VIVALDI L’OLIMPIADE, Paris TCE 20.VI.2024

Des Olympiades aux résultats inégaux

Théâtre des Champs Elysées, jeudi 20.VI.2024 à 19h30, première

Antonio Vivaldi : L'Olimpiade, RV 725

Opéra en trois actes sur un livret de Pietro Metastasio (arrangé par Bartolomeo Vitturi)  

Première exécution: Venise, Teatro Sant'Angelo, 17.II.1734 

Quentin Signori | acrobate 

Bryan Doisy, Kerem Gelebek, Giacomo Luci, Allister Madin, Paul Vezin | danseurs  

Ensemble Matheus  

Chœur de l’Académie Haendel Hendrix

Jean-Christophe Spinosi | direction 

Emmanuel Daumas | mise en scène 

Alban Ho Van | scénographie 

Raphaëlle Delaunay | chorégraphie  

Marie La Rocca | costumes 

Cécile Kretschmar | perruques, maquillage, masques 

Bruno Marsol | lumières  

L'intrigue

Ces olympiades fournissent un contexte inhabituel et original à une série d'imbroglios amoureux. En effet, Licida qui a délaissé Argene, souhaite épouser Aristea, la fille du roi Clistene. Ce dernier promet au vainqueur des Jeux Olympiques la main de sa fille. Aussi Licida, pour mettre toutes les chances de son côté, enjoint son fidèle ami et très athlétique Megacle à concourir sous son nom. Megacle accepte mais réalise peu après que celle qu’il va pousser dans les bras de son ami n’est autre que sa bien aimée Aristea (qui l’aime en retour).

          L’occasion était trop belle pour la manquer. Aussi le Théâtre des Champs Elysées a-t-il programmé ses propres Jeux Olympiques à quelques jours de l'ouverture des Jeux de Paris, avec l’opéra L’Olimpiade de Vivaldi, dans un spectacle imaginé par Emmanuel Daumas. Un décor de salle de sport avec testostérone, biceps et entraînements intensifs à profusion. Des athlètes survitaminés réalisent des figures techniques spectaculaires. En parallèle, le spectateur se retrouve au cœur de la Grèce Antique et ses créatures légendaires : le Minotaure, la pythie de Delphes… Difficile de suivre le lien de ces thématiques. D’autant que les costumes n’aident pas vraiment à clarifier les choses. Un imbroglio intentionnel des époques allant de la Grèce antique en passant par la Rome antique (scène inspirée par le Satyricon de Fellini), le Moyen Âge (le costume à large collerette blanche ou les coiffures aux cheveux épilés sur le haut du front), jusqu’aux costumes décalés XVIIIe, mais aussi le conte de fée avec la présence d’Alice aux Pays des Merveilles (Aristea) dans la seconde partie. Les athlètes arborent des tenues de sport contemporaines. Même sans lien clair et patant entre ces deux principales thématiques : sport et mythologie, ce spectacle se laisse apprécier sans jamais conduire à l’ennui mais sans jamais passionner pour autant. Retenons tout de même quelques moments d’une grande réussite esthétique telle que la scène dans laquelle Licida se meut à l'aide de gestes scandés dans une atmosphère futuriste et vaporeuse ou bien l’air d’Alcandro accompagné d’un divin violoncelle solo placé sur la scène, ou encore le spectacle époustouflant de l’acrobate à la corde pendant l’air d’Aristea. Une façon de mettre en parallèle la performance vocale baroque à celle physique. Malheureusement le regard est happé par le spectacle athlétique ce qui tend à desservir la performance vocale d’un Argene statique par exemple.


          Côté solistes, deux stars à l’affiche ont contribué à l'affluence des spectateurs : le phénomène hip-hop Jakub Józef Orlinski et la très courue Marina Viotti. Deux artistes plutôt d’un bon niveau mais largement surévalués au vu de leur prestation en cette soirée de première. En effet, il est difficile parfois d’endurer le timbre geignard du contre-ténor. Sans démériter et même si elle fait preuve d’une certaine virilité vocale dans le rôle de Megacle, la voix de Marina Viotti reste féminine et les registres manquent parfois d’homogénéité. Rappelons qu’à sa création, le rôle de Megacle était interprété par le castrat soprano Francesco Bilanzoni. 

           La seule artiste que nous ne connaissions pas, Caterina Piva, dans le rôle d’Aristea, affiche le timbre chaud d’un mezzo-soprano bien appréciable. Pourtant à Innsbruck, le pur contralto de Margherita Maria Sala dans ce même rôle faisait mieux encore (voir notre compte rendu), d’autant que la mezzo-soprano n’a pas pu dissimuler des vocalises abondamment savonnées dans l’air 'E troppo spietato'.

          Delphine Galou dans le rôle d’Argene s’est bien rattrapée dans son air 'Per que' tanti suoi sospiri'. 

          Reste trois artistes lyriques de haute volée. À commencer par la voix de basse unique de Luigi De Donato qui incarne un roi Clistene, aux costumes improbables et décalés, un brin farfelu mais impitoyable au point de se muter en boucher sanguinaire à la fin de l’opéra. Christian Senn, quant à lui dans le rôle d'Alcandro, affublé d’une perruque excentrique et d’un costume de fou du roi, finit par tomber le masque dans l’air 'Sciagurato, in faccia a morte' faisant place à une sensibilité et une sincérité absolument touchantes : l’un des highlights de la soirée. Enfin, Ana Maria Labin qui remplaçait Jodie Devos subitement emportée par un cancer foudroyant à l’âge de trente-cinq ans et dont le Théâtre des Champs Élysées rendait un hommage émouvant en cette soirée de première, a largement remporté l’adhésion du théâtre dans une performance vocale de haute voltige, notamment dans l'air 'Siam navi all'onde algenti', accompagné d’un irrésistible show de sorcellerie divinatoire exsangue. 

          Un spectacle très bien accueilli par le public parisien, magnifié par les forces de l’Ensemble Matheus et le Chœur de l’Académie Haendel Hendrix, impulsés par la baguette vivifiante d’un Jean-Christophe Spinosi bien mieux préparé qu’à Beaune l’été dernier. 

Diffusion télévisuelle à venir. 

                                              Ruggero Meli

Quelques photos du spectacle © Vincent Pontet