Vivaldi LA FIDA NINFA Regensburg 22.12.2019

Regensburg Theater Sunday 22 December 2019 7.30pm

Dramma per musica von Antonio Vivaldi (1678–1741)

Regensburger Erstaufführung

Libretto von Francesco Scipione Maffei

In italienischer Sprache mit deutschen Übertiteln

Statisterie, Philharmonisches Orchester Regensburg

Gast-Konzertmeister Johannes Heim

Continuo-Gruppe:

Cembalo Arturo Del Bo / Jooa Jang

Theorbe, Barockgitarre Gudrun Petruschka

Violoncello Tomasz Skweres / Armand Fauchére

Kontrabass Matthias Nagel / Andreas Brand

Morasto: Sara-Maria Saalmann

Surprising performance of the very rare opera La Fida Ninfa by Vivaldi in Regensburg with a seducing staging and gorgeous settings: a subtle mix of modernity, baroque conception and comic strip! This success could not have been full without a fine team of artists such as the soprano Sara-Maria Saalmann in the difficult role of Morasto.

          Les opéras d'Antonio Vivaldi mis en scène sont rares alors Baroque News ne pouvait manquer cette occasion unique de voir La Fida Ninfa que le théâtre de Regensburg a eu l'audace ou plutôt le courage de programmer ! Bien lui en a pris car le théâtre affichait quasi complet et le public en est ressorti comblé au vu de la salve d'applaudissements reçue. 

Un public qui ne s'y est pas trompé. Le spectacle, d'abord déroutant, devient rapidement séduisant et subtil en alliant, intelligemment, le moderne au baroque. Un conception des décors bien insolite. 

Le tout fonctionnant à merveille ! L'opéra s'ouvre sur un décor des plus sordides: le repère d'un dangereux mafieux (tyran, trafiquant, tueur... tout à la fois). On croit d'emblée se retrouver, une fois de plus et à regret, dans une production type "regietheater", c'est peut-être ce que l'on a voulu nous faire croire. Mais le spectacle évolue progressivement et laisse place au rêve, à la magie en permettant aux personnages de s'échapper de cette noirceur environnante par la lecture d'un livre en 3D (que le papa raconte à ses deux filles), dont les images vont progressivement se propager sur les murs comme si elles prenaient vie à et laisser place à un décor baroque à mi-chemin entre la bande dessinée et ce qui se faisait au XVIIIe siècle notamment en reprenant certains codes tel le char descendant des cieux avec un dieu ex-machina ou le déchaînement des éléments ou bien encore l'indispensable embarcation sur les vagues... le tout dans des décors fort séduisants. Cette mise-en-scène à priori naïve, prend subitement une dimension universelle, en pointant toutes les oppressions qui règnent sur ce bas monde et cette touchante capacité de l'être humain à s'y substituer par la pensée et l'imaginaire.   

De plus, il y a un va et vient entre illusion et réalité, entre moderne et baroque le tout mené par une troupe de chanteurs qui suscitent émotion et juste ce qu'il faut d'humour pour ne pas tomber dans l'opéra bouffe. La distribution est globalement de bonne qualité et homogène mais celle qui a remporté la  plus forte adhésion auprès du public n'est autre que la soprano (ou mezzo-soprano) Sara-Maria Saalmann dans le rôle redoutable de Morasto, un rôle d'homme qui lui sied à merveille avec son physique alerte et androgyne; son personnage, hautement crédible et fort attachant emporte l'adhésion dès son tout premier air "Dolce fiamma" grâce à son  chant sensible et délicat mais solide à la fois. Admirable ! Alors on attend L'AIR, le fameux "Destin avaro", certainement l'air le plus redoutable à chanter que Vivaldi ait pu composer, voire le plus incroyable de toute la période baroque. D'ailleurs le metteur-en-scène "a mis le paquet" sur cet air au travers du déchaînement des éléments : bourrasques de vent, éclairs, pluie, et enfin le retour du soleil ! Même si la chanteuse Sara-Maria Saalmann accuse quelques difficultés d'exécution, son engagement et ses prises de risque payent dans ce déferlements de notes dans un rythme effréné et qui met la voix à rude épreuve. Elle parvient à mettre le feu sur scène. 

La mezzo-soprano Anna Pisareva dans le rôle de Licori accuse davantage de difficultés en revanche, notamment dans un autre air redoutable, le fameux "Alma oppressa" qu'elle décide d'alléger mais en y ajoutant ses propres difficultés dans le da capo (des notes piquées notamment), sage décision plutôt que de continuer à courir après les notes. Elle parvient ainsi elle aussi à faire sensation avec sa voix ample et percutante. 

Avec sa voix volumineuse ainsi qu'un physique démesuré, le baryton Johannes Mooser impressionne. Il incarne idéalement un Oralto tyrannique et sans pitié mais accuse un manque de souplesse dans les vocalises notamment comme dans l'air d'entrée : "Chi dal Cielo".

Son opposé vocal, Onur Abaci dans le rôle d'Osmino, ne possède peut-être pas la voix de contre-ténor la plus enviable mais il ne démérite pas pour autant et défend sa partie avec conviction et sincérité et rend son personnage fort attachant et touchant comme dans l'air 'Ah! Che non posso".

Quant au ténor Brent L. Damkier dans le rôle de Narete, il affiche un timbre brillant et solide en plus d'être émouvant dans ce rôle de père déchiré. Son poignant air "Deh ti piega" à la cadence si lancinante aura certainement été l'un des moments les plus forts de la soirée avec en prime une cadence finale à la note aiguë tenue tel un cri de désespoir.

Tous les autres rôles ont apporté fièrement leur touche à un spectacle fort réussi et qui s'efforce notamment de mettre en lumière les sentiments des personnages et leur jalousie dans un quatuor infernal. A ce propos, les ensembles sont fort bien réalisés. 

Musicalement aussi on est comblé, et ceci dès l'ouverture, brillante et tonique. A ce propos, saluons le travail admirable du chef Tom Woods.

Si vous recherchez un bon enregistrement de cette œuvre, essayez donc de vous procurer la version radiophonique que Radio Classique avait diffusée en direct du Festival d'Ambronay sous la direction de Spinosi (version bien meilleure encore que celle officielle au disque) avec notamment l'extraordinaire Alex Penda (ou Alexandrina Pendatchenska) dans le rôle de Morasto et Ann Hallenberg dans celui de Licori.

Un autre enregistrement radio d'intérêt : celui sous la baguette de Sergio Azzolini enregistré à Potsdam avec notamment le fascinant contre-ténor Jacek Laszczkowski (lorsqu'il était encore en bonne forme vocale) en Morasto et l'excellente Anna Maria Panzarella en Licori.