Francfort : Haendel Partenope, 16.XI.2024
A Francfort, un petit grain de folie s'est emparé de l'opéra Partenope
Francfort, Bockenheimer Depot, le samedi 16 novembre 2024 à 19h.
Georg Friedrich HAENDEL: PARTENOPE HWV 27, opéra en trois actes, livret adapté de Silvio Stampiglia.
Partenope : Jessica Niles, soprano
Rosmira : Kelsey Lauritano, mezzo-soprano
Arsace : Franko Klisović, contre-ténor
Armindo : Cláudia Ribas, contralto
Emilio : Magnus Dietrich, ténor
Ormonte : Jarrett Porter, baryton-basse
Danseurs : Adrián Ros / Tommaso Bertasi / Lara Fournier / Sophia Esmeralda Vollmer / Ariadna Llussà
Frankfurt Opern & Museumsorchester
Statisterie der Oper Frankfurt
Direction et clavecin : George Petrou
Mise en scène : Julia Burbach
Décors : Herbert Murauer
Costumes : Raphaela Rose
Chorégraphie : Cameron McMillan
Lumières : Joachim Klein
Dramaturgie : Zsolt Horpácsy
Un spectacle sciemment déstabilisant, bouillonnant, qui d’emblée part dans tous les sens, détonne et surprend. Des danseurs semi-nus occupent l’espace et font le show. Les costumes, sans cohérence, vont du guerrier grec à l'élégance XVIIIe siècle. Un imbroglio pensé comme une douce folie visuelle par les soins de la jeune metteuse en scène Julia Burbach. Les personnages prennent tout à la légère et plongent le spectateur dans une atmosphère légère et divertissante à la Goldoni. Ils évoluent au cœur d’un manège : une scène circulaire en mouvement surmontée d’un panneau en demi-cercle en guise de mur de fond de scène. Un rideau, fait de longues lamelles légèrement transparentes, coulisse de temps à autre jusqu'à recouvrir la scène, permettant ainsi diverses entrées et sorties. Un jeu de rêverie et de réalité opère alors. il donne l’impression que tout n’est que fête et légèreté à l’intérieur et réalité à l’extérieur. Un effet qui se renforcera durant la seconde partie comme si ce monde enchanteur prenait petit à petit un caractère de plus en plus sérieux et de moins en moins léger. Les sentiments des personnages se renforcent et l’on est subitement touché par leur sincérité. Ceci dit, la trame de l'opéra reste bien opaque si l’on n’est pas en capacité de lire les surtitres en allemand. Il faut dire qu’il est difficile de traiter un livret quasi indigent qui se résume à un imbroglio amoureux alambiqué : Partenope est amoureuse d’Arsace qui l’est en retour mais aime aussi Rosmira et ne sait laquelle choisir. Partenope est également courtisée par Armindo qu’elle finira par épouser…
Qu’importe, le spectateur est à la fête, il en prend plein les yeux et passe un vrai bon moment, d’autant que la distribution réunie pour l’occasion réserve de très bonnes surprises, à commencer par le rôle titre. Jessica Niles, pourtant annoncée malade, nous a totalement conquis. Son soprano clair et bien timbré a fait des merveilles. La voix, superbe, sait accrocher ces notes hautes sans jamais perdre sa rondeur et son fruité. Les vocalises sont faciles et l’expressivité est au rendez-vous. Irrésistibles arias 'Qual farfaletta' ou 'L’amor ed il destin'. L’opéra de Francfort a le chic pour dénicher de formidables sopranos, on pense à Brenda Rae, à Kateryna Kasper ou Louise Alder.
Dans le rôle d’Arsace, le contre-ténor Franko Klisovic s’est montré particulièrement bluffant. Il a notamment chanté un 'Furibondo' ou un … (dont une partie est partie à la trappe) avec une virtuosité détonnante. Il a su trouver également les moments élégiaques avec une mezza di voce qui a véritablement porté le public en état de lévitation. Reste les limites d’un timbre intéressant mais pas inoubliable d'autant que la gestion de l'intensité de la voix requiert encore davantage de maîtrise.
Dommage que Claudia Ribas, dans le rôle d’Armindo, ne bénéficiait que de deux airs, car sa voix de contralto, solide et sonore, a fait notre bonheur.
Kelsey Lauritano, avait fort à faire dans le rôle de Rosmira, et nous a fait profiter de son séduisant mezzo-soprano ainsi que de sa virtuosité. Seulement la voix manque cruellement de projection.
Enfin, dans les deux petits rôles masculins Ormonte et Emilio, nous avons pu entendre respectivement le très bon baryton-basse Jarrett Porter et le ténor Magnus Dietrich, ce dernier ne convaincant que partiellement.
Toute cette équipe bénéficiait de la direction tonique et innovante du chef spécialisé dans ce répertoire, George Petrou qui a réalisé un fort beau travail avec l’orchestre de Francfort.
Ruggero Meli