LISBON: HANDEL ARIODANTE 02.XI.2021

Opera seria in three Acts, HWV 33

Anonymous libretto after Ginevra, principessa di Scozia by Antonio Salvi

semi-staged version  Teatro Nacional de São Carlos 2 & 4 November 2021 8pm


Cecilia Molinari, Ariodante

Ana Quintans, Ginevra

Yury Minenko, Polinesso

Sreten Manojlovic, re di Scozia

João Rodrigues, Odoardo

Eduarda Melo, Dalinda

Marco Alves dos Santos, Lucarnio 


Orquestra Sinfónica Portuguesa (maestrina titular Joana Carneiro)

Antonio Florio, conductor

Mario Pontiggia, staging

Paulo Godinho, lights


All pictures by António Pedro Ferreira 
Cecilia Molinari, Ariodante singing "Scherza infida"
Ana Quintans, Ginevra, Sreten Manojlovic, re di Scozia & Cecilia Molinari, Ariodante
Ana Quintans, Ginevra, Sreten Manojlovic, re di Scozia
Yury Minenko, Polinesso

A successful Ariodante at the Sao Carlos theater in Lisbon, thanks to a stellar cast and a tasteful staging. An excellent baroque surprise for an enthusiastic audience. 

Yury Minenko (Polinesso), Cecilia Molinari (Ariodante), Ana Quintans (Ginevra), Sreten Manojlovic (re di Scozia)

          L´opéra Sao Carlos de Lisbonne proposait, une fois n'est pas coutume, un opéra baroque dans une version semi concertante ou mis en espace. En fait, le public encore timide, après deux ans de pandémie, a bénéficié de plus que cela: des décors et des personnages en costumes globalement bien dirigés: une vraie mise-en-scène en fait. L’orchestre, perché très haut sur l´avant scène (au point que la stature du chef tendait à gêner parfois) était surplombé par un espace scénique aux decors certes minimalistes, mais de bon goût, d´un design sobre, d´un blanc eclatant et moderne. En effet, trois rangées  de blocs rectangulaires, disposées en demi cercles et de taille croissante formaient des passages, des couloirs et des recoins dans lesquels les personnages allaient et venaient à leur guise.Un long panneau blanc terminait de compléter le fond de scène sur lequel des lumières de diverses couleurs chatoyantes étaient projetées. Un dispositif simple pour un résultat très esthétique et fort agréable à contempler. Les personnages, affublés de somptueux costumes baroques XVIIIe siècle aux couleurs vives contrastaient fort bien dans ce décor moderne. Pour agrémenter le tout, des personnages, tout de noir vêtus et aux masques d’argent, apportaient ou retiraient divers accessoires (fleurs, bijoux, épées, etc...) aux chanteurs, ou effectuaient de plaisantes chorégraphies. Un spectacle fort réussi au final, d´une grâce et d´une élégance remarquables. Seul pourrait être reproché un petit manque d´inspiration dans la direction des chanteurs, qui dépourvus d´action, arrivaient sur scène, chantaient leur air en agitant une épée et repartaient. Un procédé un peu trop répétitif. Pour autant, cela n’a pas nuit à la clarté du drame qui se jouait sur scène. Notons que le public aura pu apprécier de très jolis moments comme le début du deuxième acte, bleu nuit, accompagné d´une superbe lune pour éclairer le méfait de Dalinda et Polinesso.            

          Côté distribution, le Sao Carlos a vraiment gâté son public. A commencer par le rôle-titre, et l´innattendue, jeune et talentueuse Cecilia Molinari, qui campe un Ariodante d´une grande classe vocale. Une élégance de chant à l´image du spectacle, avec une entrée en scène toute en poésie amoureuse "Qui d´amor". Dotée d´un somptueux timbre chaud et velouté ainsi que d´une voix souple à la vocalise, la mezzo-soprano italienne brave les difficultés du rôle avec panache et splendeur notamment grâce à des fioritures personnelles et audacieuses tout à fait intéressantes (qui semblent lui venir de ses expériences rossiniennes). Seulement, on ne la laisse pas totalement s´exprimer car ses deux grands et très attendus airs virtuoses ont été privés de leur da capo "Con l'ali di costanza" et surtout "Dopo notte" l’empêchant de donner toute la mesure de ses capacites interpretatives. Une belle découverte que cette interprète, que l’on se prend déjà à imaginer dans d’autres grands rôles baroques.  Cependant, elle n’atteint pas le niveau d’excellence de la prestation quasi d’anthologie d’Emily Fons, entendue tout récemment à Göttingen, et qui a fait l´objet d’un compte-rendu à lire ici.           

