NAMUR : Haendel Hercules 05.XII.2024
Version écourtée : un concentré de drame
NAMUR, Grand Manège, jeudi 5 décembre 2024 à 20h
HAENDEL HERCULES, drame musical en trois actes sur des textes de Thomas Broughton. Première exécution le 5 janvier 1745 au King's Theatre, Haymarket de Londres. Version écourtée (sans le rôle de Lichas) basée sur les remaniements que le compositeur a fait en 1749 et 1752.
Hercules : Edwin Crossley-Mercer, basse
Dejanira : Ann Hallenberg, mezzo-soprano
Iole : Iryna Kyshliaruk, soprano
Hyllus : Guy Elliott, ténor
Chœur de Chambre de Namur
Orchestre Opera Fuoco
Direction : David Stern
Retour sur le devant de la scène
de la star du baroque Ann Hallenberg
Et disons-le d’emblée Ann Hallenberg n’a rien perdu de son talent. Sa légendaire expressivité, la beauté de son mezzo unique sont intacts. Quel bonheur de retrouver son incomparable phrasé, sa diction qui cisèle chaque phrase, chaque mot et qui rend vivante et crédible chacune de ses interventions. Un texte mis en lumière avec éclat par l'incomparable tragédienne qu'est cette artiste. Son mezzo, toujours riche et capiteux, colore son propos avec force et intensité. L’accroche des notes aiguës se fait avec éclat et facilité. Après quelques années d’absence (et malgré une petite incursion dans l’opéra Berenice au TCE), le public qui la suivait avait pu légitimement nourrir quelques inquiétudes. Habituée du rôle de Dejanira, elle a été appelée à la rescousse pour remplacer au pied levé la mezzo-soprano Caroline Meng, souffrante, lors de cette version de concert unique donnée dans la superbe salle du Grand Manège de Namur. Une prestation vibrante et intense qui a culminé dans une saisissante mais mesurée scène de folie 'Where shall I fly?'. En effet, on note une prise de risque un peu moins poussée qu’à son habitude, notamment dans la cadence finale de l’air.
Mais au delà de sa virtuosité, ce sont les moments élégiaques que l'on savoure le plus comme l'air 'There in myrtle shades reclined' dans lequel le crémeux de son timbre et un incomparable phrasé en font un moment d'une ineffable poésie.
Dans les autres rôles, nous retrouvons les mêmes interprètes qu’à l’opéra de Massy le 4 mai dernier. En effet, David Stern et son ensemble Opera Fuoco ainsi que le Chœur de Chambre de Namur y avaient donné l’œuvre dans une version inhabituelle, une version réduite, qui faisait fi du rôle de Lichas, mais dont le drame, resserré, ressortait plus intense encore. C'est cette même version qu'ils nous proposaient ici à Namur. Une version dans laquelle la basse Edwin Crossley-Mercer a déployé tout son panache avec une insolente facilité qui dépasse le rôle écrit par Il Caro Sassone avec notamment des variations hautes absolument brillantes (pour une basse) sans jamais perdre le mordant et la noirceur de son timbre.
Touchant soprano que celui de Iryna Kyshliaruk dans le rôle de Iole, notamment quand elle décrit l’assassinat de son père. Les cadences sont brillantes tandis que la voix est ronde et le timbre bien agréable.
Saluons la jeunesse et la fougue du valeureux ténor Guy Elliott qui s’est notamment distingué dans 2 airs virtuoses ‘Where congealed the northern streams’ et ‘Let not fame the tidings spread´.
Deux chanteurs, parfaitement distribués mais qui ne peuvent rivaliser encore avec l'excellence des deux rôles principaux.
Signalons enfin, le sens aigu du drame que le chef sait conférer à l’œuvre et à son orchestre tout comme au Chœur de Chambre de Namur qui nous a fait notamment vibrer dans 'Crown with festal pomp' à la fin de l'Acte I.
Etonnament, l’œuvre s'achève non pas par le chœur jubilatoire 'To him your grateful notes' mais par celui, poignant 'Tyrants now no more shall dread', davantage en adéquation avec le drame que l'on vient de vivre.
Ruggero Meli