Tourcoing, Théâtre municipal Raymond Devos, le jeudi 24 avril 2025 à 20h
Georg Friedrich HAENDEL (1685-1759) : La Resurrezione HWV 47, oratorio en deux parties sur un livret de Carlo Sigismondo Capece
Angelo : Nardus Williams, soprano
Maddalena : Céline Scheen, soprano
Cleofe : Paul-Antoine Bénos-Djian, contre-ténor
San Giovanni : Thomas Hobbs, tenor
Lucifero : Thomas Dolié, baryton-basse
Le Banquet Céleste
L’atelier lyrique de Tourcoing continue d’enchanter son public avec sa programmation aux petits oignons qui donnerait envie de s’installer dans la ville. Œuvre de saison, La Resurrezione de Georg Friedrich Haendel nous relate le combat entre l’Ange et Lucifer et le témoignage poignant des trois jours qui séparent la mort du Christ de sa résurrection au travers de trois personnages : Cleofe, Maddalena et San Giovanni. En ce jeudi 24 avril 2025 au Théâtre Municipal de Tourcoing, l’ensemble Le Banquet Céleste nous en proposait une version à mi chemin entre œuvre théâtrale et religieuse. En effet, ne pas théâtraliser à l'excès l'interprétation tout en conservant le caractère mystique de l'oeuvre semble avoir été le parti pris par l'ensemble comme dans l’air ‘Cosi la tortorella’ dans lequel l’attaque de l’oiseau de proie, que l’on peut entendre à l’orchestre, était nettement moins marquée que ce que l’on a pu connaître avec d'autres ensembles. Certaines interprétations poussent nettement l'oeuvre vers le drame opératique. Nous pensons notamment à celle de Julien Chauvin et son Concert de La Loge, entendue récemment (pour ne citer que celle-ci) avec notamment des effets théâtraux spectaculaires et avec le show phénoménal mené par Robert Gleadow en Lucifer. Il n’en demeure pas moins que la version du Banquet Céleste nous touche par sa délicatesse et sa ferveur religieuse. Une ferveur que l’on retrouve notamment dans l’interprétation d’une Céline Scheen que l’on n’attendait pas forcément dans ce répertoire, et qui même avec un léger stress palpable, s’est montrée passionnante en conférant une intensité inhabituelle au personnage de Maddalena qu’elle a ensoleillé de sa voix.
La surprise est venue du rôle féminin de Cleofe incarné inhabituellement par un homme. En l’occurrence le contre-ténor Paul-Antoine Bénos-Djian qui a véritablement magnifié le rôle de son timbre chaud et velouté, sa sensibilité mais aussi une virtuosité tout à fait bluffante. Après tout, le rôle avait été créé à Rome par un castrat, les femmes étant interdites par un arrêté papal. Habitués à entendre une contralto ou une mezzo-soprano dans le rôle, la voix de contre-ténor apporte davantage de relief à la distribution surtout avec la voix suave de notre artiste. Nous retiendrons particulièrement l’air très contrasté ‘Naufragando’, qui à lui seul allie la plus douce des prières à la virtuosité la plus échevelée. Un pur régal.
Malgré un timbre un brin nasillard et quelques notes aiguës tendues, Thomas Hobbs, dans le rôle de San Giovanni, a su apporter toute la tendresse nécessaire à un rôle si délicat notamment dans les airs ‘Cosi la tortorella’ ou plus encore dans le divin ‘Caro figlio’.
Avec sa voix bien timbrée, bien projetée et pleine de mordant, le baryton-basse Thomas Dolié confère panache et prestance au rôle de Lucifer. Les notes aiguës sont éclatantes, les graves un peu moins. Il faut dire que le rôle ne révèle jamais autant toute sa noirceur qu’avec une basse profonde.
Enfin Nardus Williams, une spécialiste du compositeur, prête son timbre fruité, lumineux et consistant au rôle de l’Ange. Avec calme et sans effort apparent, elle vient à bout des redoutables vocalises de son air d’entrée ‘Disseratevi o porte d’Averno’.
Mention spéciale aux interventions de certains membres de l'orchestre, notamment le violoncelliste Julien Barre qui a eu fort à bien faire.
Déjà on nous annonce que l'ensemble va proposer un autre des oratorios de Haendel la saison prochaine. A surveiller.
Ruggero Meli
Céline Scheen
Paul-Antoine Bénos-Djian
Thomas Hobbs
Nardus Williams
Thomas Dolié