Armida Abbandonata, Steinsel 24.I.2021

Kultursall, rue des Vergers L-7339 Steinsel, LUXEMBOURG

SUNDAY January 24 2021 5pm (1 hour concert)

RENCONTRES MUSICALES DE LA VALLÉE DE L'ALZETTE


Les Femmes abandonnées

Georg Friedrich Händel: Concerto grosso opus 6 no 2

William Croft: Playhouse Aires: Ayres in the comedy of Courtship à la mode 

Giuseppe Tartini: Sonate X “Didone abbandonata“

Georg Friedrich Händel: Concerto grosso opus 6 no 2

cantata 'Armida Abbandonata'

Concerto grosso op 6 no 7


Helena HOZOVA, soprano

Ensemble Les Goûts réunis, Olivier B. Brault, Konzertmeister 

Olivier B. Brault, Jorlen Vega, Sue Ying Koang, Zoe Pourri, Anne-Catherine Feltgen, Florence Stroesser, Karol Gostynski, violon

Kathia Robert, Isabelle Gottraux, alto

Jean Halsdorf, violoncelle

Jean-Daniel Haro, violone

Vincent Bernhardt, clavecin 

Helena HOZOVA, soprano

Olivier B. Brault, konzertmeister de l'ensemble Les Goûts Réunis

G.F.HANDEL (1685 - 1759) 

A benediction concert whose highlight was the dramatic cantata by Handel Armida abbandonata sung by the exquisite and expressive soprano Helena HOZOVA, with the Ensemble Les Goûts Réunis under the brilliant direction of the Canadian violinist Olivier B. Brault.

     En ces temps de disette culturelle, chaque concert auquel il est possible d’assister est une bénédiction et relève à la fois du miracle. Le Luxembourg a rouvert ses salles de concert, à l’image de l’Espagne, pays pour lesquels la culture fait visiblement partie des choses essentielles de la vie. D’autant que dans toutes les salles de concert, les mesures de distanciation sont drastiques et scrupuleusement respectées rendant toute contamination quasi impossible (1 rang sur 2 occupé avec 3 sièges de chaque côté d’un « groupe » de spectateurs, etc...). En ce concert du dimanche 24 janvier à la Kultursall de la ville de Steinsel, même les 12 instrumentistes (qui ont fait le voyage, on se sait par quel miracle, de Pologne, Canada, Grèce…) sont restés masqués tout au long de cette heure musicale dont le thème était la femme délaissée : Armida Abbandonata. Un concert qui a débuté tout en douceur avec un concerto de Haendel qui, d’emblée a donné le ton et s’est terminé comme il a commencé : sur la pointe des pieds. Emotions, tensions dramatiques, éclats et affliction ont ponctués un concert dont le point culminant aura été la cantate dramatique de Haendel en fin de programme, pertinemment bien amenée, car encadrée par un concerto de Haendel en guise d’ouverture et d’une fin moins brutale.

          Olivier B. Brault, premier violon invité de l'ensemble Les Goûts réunis, possède ce geste sûr du professionnel rompu aux exigences du jeu baroque et du travail sur scène à l’image d’un look XVIII° du meilleur goût . On le connaissait surtout pour ses prestations avec l’ensemble américain Apollo’s Fire (on se souvient notamment de sa brillante participation au récital Philippe Jaroussky à l’Arsenal de Metz sous la direction de Jeannette Sorrell) il y a quelques années. On imagine aisément les difficultés à diriger, le visage masqué sachant que le souffle est essentiel lorsqu’il s’agit de donner les impulsions, les départs et autres changements de rythmes. L’ensemble parvient à créer un son généreux, conjoint, et nuancé à la fois, dans cet écrin « studio » de la Kultursall de Steinsel. Le directeur artistique lors de son discours d’ouverture, s’est excusé d'avoir dû changer de lieu, originellement une église. Certes, nous n’avons plus le charme de l’église, mais le son gagne ici en qualité et en clarté.

          Le programme nous réserve des moments variés et passionnants à l’image du 3° mouvement du concerto de Haendel, tonique et vivifiant. La partie orchestrale de Croft, qui nous rappelle les délicieuses musiques de scène de son compatriote et contemporain (mais un peu plus tardif) Henry Purcell réserve également quelques surprises telles notamment les contrastes fascinants entre la basse continue et les violons pour finir dans un mouvement intitulé ‘Scotch tune’, divin folklore écossais que l’on s’imagine entonner dans une taverne. Mais c’est avec la sonate « Didone Abbandonata » de Tartini que le chemin vers la cantate du même nom se tisse véritablement : sorte de plainte douce amère et ses rythmes contrastés avec ses accélérations et décélérations d’une grande virtuosité annonciateurs des sentiments de la protagoniste éplorée, révoltée, mais amoureuse de la cantate de Haendel.

          C’est la soprano tchèque Helena HOZOVA qui met à l’honneur cette cantate dramatique, entrant en scène tel un personnage d’opéra dans une magnifique robe fuseau noire à paillettes. Les récitatifs sont expressifs et touchants, ses da capo inventifs et intéressants. La voix possède l’homogénéité nécessaire pour rendre justice à l’ensemble de la partition, les aigus sont faciles et légers tandis que le medium est charnu, le texte apparaît limpide. A part quelques notes graves incommodantes et tout à fait anecdotiques, le soprano de Hozeva sait révéler toute la dimension dramatique de cette cantate, à l'image de l'air tourmenté "Venti, fermate" dont les coups d'archets frappent comme des lames de couteaux (le personnage est tiraillé entre l'amour et la vindicte pour l'infidèle). Alors que l’émotion est à son comble, le public ému sent déjà la musique doucement s’éteindre, trop court mais ce retour au concert, après des mois de silence, sonne comme une délivrance pour les artistes comme pour le public. Merci aux organisateurs d’avoir pu donner vie à un concert à la réalisation si incertaine (le lieu et le programme initial, tout Vivaldi, ont dû être modifiés).