Franco Fagioli sings Mozart in Versailles 9.I.2022

Franco Fagioli: Mozart & the castrati

Château de Versailles, Sunday 9 January 2022, 3pm

Franco Fagioli, countertenor

Kammerorchester Basel 

Daniel Bard Violon et direction


Joseph Martin Kraus (1756 – 1792) Ouverture de Olympie (tragédie d’après Voltaire)

 Wolfgang Amadeus Mozart (1756 – 1791) Air de Ramiro « Se l'augellin sen fugge » (La Finta Giardiniera)

Joseph Martin Kraus Symphonie en do majeur « violon obligato » (Andante) 

Wolfgang Amadeus Mozart Récitatif et air de Cecilio « Dunque sperar poss`io.....Il tenero momento » (Lucio Silla) 

Joseph Martin Kraus Ouverture de Proserpin 

Wolfgang Amadeus Mozart Air de Sesto « Parto, parto, ma tu ben mio » (La Clémence de Titus) 

Air de Sesto « Deh, per questo istante » (La Clémence de Titus) 

Joseph Martin Kraus Symphonie en fa 

Wolfgang Amadeus Mozart (1756 – 1791) Motet pour soprano, orchestra et orgue Exsultate Jubilate

Franco Fagioli, countertenor

Kammerorchester Basel

         Alors que le contre-ténor Franco Fagioli, qui aime décidément les défis, flirte avec d’autres compositeurs que les “traditionnels” Haendel ou Vivaldi, notamment avec des compositeurs du baroque tardif tels que Gluck ou plus encore Rossini, voici que le château de Versailles l’accueille dans un récital totalement consacré à Mozart. Bien que ce ne soit pas la première fois que le chanteur honore ce compositeur (on se souvient de son Sesto de La Clemenza di Tito à Nancy ou de son Cecilio dans Lucio Silla à Karlsruhe ou à Paris) le programme offre quelques nouveautés telles que l’air de la Finta Giardiniera ou encore le motet “Exultate Jubilate”. 

           Cependant, l’intérêt de ce programme est d’avoir regroupé des pages que Mozart avait composées pour différents castrats (la plupart du temps chantées par des femmes de nos jours). C’est donc à un vrai défi technique auquel nous convie le contre-ténor (des pages à la tessiture dangereusement haute) et auquel peu de contre-ténors avant lui se sont essayé. En cette matinée du dimanche 9 janvier 2022, le public versaillais se trouvait doublement privilégié suite à l’annulation de toute la tournée, de laquelle seule cette date a survécu à la pandémie. Un programme qui aurait été enregistré l’an dernier, nous dit-on, et qui devrait sortir prochainement.

          Franco Fagioli était accompagné pour l'occasion, par un kammerorchester Basel en grande forme, dirigé non pas par un chef d’orchestre mais par le premier violon, dit “konzertmeister”, le très talentueux Daniel Bard, tout à la fois rigoureux et fougueux. Il y a quelques semaines nous l'avions vu à l'oeuvre avec cette même formation sous la direction de Paul McCreesh dans un Messie de Haendel frisant la perfection à Vienne et à Bâle.


           Mozart n’était pas le seul compositeur inscrit au programme, il alternait avec des pièces orchestrales du trop rare Joseph Martin Kraus, tout à fait rafraîchissantes, inventives et surprenantes. Cette mise en miroir savamment agencée, permettait de souligner les accointances des deux compositeurs et de magnifier la musique de l’un par l’autre. Mozart a eu la chance de jouir d’une immense notoriété posthume alors que Kraus est resté Injustement oublié. Pourtant certaines tentatives, fort réussies, ont vu le jour, en vain, comme celle de la soprano Simone Kermes qui lui avait consacré en 2008 un disque entier de cantates absolument sublimes (des pièces vocales très proches des airs de concert de Mozart) et qu’elle n’a jamais pu mettre au programme des salles de concert, trop frileuses à l’idée de proposer au public un compositeur inconnu. 

        Il est à noter que les pièces de Kraus permettent de mettre en exergue un certain nombre d’instruments solos tels que le pianoforte, le violon, les flûtes, la clarinette ou le violoncelle. Chacun de ces solistes a pu brillamment servir cette musique si vivifiante. 

         Mais c’est bien Franco Fagioli qui brillera le plus. D’ailleurs, il frappe tout de suite fort avec un air de la Finta Giardiniera aux vocalises ébouriffantes et qui permet à l’artiste de s’amuser d’une virtuosité déconcertante et faussement facile. 

          Le deuxième air quant à lui, tiré de Lucio Silla, aura certainement été le plus bluffant de la soirée avec ses redoutables difficultés techniques, notamment des sauts d’octave inattendus, et des notes extrêmes aux confins d’une voix qui fascine.

           On retrouve avec bonheur, les deux airs de Sesto de La Clemenza di Tito. Alors qu’à Nancy, il n’avait pas totalement convaincu dans le rôle, il s’affirme cette fois avec davantage de panache et d’aisance sur toute la tessiture. 

           Il ne restait alors guère que le plat de résistance pour clôturer le programme officiel: le célèbre motet “Exultate Jubilate”, œuvre que toute soprano possède à son répertoire. Peu de contre-ténors s’y sont frottés tant il est difficile d’affronter sa tessiture. Franco Fagioli s’en acquitte avec une joie communicative dans la première partie, puis avec tendresse et sensualité dans la deuxième pour finir par un alléluia jubilatoire et une cadence finale haute (à laquelle même certaines sopranos ne se risquent pas). Alors, à part quelques notes aiguës tendues et légèrement stridentes, difficile de ne pas résister au phénomène Fagioli, qui une fois de plus, a su se dépasser avec expressivité et brio. 

          En bis, deux airs de Cherubino comme taillés sur mesure puis une tentative désopilante de la Reine de la nuit. 

          Au final, un concert fort en émotions, dues à un artiste d’exception, à la voix virile, ronde et longue. Peut-être pas le plus beau timbre de contre-ténor qu’il soit, mais des capacités techniques hors du commun, un aplomb déstabilisant et une voix qui passe aisément et avec homogénéité du baryton au mezzo-soprano au soprano colorature. A quand Mitridate ?