PARIS GARNIER HANDEL ALCINA 28.XI.2021
Georg Friedrich Haendel: Alcina
Opera in three acts
after L’Arioste Orlando furioso
Paris, Garnier Opera Sunday 28 November 2021 2.30pm
Alcina : Jeanine de Bique, soprano
Ruggiero : Gaëlle Arquez, mezzo-soprano
Morgana : Sabine Devieilhe, soprano (25 Nov. > 17 Dec.) Elsa Benoit, soprano (19 > 30 Dec.)
Bradamante : Roxana Constantinescu, mezzo-soprano
Oronte : Rupert Charlesworth, tenor
Melisso : Nicolas Courjal, bass-baritone
Choeurs de l’Opéra national de Paris
Chorus master : Alessandro Di Stefano
Balthasar Neumann Ensemble
Conductor : Thomas Hengelbrock (Iñaki Encina Oyón 26,28 décembre)
Director : Robert Carsen
Revival director : Christophe Gayral
Set design, Costume design : Tobias Hoheisel
Lighting design : Jean Kalman
Choreography : Philippe Giraudeau
Dramaturgy : Ian Burton
Alcina : Jeanine de Bique, soprano
Ruggiero : Gaëlle Arquez, mezzo-soprano & Alcina : Jeanine de Bique, soprano
All pictures: © Sébastien Mathé - OnP
Great and successful reprise of the subtle, elegant, slow, minimalist production of Alcina by Robert Carsen at the Paris Opera Garnier this month. What can one expect more than a stellar cast and an excellent conductor and orchestra on top of that?
Décidément l’opéra de Paris n’a pas fini de remettre en scène la production d’Alcina de Haendel de Robert Carsen. Il faut dire qu’elle fonctionne toujours aussi bien, même après plus de vingt ans: élégante, fine et moderne, les trois heures de spectacles passent trop vite. Pour ceux qui ne la connaîtraient pas (la production a été reprise de nombreuses fois) Robert Carsen a choisi de transposer le personnage de l’ensorceleuse Alcina sur son île en directrice d’un hôtel enchanteur qui attire les touristes comme l’île attirerait les marins. Melisso et Bradamante (cette dernière déguisée en Astolfo, son frère) débarquent avec leurs valises afin de remettre Ruggiero « dans le droit chemin », tandis que Morgana et Oronte sont des employés de l’établissement: ils accueillent les arrivants, refont les lits, mettent la table, etc. C’est l’histoire triviale d’un homme marié, Ruggiero, qui après avoir trompé sa femme, Bradamante, souhaite rompre avec sa maîtresse. Cette dernière, Alcina, semble aimer pour la première fois, désespérée, elle se suicide en se jetant sur son amant qui tient un couteau à la main (tout un symbole).
On se souvient encore avec forte émotion de l’Alcina de Renée Fleming, vibrante, exaltée jusqu'au-boutiste, inégalée (les passionnés ne manqueront pas de se procurer l’enregistrement radio de Chicago dont l’interprétation dépasse le domaine du possible et va encore plus loin que la captation parisienne. En prime le Ruggero survolté de Jennifer Larmore). Les reprises successives de cette production à l’opéra de Paris n’ont pas pour autant démérité et ont vu se succéder notamment Luba Orgonasova, Inga Kalna, ou encore Emma Bell, etc. (pour ne mentionner que le rôle-titre. Voir ci-dessous notre tableau des différentes distributions d’après nos archives) jusqu’à cette nouvelle reprise avec la soprano Jeanine De Bique qui affiche une voix seduisante et si particulière: tout à la fois haute (de divines notes aigues fines et d'une grande pureté) et chaude et pleine dans le medium et bas-medium, chargée d’harmoniques graves qui donnent consistance et personnalité à la figure d’Alcina. Avec ses da capo audacieux et tout à fait personnels, l’Alcina de Jeanine De Bique se révèle hautement dramatique et touchante. Nous tenons là une grande dame du monde lyrique, même si la diction n’est pas toujours très nette.
Son criant désespoir dans l’air « Ah, mio cor » glace le sang. Seule et délaissée dans cette gigantesque pièce vide qui n’a guère que des murs à lui offrir, ceux-là même qui lui servaient à emprisonner ses « proies » et qui, ironie du sort, la maintiennent maintenant prisonnière.
