FESTIVAL MUSIQUE ET MEMOIRE, Luxeuil, Blow Venus & Adonis 23.VII.2023
Luxeuil-les-Bains, basilique Saint-Pierre et Saint-Paul le dimanche 23 juillet 2023 à 21h
John Blow : Venus and Adonis
Vénus : Sophie Junker, soprano
Adonis : Andrew Santini, baryton-basse
Cupidon : Magid El-Bushra, contre-ténor
Marie-Frederique Girod, soprano
Magali Pérol-Dumora, soprano
Gabriel Jublin, contre-tenor
Contantin Goubet, ténor
Josh Gest, baryton
Davy Cornillot, tenor
Marc Busnel, basse
Ensemble Masques*
Olivier Fortin, clavecin et direction
*Julien Martin, flûte. Marine Sablonniere, flûte. Sophie Gent, violon. Louis Creach. violon. Kathleen Kajioka, alto. André Henrich, théorbe. Mélisande Corriveau, violoncelle. Benoit Vanden Bemden, violone.
Benoit Colardelle, lumières
Émotion au festival Musique et Mémoire
Pour ses 30 ans, le festival a mis les petits plats dans les grands, en programmant, notamment, une œuvre rare et tellement émouvante : la pastorale Venus & Adonis de John Blow. Contemporaine de la célèbre Didon et Enée de Henry Purcell, ce chef d’œuvre en revêt des similitudes troublantes. Il semblerait que Purcell se soit largement inspiré de l’œuvre de John Blow pour composer son opéra. Ironie du sort, l’œuvre de Blow est restée dans l’ombre tandis que celle de Purcell continue de briller sur les scènes internationales. Une injustice réparée par le festival Musique et Mémoire en cette soirée du 23 juillet 2033 en la basilique Saint-Pierre et Saint-Paul de Luxeuil-les-Bains.
L’œuvre, comme celle de Purcell, brève, en trois actes et un prologue, est un concentré génial d’opéra, d’une durée de 50mn environ. Le livret nous relate la mésaventure de Venus, dont le fils Cupidon la blessa malencontreusement au sein avec l’une de ses flèches. Elle tomba alors éperdument amoureuse d’Adonis, et le mena, malencontreusement à sa perte, en l’exhortant à la pratique de la chasse. En effet, cette dernière lui sera fatale suite à la charge d’un sanglier.
Olivier Fortin et son ensemble Masques nous en ont offert une version à la fois légère et intense mais éminemment émouvante. En guise d’introduction, les artistes ont proposé au public venu nombreux, une pièce instrumentale de Matthew Locke qui a plongé la salle dans une atmosphère feutrée voire vaporeuse, notamment grâce à l’interventions de deux flûtes envoûtantes. Étonnamment, elles ont laissé place à l’intervention de deux conteurs. Ces derniers ont énoncé, solennellement, la trame de l’œuvre devant un public fort attentif.
Pièce empreinte de tradition musicale française, Venus & Adonis nous offre des moments et des atmosphères bien hétérogènes : des interventions solistes ou chorales intercalées de divertissements musicaux, dont certains s’apparentent à de véritables concertos avant l’heure. L’auditeur passe aisément de rythmes enjoués, voire humoristiques notamment lors de la leçon de Cupidon (irrésistible jeu de la répétition alphabétique), à des moments bucoliques, voire mélancoliques. Venus, rôle principal et personnage fort contrasté également, surpren en passant d’éclats de rire à des cris déchirants de douleur. A ce jeu là, le soprano de Sophie Junker se révèle d’une redoutable efficacité. Son timbre, certes radieux, affiche une large palette de couleurs qui lui permettent d’opérer des variations subtiles. Sa voix percutante, sa diction limpide et expressive ont eu raison d’un texte pas si simple à déclamer et à chanter. On retiendra surtout son final, déchirant et tellement crédible, entre culpabilité et perte de l’être cher, qui aura ému plus d’un spectateur, aux larmes. Face à cette déesse d’exception, le personnage d’Adonis, interprété par le baryton Andrew Santinin’a pas démérité. En effet, sa prestance et sa voix enjôleuse ont fait fort impression même si le rôle restait assez limité. Cupidon, quant à lui, incarné par le contre-ténor Magid El-Bushra, a su s’imposer malgré un timbre pas toujours très séduisant. Enfin le chœur, composé d’environ 8 chanteurs, plutôt homogène et bien chantant, s’est réparti des deux côtés du chef et claveciniste, et a même créé la surprise en intervenant depuis le haut du très imposant orgue de la basilique Saint-Pierre et Saint-Paul.
Avec cette œuvre magique, servie par des artistes impliqués et touchants, c’est un très joli cadeau que le festival a offert à son public.
Ruggero Meli