Reggio d’Emilie : Haendel Giulio Cesare 14.II.2025
Un beau spectacle parasité par une incessante effervescence scénique
Reggio d'Emilie, Teatro Valli, le vendredi 15 février 2025 à 20h
Georg Friedrich Haendel : Giulio Cesare, Dramma musicale en trois actes sur un livret de Nicola Francesco Haym, créé au King’s Theatre de Londres, le 20 février 1724.
Giulio Cesare : Raffaele Pe
Cleopatra : Marie Lys
Achilla : Davide Giangregorio
Cornelia : Delphine Galou
Tolomeo : Filippo Mineccia
Sesto : Federico Fiorio
Nireno : Andrea Gavagnin
Curio : Clemente Antonio Daliotti
Accademia Bizantina, dir. et clavecin: Ottavio Dantone
Mise en scène : Chiara Muti
Décors : Alessandro Camera
Costumes : Tommaso Lagattolla
Lumières : Vincent Longuemare
Un spectacle qui a tendance à révéler la peur du “vide” de la metteuse en scène Chiara Muti. En effet, l’effervescence démesurée du spectacle donne le tournis et le regard ne sait plus vers quoi se tourner, et ce tout au long de l’opéra.
Le choix de faire usage d’humour dans l’opera seria est un art délicat. A haute dose ou si le trait est trop appuyé, le spectacle risque de tomber dans le genre bouffe. C’est la tendance que prend l'opéra ici malheureusement : certains combats frisent le pathétique comme celui entre Sesto et Tolomeo à la fin par exemple, les verres de vin ou nourritures empoisonnés absolument prévisibles avec des arrêts cardiaques proches du ridicule, les soldats pris au hasard pour y goûter, etc.
Passées ces réserves, on reste fasciné par l’élément de décor principal qui n’est autre que le visage de Jules César posé à plat, immense, tel un rocher sur lequel les personnages grimpent, se posent puis glissent. Il se divise en plus ou moins 6 blocs qui, séparés, vont servir à délimiter des lieux ou servir de cache aux personnages. Un visage qui se décompose et se reconstitue à volonté. Dès le départ, c’est une course effrénée vers le pouvoir qui se joue sur scène. Pouvoir symbolisé par la couronne de laurier que tous s’arrachent et convoitent sans merci : tous les coups sont permis.
Certains costumes sont absolument somptueux comme celui de Tolomeo : sorte de cape ailée tissée d'or.
Bref, globalement, cette mise en scène rend justice au livret, et se laisse déguster avec un certain plaisir et sans ennui. Soulignons que certaines scènes, baignées de pénombre et de brume, forment de somptueux tableaux vivants. Notons que les personnages semblent avoir des pouvoirs et manipulent leurs troupes et autres personnages d’un simple mouvement de la main ou du doigt.
Les qualités de cette production sont d’autant plus appréciables que la prestation de l’orchestre Accademia Bizantina sous la direction trépidante d’Ottavio Dantone s’avère passionnante comme par exemple dans l’air de Sesto ‘L'angue offeso’.
Parmi les solistes, mention spéciale à la Cleopatra de Marie Lys qui nous a tiré les larmes dans son air ‘Piangerò’. Capable de cadences absolument éclatantes et vertigineuses, elle en use avec parcimonie, trop peut-être.
Le Tolomeo de Filippo Mineccia, un brin décadent et cruel, crève la scène. Sa voix percutante n’a d’égal que sa présence démoniaque.
Delphine Galou trouve en Cornelia l’un de ses meilleurs rôles. Ses lamentations et son élégance naturelle touchent. Elle fait usage de notes longues qu’elle tire en de douloureux râles et autres plaintes tout à fait émouvantes.
L’Achilla de Davide Giangregorio, que l’on découvrait pour la première fois, s’est révélé être une belle surprise. Pas tout à fait convaincant dans les récitatifs, il a fait valoir sa voix sombre et sonore avec éclat pendant ses airs.
Très bel accueil du public pour le contre-ténor Federico Fiorio dans le rôle du jeune Sesto. D’abord (ridiculement) timoré, il prend de l’assurance au fil du spectacle jusqu’à pouvoir, à l’égal d’un Cesare, développer le pouvoir de maîtriser des personnages à distance. Pourtant qu'il est difficile de supporter ses sons geignards ! Touchant duo, en revanche, avec sa mère Cornelia ‘Son nata a lagrimar’.
Enfin le Giulio Cesare de Rafaele Pe nous laisse perplexe. La voix semble abîmée et donne l’impression d’efforts douloureux pour émettre certains sons. L’artiste trouve pourtant ses meilleurs moments dans les airs lents, pris à l’aide d’une délicate mezza voce comme dans le récitatif et air du troisième acte ‘Dall’ondoso periglio…Aure deh per pietà’.
Le chœur final omis dans cette production, a été donné en bis avec une fougue ravageuse qui a poussé le public à applaudir en rythme durant toute son exécution.
Samuel Passetan