Vivaldi ARGIPPO, Bremen 29.VIII.2021

           L’un des derniers événements de l’édition discographique Vivaldi, fut la sortie il y a quelques temps de l’opéra Argippo, sous la direction de l’un des meilleurs défenseurs de cette musique Fabio Biondi et son ensemble Europa Galante. Grande réussite au disque, et une musique exaltante !

           Après une petite tournée, notamment remarquée à Séville (les amateurs ne manqueront pas de se procurer la vidéo qui n’est restée qu’un seul jour en ligne), voilà que l’opéra est programmé en ouverture du festival de Brême. BAROQUENEWS ne pouvait manquer l'événement. 

          Première déconvenue, l’opéra est finalement annoncé dans une version de 70mn (pandémie oblige, nous dit-on). Deuxième déconvenue (pour certains): une distribution légèrement différente du disque, on aurait aimé retrouver Delphine Galou si combattive dans l’enregistrement studio, dans lequel elle se surpasse littéralement en offrant notamment une interprétation absolument sensationnelle de l’air « Tu sei reo ». Un air à écouter absolument et à classer dans le top 10 des plus incroyables airs baroques ! Pourtant Marina De Liso, au concert, a su faire preuve de cette même fierté toute courroucée qui est l’essence même de ce rôle, avec un timbre plus sombre mais des vocalises moins impeccables et moins spectaculaires. Quoi qu’il en soit, c’est un réel plaisir de retrouver Marina De Liso, que l’on n’a pas si souvent l´occasion d´entendre. On se souvient encore avec émotion l´avoir découverte il y a une vingtaine d’années dans l’opéra Tamerlano de Haendel à l’opéra de Lille dans une mise-en-scène très sombre mais fort réussie. 

          Son géniteur, cruellement privé de son air « A´ piedi miei svenato » trouve en la voix du baryton-basse Luigi DeDonato, l’interprète idéal, avec son engagement à fleur de peau, sensible certes, mais un roc tout à la fois. On reste stupéfait par les moyens exceptionnels de ce chanteur, peut-être le meilleur de sa génération avec Andreas Wolf. 

          Au disque, on ne différencie pas clairement les voix de Marie Lys et d’Emöke Barath, d’autant que cette dernière chante un rôle masculin, ce qui tend à brouiller encore la compréhension. Ce n’est pas du tout le cas en live ! Les deux sopranos possèdent certes des personnalités affirmées mais tellement différentes. Saluons les interventions échevelées d’Emoke Barath qui doit faire face à des airs d’une grande difficulté technique. S’engage alors un véritable combat de virtuosité dont elle sort vainqueur mais non sans avoir été éprouvée. La délicieuse Marie Lys, que BAROQUENEWS suit régulièrement avec bonheur nous comble une fois de plus et fait un parcours remarquable avec cette voix longue et facile qui nous séduit jusqu’aux bout de ses notes suraiguës et brillantes. Pourtant, c’est dans les airs lents qu’elle touche le plus, jusqu’aux larmes parfois, notamment dans l’air « Vado a morir per te », d’une déchirante simplicité. 

          Enfin, le rôle de Silvero, la cause de tout le drame de l’opéra (Silvero a séduit Zanaida en se faisant passer pour Argippo, et tous veulent se venger) trouve en son interprète la mezzo-soprano Giuseppina Bridelli des qualités vocales et un engagement louables. 

           Tous étaient soutenus par les excellents et fougueux Europa Galante, sous la direction de Fabio Biondi qui n’a rien perdu de sa virtuosité au violon. 

           Au final un concert un peu plus long que ce qui était annoncé et donc moins frustrant (1h30 de concert environ, 2h environ au disque) mais surtout un concert dans lequel le public a vibré, tremblé et s’est enthousiasmé ! C’est là l’essentiel ! Osons croire à une nouvelle tournée très bientôt, l’œuvre dans son intégralité le mériterait.