnel qu’on appelle Mother, mais qui cache en son sein, un autre clavier, plus petit, appelé Child, qui par un ingénieux système, permet de l’extraire et de le coupler avec le clavier mère, de haut en bas ce qui permet, entre autres, d’obtenir un son plus riche.   

          L´ensemble Musica Humana (sans le ténor) proposait un prolongement nocturne à ce concert. En effet, à la nuit tombée, au pied des remparts sous un clair de lune, ils ont offert au public un florilège de chansons et airs allant de la Renaissance à Bobby La Pointe. Un moment divin, passé sur une chaise longue en sirotant le café mis à disposition. Au festival dˋHardelot, on sait bichonner le public. 

           En guise d'hors d'oeuvre, et avant le dessert de l'after, le festival proposait un somptueux concert avec un ensemble et des solistes qui l´étaient tout autant. En effet, l'ensemble Arcangelo sous la baguette éclairée du specialiste baroque Jonathan Cohen proposait une rareté haendélienne : trois Chandos Anthems. Des pièces peu jouées car elles supposent des effectifs importants de solistes et de choristes. Seulement, l'ensemble a fait le choix pour l'occasion, d'en offrir une interprétation chambriste : un orchestre allégé et six solistes pour chanter toutes les parties. Ces petits bijoux de musique, au nombre de onze, chacun d’une durée de vingt minutes environ, constituent des hymnes qui glorifient le Seigneur. Les interprètes en ont sélectionné trois d'entre eux : le jubilatoire 'O sing unto the Lord' et deux autres plus intimistes. Des pièces entrecoupées de divines sonates en trio. D’emblée, l'auditeur est saisi par le son enjôleur de l’orchestre, la consistance et l´uniformité des parties chorales. Il y a chez cet ensemble une élégance et une légèreté qui donne l´impression de facilité et d'évidence. Mais également une ferveur, une piété, voire une souffrance qui feraient presque penser à une variante de Gospel. 

Une musique magnifiée par des solistes de haut vol dont on retiendra surtout le divin soprano de Hilary Cronin et le ténor musclé de Matthew Long. 

          Un spectacle qui a débuté sur la pointe des pieds au son du délicat toucher de la harpe et du violoncelle. Une entrée en matière feutrée donc afin de permettre au public d'entrer délicatement dans l’univers magique du spectacle d´Arnaud Marzorati. Un univers qui met la nature et tout un bestiaire au cœur d’un programme savamment assemblé qui fait se côtoyer des pièces populaires du folklore en passant par des arrangements de Benjamin Britten. Des pièces légères, inspirées du travail des champs, que les moissoneurs s´evertuaient à chanter afin d´alléger leur peine. D'où l'idée de faire participer le public qui s’est volontiers prêté au jeu de la répétition de certaines stances. Un spectacle qui mêle l'art de la déclamation à celui du chant populaire interprété avec une vraie belle voix de baryton, bien timbrée et bien projetée. Arnaud Marzorati, fin comteur, sait captiver un public amusé et fasciné. 

Accompagné de trois jeunes et talentueux musiciens, l´ensemble Les Lunésiens a choisi de présenter ce spectacle en plein air, à l'ombre d'un arbre, tandis que le public était confortablement allongé sur des transats au motif du drapeau britannique. Britten avait donc toute sa place dans ce programme. Un programme léger et faussement naïf, qui en dit long sur la condition des paysans à une certaine époque.