LONDRES, St. Martin-in-the-Fields : Haendel Amadigi 21.IX.2023
Georg Friedrich Haendel (1685 - 1759) : Amadigi di Gaula, opéra en cinq actes
Amadigi: Tim MEAD, contre-ténor
Oriana: Hilary CRONIN, soprano
Melissa: Mary BEVAN, soprano
Dardano: Hugh CUTTING, contre-ténor
The English Concert
Dir. Kristian Bezuidenhout
Amadigi enflamme Saint Martin-in-the-Fields
Mais quelle mouche a piqué cet Amadigi ? Tous les interprètes semblaient avoir bu une même potion énergisante. Des solistes survoltés, habités d’une fiévreuse rage théâtrale et un orchestre déchaîné sous l’impulsion d’un chef que l’on n’attendait pas à la tête des English Consort : Christian Bezuidenhout, lui aussi survitaminé. En effet, le chef titulaire Harry Bicket, dont la direction est généralement plus sage, pour des raisons de calendrier (à cheval entre un pastiche de Henry Purcell et un spectacle d’Acis and Galatea) n’a pas pu prendre en charge cet Amadigi mais était présent dans la salle en tant que spectateur.
Mary Bevan, que l’on avait déjà adoré dans le rôle de Susanna de Haendel à Bâle sous la direction de Paul McCreesh, frappe de nouveau très fort avec son interprétation rageuse d’une Mélissa courroucée mais délicieusement perfide et séductrice. Le fameux air ‘Destero dell’empia dita’ rehaussé de la trompette et du hautbois a fait forte impression et le public s’est régalé de son jeu perfide, de son panache et de sa virtuosité. Voix particulière, elle fait partie de ces chanteuses quasi inclassables : ni vraiment soprano ni vraiment mezzo-soprano (comme Cécilia Bartoli, Ann Hallenberg, Magdalena Kozena, Julia Lezhneva ou Arianna Venditelli), et nous fait profiter du crémeux de son timbre suave et velouté.
Dans le rôle titre, le contre ténor Tim Mead, rivalisait fièrement et aisément face à une Mélissa incandescente. Le public a pu se délecter de son irrésistible jeu de séduction dans l’air ‘E piu dolce’, son aisance dans les vocalises infinies de ‘Sussurate’, son autorité, ses éclats dans des récitatifs impressionnants. Un rôle qui s’achève par un feu d’artifice de vocalises et de brillance avec l’air ‘Sento la gioia’.
Le rôle de Dardano, très souvent chanté par une mezzo soprano ou contralto, était ici idéalement interprété par le jeune contre-ténor montant : Hugh Cutting. Sa voix de mezzo voire de contralto, ronde, chaude et veloutée, nous a charmé. Son interprétation mordante, éminemment théâtrale, contraste avec son visage d’ange de blondinet juvénile. Ce petit a déjà tout du grand.
Enfin, Hilary Cronin dans le rôle d’Oriana, à la fois forte et innocente, s’est avérée une rivale de taille à la redoutable Mélissa. Nous sommes loin de l’oie blanche que l’on entend souvent dans ce rôle. Sa forte personnalité mais surtout ses atouts vocaux ont fait mouche dans des airs vengeurs tel que ‘Ti pentirai, crudel’ ou ‘Affannami, tormentami’.
Nous sommes sortis sonnés par cet Amadigi que l’on ne soupçonnait pas si théâtral.
Ruggero Meli