Bayreuth Festival 2023 premier week-end

Etincelant Bayreuth Baroque 

           Un opéra et trois récitals ouvraient la troisième édition du festival baroque Bayreuth. Une fréquentation presque à son maximum malgré des prix excessivement élevés. 

Valer Sabadus triomphe

           Valer Sabadus triomphe lors de son récital consacré au compositeur Carl Heinrich Graun. Un interprète qui parvient, de plus en plus, à sortir de sa réserve. Il ose et parvient à surprendre son auditoire, au point de faire de son concert un véritable show. Certes, les airs de Graun nous ont tenus en haleine, mais ce sont surtout les bis qui ont fait monter la température de la salle. Un ‘Vedro con mio diletto’ de Vivaldi à fleur de peau et un ‘Crude furie’ de Haendel à la virtuosité débridée, ont mis le public en transe.  

Valer Sabadus, contre-ténor

Reginald Mobley en grande forme

Reginald Mobley, contre-ténor

           Alors que l’on s’attendait à un récital plutôt tiède de la part du contre-ténor Reginald Mobley, ce dernier a réussi le tour de force de faire progressivement monter le curseur de l’émotion au travers d’airs de Purcell et de Haendel. Avec sa voix aux registres si particuliers qui donnent à ses interprétations un côté jazzy voire gospel, lui aussi a su muter son récital en show et ainsi déclencher l’enthousiasme du public qu’il a remercié par un bis inattendu : ‘Solitude’ de Duke Ellington qui a fait vaciller la salle. 

L'éclatante Véronique Gens

           Enfin, Véronique Gens, soutenue par les forces de l’ensemble Les Surprises proposait un programme de pièces baroques françaises qui se sont avérées particulièrement théâtrales et à grands effets. La voix n’a rien perdu de sa superbe, bien au contraire, elle est éclatante. A 57 ans, elle incarne l’élégance et la classe à la française dans des airs dramatiques rehaussés de superbes interventions de choristes. Le programme, savamment pensé, fait passer le public par les 4 saisons (bourrasques, coups de tonnerres et autres castagnettes et percussions) et les effets climatiques sont saisissants. Un triomphe pour l’ensemble des artistes qui ont fait briller et savourer ces pieces  même aux plus sceptiques. Un triomphe. 

Véronique Gens, soprano

Flavio à Versailles

Julia Lezhneva, soprano & Max Emanuel Cencic, contre-ténor
Rémy Brès-Feuillet, contre-ténor

          Mais la pièce principale que les  passionnés attendaient était, bien entendu, l’opéra Flavio de Haendel, mis en scène par le génial Max Emanuel Cencic. Le contre-ténor et metteur en scène nous a concocté un spectacle au cœur de la cour du roi de France. Un thème qui nous rappelle son spectacle Arminio du même Haendel à Karlsruhe qui se déroulait à la cour de Louis XVI au moment de la révolution. Ici, décors, costumes et personnages nous plongent dans la vie de la cour du roi Louis XIV. Et tout y passe avec finesse et humour. Un roi immature et capricieux, propulsé trop tôt à la tête du pays, encore puéril et puceau. On assiste à des scènes truculentes comme le fameux coucher du roi, qu’on encourage à forniquer la femme qu’on lui a imposée alors qu’il en désire une autre. Des dames dégrafent leur corset pour laisser paraître d’énormes paires de seins afin d’aider l’érection du roi. On passe de la chambre au salon de musique, où l’on chante du Lambert ‘Vos mépris chaque jour’, au salon de jeu où l’on joue au billard à la salle de couture. Toutes les pratiques de l’époque sont passées en revue jusqu’aux fameux bals où soufflets et humiliations publiques allaient bon train, etc… 

Côté matériel, un ingénieux système de paravents permet de délimiter et d’habiller à loisir les différentes pièces. L’élégance et la qualité exceptionnelle des costumes magnifient le tout. 

Et la distribution ? Son atout majeur est venu du contre-ténor Yuriy Mynenko dans le rôle de Vitige. Magnifique de timbre et brillant de virtuosité. Son personnage en devient hautement crédible et vibrant. Les autres n’étaient pas en reste : impeccable Max Emanuel Cencic dans le rôle de Guido. Julia Lezhneva a fait tourner la tête du public avec ses cadences longues et pyrotechniques. Ses trilles sont à se damner : un élément de technique vocale baroque essentiel et qui pourtant fait cruellement défaut  à bon nombre de chanteurs. Très intéressant mezzo-soprano de Monika Jägerova dans le rôle de Teodata surtout lorsqu’elle est descendue vers des notes plus chaudes et charnues encore. La voix en manque de personnalité du jeune contre-ténor de Rémy Brès-Feuillet convenait finalement bien à l’image d’un jeune roi capricieux. Enfin le talentueux baryton-basse Sreten Manojlovic ainsi que le luxueux ténor de Fabio Trümpy venaient compléter les rangs d’une distribution de haut vol.
                    ´                                                Ruggero Meli