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Abbaye de Saint-Michel en Thiérache, le dimanche 30 juin 2024 à 11h30
Catherine Trottmann, soprano
Ensemble Il Caravaggio
Camille Delaforge, clavecin et direction
MI PALPITA IL COR
A. Vivaldi : sonate pour violoncelle et continuo
G.F. Haendel : cantate 'Mi palpita il cor'
G.F. Haendel : air d´opéra 'Son qual stanco pellegrino' (Arianna in Creta)
***
F. Geminiani : sonate pour violoncelle et continuo en ré mineur
A. Vivaldi : cantate 'La farfalletta s’aggira'
A. Vivaldi : air 'Di se senti'
G.F. Haendel : air d´opéra 'Credete al mio dolore' (Alcina)
Bis : air 'Lascia ch'io pianga' (Rinaldo)
Abbaye de Saint-Michel en Thiérache, le dimanche 30 juin 2024 à 16h30
Marina Viotti, mezzo-soprano
Christian Zarzmba, baryton-basse*
Ensemble Les Musiciens du Louvre
Marc Minkowski, direction
Londres en scènes
George Frideric Haendel :
Concerto Grosso op. 3 n° 1
air de Mordecai 'O Jordan! O Jordan!' (Esther)
air de Barak 'All danger disdaining' (Deborah)
air d'Irene 'Defend her, Heaven' (Theodora)
Concerto Grosso op. 3 n° 4
récitatif et air d'Alexander Balus 'Be it my chief ambition...Fair virtue' (Alexander Balus)
récitatif accompagné et air de Dejanira 'Where shall I fly?...See, see, see' (Hercules)
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Concerto Grosso op. 3 n° 2
air de Serse 'Crude furie' (Serse)
air de Ruggiero 'Verdi prati' (Alcina)
air d'Ariodante 'Dopo notte' (Ariodante)
Concerto Grosso op. 3 n° 5 en ré mineur
air de Radamisto 'Ombra cara' (Radamisto)
Bis 1 : récitatif et duo 'Che crudel...Una guerra ho dentro il seno' (extrait de la cantate Apollo e Dafne)*
Bis 2 : extrait du concerto op. 3 n° 3
Bis 3 : Laurent Couson : "transcription pour orchestre de motets scandinaves" (chanson 'Gimme! Gimme! Gimme! A man after midnight' du groupe ABBA)
Bis 4 : da capo de l'air 'Dopo notte' (Ariodante)
Tous les ans, le festival de Saint-Michel en Thiérache jouit d’une programmation à se damner. Difficile de choisir l’un des cinq dimanches proposés. Après la venue exceptionnelle de Malena Ernman que l’on pensait définitivement sortie du circuit en ouverture du festival, c’est le dimanche 30 juin que se produisaient deux fabuleuses chanteuses lyriques : la soprano Catherine Trottmann et la mezzo-soprano Marina Viotti, accompagnées de deux ensembles pas moins fabuleux, en l’occurrence Il Caravaggio sous la direction de la claveciniste Camille Delaforge et Les Musiciens du Louvre sous la baguette de Marc Minkowki. Toutes deux se produisaient dans un programme presque exclusivement consacré au roi du baroque Georg Friedrich Haendel. Les amateurs de sensations fortes et de montagnes russes des sentiments n'auront pas été déçus de voyager dans cet univers où les passions et les sentiments sont délicieusement exacerbés.
Le programme de Catherine Trottmann, qui faisait alterner cantates et arias de Haendel et de Vivaldi, intitulé 'Mi palpita il cor' (J’ai le cœur qui palpite), débutait par la cantate de Haendel du même nom. Une oeuvre qui permet à la soprano de se distinguer au travers d'une palette de sentiments assez variée, allant de l’émoi amoureux agité à la désolation puis à la joie et la légèreté. Mais c’est bien dans la cantate de Vivaldi 'La farfalletta s'aggira' que la chanteuse parvient à séduire davantage encore en jouant et s’amusant de la partition notamment en mimant le papillon qui se déplace de fleur en fleur en marquant des pauses inattendues. Le lamento 'Vedrò con nero velo' était particulièrement réussi avec notamment ses longues vocalises languissantes dans la partie centrale ainsi que l'air 'Di se senti' avec ses notes piquées tel les baisers envoyés avec pudeur. La voix de Catherine Trottmann possède une consistance peu commune pour une soprano, ce qui lui permet de conférer davantage de caractère à son interprétation, notamment dans les récitatifs. Seulement, l'inconvénient, c'est ce léger manque de raffinement et de délicatesse parfois. Des caractéristiques vocales qui résultent certainement de son changement de tessiture de mezzo-soprano à soprano. Bien qu'elle n’avait pas totalement convaincu lors de sa prestation dans La Resurrezione de Haendel à Froville, elle tire mieux son épingle du jeu dans ce récital. Un moment heureux qui lui permet de montrer ses talents d’actrice et de jouer avec les partitions dans un esprit de partage et de légèreté et ainsi conquérir un public absolument ravi en cette matinée. Mention spéciale à l'ensemble Il Caravaggio, dont chaque membre s'implique pleinement avec talent.
Le récital de Marina Viotti, plus consistant voire musclé encore que celui de sa camarade, un terme qui lui sied d’autant mieux qu’elle jouait les gros bras il y a quelques jours au Théâtre des Champs Elysées dans le rôle d’un athlète en lice aux Jeux Olympiques (voir notre compte rendu). Un programme qui faisait se côtoyer des airs rares (tirés des oratorios Deborah, Esther ou Alexander Balus) mais aussi notoires (tirés des opéras Serse, Ariodante, Alcina) du Caro Sassone qui globalement ne ménageaient pas la chanteuse. Une artiste que nous avions découverte dans le rôle de Bradamante dans l'opéra Alcina à Strasbourg en mai 2021 et que nous avions plutôt bien apprécié. Dotée d'une voix longue allant aisément du soprano au contralto et plutôt flexible, la chanteuse affiche une certaine aisance de style et de technique baroque pour investir ces lamenti, airs dramatiques ou virtuoses. Le tout avec un tempérament de feu. Une prestation certes valeureuse et louable mais à laquelle il est nécessaire d'apporter quelques bémols : des vocalises pas toujours impeccables, qui accrochent ou savonnent (Serse), au volume allégé (Hercules) pour tenter de mieux les faire passer (ce qui crée un déséquilibre de projection), des registres pas toujours très uniformes, des notes graves inconfortables (début du récital) mais surtout un chant qui manque de raffinement voire d'une certaine classe. Marina Viotti jouit actuellement d’une notoriété quelque peu surévaluée à notre humble avis. Il n’empêche que le public et nous même, nous sommes régalés de cette fête baroque magnifiée surtout par les forces prodigieuses des Musiciens du Louvre sous la direction incandescente de leur chef Marc Minkowski. Leur sonorité si généreuse, chatoyante et tellement théâtrale devient addictive. Nous tenons là certainement le meilleur orchestre baroque français. Difficile de faire mieux. Aussi le public a-t-il eu du mal à laisser repartir les artistes qui ont offert pas moins de quatre bis surprenants et absolument festifs.
Le festival peut s’enorgueillir de terminer de façon absolument flamboyante sa 30e édition. Vivement l’an prochain.
Ruggero Meli