Relevons également ces deux petites chaises dans l’air « Ombre pallide » qui deviennent monstrueuses au travers de leurs ombres disproportionnées, criantes d’une vérité qui fait mal: elles sont désespérément vides. Tout est fini avec Ruggiero. Alcina devient alors une sorte de fantôme à l’identique de toutes ses victimes, le sort se retournant décidément contre elle. Elle n’est plus rien que ce qu’elle a infligé aux autres: une âme errante dévitalisée. Les vocalises et la personnalisation de l’air font de cette scène finale de l’Acte II certainement le point culminant de l’opéra. Le souffle y est long et sans faille et les variations audacieuses et risquées. Le public est bluffé.
En peu de temps, la soprano Jeanine De Bique est devenue la spécialiste incontournable du compositeur. En effet, nous l’avons déjà entendue dans le Messie, Rodelinda à Lille, Giulio Cesare à Saint-Galle, La Resurezzione à Versailles, etc. Elle vient d’ailleurs de sortir un cd solo intitulé "Mirror" qui sera bientôt suivi d’une petite tournée de 3 concerts en Belgique et aux Pays Bas.
Face à cette force dramatique, il fallait un Ruggiero à sa hauteur tel que celui de Gaëlle Arquez dont on admire le velouté d'un timbre particulièrement séduisant, la diction impeccable, la voix vaillante et racée. Un personnage qui s'affirme avec forte expressivité même s’il reste un brin trop féminin (en comparaison à celui de Veselina Kasarova par exemple).
La Morgana de Sabine Devieihle ne possède pas la pétillance et le bouillonnement de Nathalie Dessay de 1999 mais la fraîcheur et la brillance de sa voix sont dans sa parfaite lignée. Les notes suraiguës tant attendues sont distribuées avec une certaine parcimonie mais font mouche auprès d’un public demandeur. L’interprétation est souvent fine comme lorsque qu'elle découvre que Bradamante est une femme, c’est alors avec une colère contenue qu’elle réagit et non avec éclats comme on aurait pu s'y attendre.
Le ténor britannique Rupert Charlesworth, dont le torse-nu a affolé la salle, déploie une voix virile, souple, chaude et facile qui gagne encore en qualité dès que la voix monte. C’est tout simplement un Oronte de luxe.
La mezzo-soprano Roxana Constantinescu, sans véritablement séduire, s’avère bien efficace et virtuose dans le rôle de Bradamante.
Avec une voix fière, noble et impérieuse, le baryton-basse Nicolas Courjal confère sagesse et autorité à son Melisso, et fait de ce personnage, à peine remarqué dans d’autres productions, un pivot central.
A noter que le rôle d’Oberto (petit garçon à la recherche de son papa) est passé à la trappe dans cette reprise.
Thomas Hengelbrock et son Balthasar Neumann Ensemble
accomplissent un travail remarquable: sensible et contrasté, avec des partis pris assumés comme l’air de Ruggiero, au tempo extrêmement lent, ou bien l’air « Mio bel tesoro » aux surprenantes notes piquées, ou relevons encore les cordes frappées du théorbe dans le trio, etc.
Cette élégante Alcina, riche et dépouillée, lente et déchirante n’a décidément pas fini de surprendre et de dévoiler ses secrets et autres subtilités.
June 1999 Paris Garnier
Conductor: CHRISTIE William
Alcina: René FLEMING
Ruggiero: Susan GRAHAM
Morgana: Nathalie DESSAY
Bradamante: Elizabeth KUHLMANN
Oronte: Timothy ROBINSON
Oberto : Juanita LASCARRO
Melisso: Laurent NAOURI
Staging: Robert CARSEN.
May 2004 Paris Garnier
Conductor: NELSON John
Alcina: Luba ORGONASOVA
Ruggiero: Vesselina KASAROVA
Morgana: Patrizia CIOFI
Bradamante: Vivica GENAUX
Oronte: Toby SPENCE
Oberto: x
Melisso: Luca PISARONI
Staging: Robert CARSEN
December 2007 Paris Garnier
Conductor: SPINOSI Jean-Christophe
Alcina: Inga KALNA/Emma BELL
Ruggiero: Vesselina KASAROVA
Morgana: Olga PASICHNYK
Bradamante: Sonia PRINA
Oronte : Xavier MAS
Oberto: Judith GAUTHIER
Melisso : François LIS
Staging: Robert CARSEN.
February 2014 Paris Garnier
Conductor: ROUSSET Christophe
Alcina: Myrto PAPATANASIU
Ruggiero: Anna GORYACHOVA
Morgana: Sandrine PIAU
Bradamante: Patricia BARDON
Oronte: Cyrille DUBOIS
Oberto: x
Melisso: Michal PARTYKA
Staging: Robert CARSEN