          À ses côtés, une Ginevra pas moins admirable: Anna Quintans ne cesse de nous épater tant elle gagne à chacune de ses prestations en aisance, et en brillance avec ce timbre éclatant, aux aigus faciles et lumineux et des cadences périlleuses (Volati amore). Une Ginevra fraîche, légère et attachante qui va nous meurtrir dans un air déchirant « Il mio crudel martoro ».           

          Le personnage de Dalinda, qui semble le double de Ginevra mais en plus légère, nous a bluffé grâce à la sémillante Eduarda Melo, dont on admire surtout la spontanéité et l’implication, avec même ce petit grain de folie qui rend le personnage si fascinant: « Il primo ardor ».           

          Son amant Oronte, d’abord délaissé puis de nouveau désiré, incarné par le ténor Marco Alves dos Santos ne démérite pas face à ses partenaires. Il tire plutôt bien son épingle du jeu dans l´air virtuose "Il tuo sangue" et déploie un timbre relativement agréable notamment dans son air transi d’amour et de désespoir "Del mio sol vezzosi rai", pris tellement lent par le chef Antonio Florio que le ténor est contraint de scander son chant.          

          Le perfide Polinesso, interprété subtilement par l’excellent contre-ténor Yuriy Minenko n'est pas le personnage complètement noir qu'on a l´habitude de nous dépeindre. D’une digne prestance, et légèrement sadique, il chante son air « Coperta la frode » avec une jouissive lenteur et en s’y amusant même (faisant glisser sa voix dans la vocalise comme pour donner l´effet d'un petit éclat de rire). La virtuosité et l’éclat de sa voix auront marqué la soirée. Mais c’est dans son grand air « Dover, giustizia, amor » qu’il déploie le plus de couleurs en n’hésitant pas à barytoner dans une cadence finale spectaculaire. Notons que c’est un habitué du rôle (notamment dans une fabuleuse tournée sous la baguette de Marc Minkowski) et qu’il a même chanté à l´opéra de Lausanne le rôle titre de cet opéra avec brio.

          Reste le Roi d’Ecosse, admirablement interprété par le baryton basse Sreten Manojlovic, dont la prestation honorable aura rendu ce père et roi digne, cruel et aimant tout à la fois. Il ne lui manquait guère qu’un brin de volume et de projection pour véritablement briller. Il faut dire que l’orchestre (surtout les flûtes traversières) jouait bien trop fort pendant son air lent et douloureux "Al sen ti stringo".

          Enfin, Joao Rodrigues s´est montré impeccable dans le tout petit rôle d’Odoardo (quelques récitatifs).            

           Dommage que l’orchestre, malgré des efforts certains, et peu habitué au repertoire baroque, ait tellement manqué de caractère: trop souvent sage voire même scolaire parfois. 

Pourtant, en cette première du mardi 2 novembre 2021, la fête baroque haendélienne etait au rendez-vous, l’opéra se terminant dans une profusion de fleurs (pendant le duo "Bramo aver mille vite") et de champagne. Voilà un Ariodante qui fait du bien.  

Ana Quintans (Ginevra) & Cecilia Molinari (Ariodante)
Sreten Manojlovic (re di Scozia), Ana Quintans (Ginevra), Cecilia Molinari (Ariodante)
Eduarda Melo (Dalinda) & Marco Alves dos Santos (Lucarnio)
Cecilia Molinari, Ariodante