HANDEL ACIS & GALATEA MASSY 23.XI.2019

Opera Saturday 23.XI.2019, 8pm

Ensemble BarokOpera Amsterdam 

Jeune Chœur de l’Opéra de Massy 

Direction musicale Frédérique Chauvet

Mise en scène Julien Chavaz

Scénographie Lea Hobson 

Costumes Séverine Besson 

Lumières Eloi Gianini 

Perruques et maquillages Sanne Oostervink

Collaboration artistique Anne Schwaller

A tender and fresh staging full of humour, joy but also drama lead by a cast near perfection. 

          Il est peu aisé de mettre en scène la pastorale Acis and Galatea de Haendel, féérie mythologique légère et ô combien naïve ! En effet, comment donner de la consistance à une œuvre qui à priori en est dépourvue ? C'est le défi qu'a dû relever le metteur-en-scène Julien Chavaz, qui a pris justement le partie de jouer pleinement l'aspect manichéen et quasi mièvre de ce masque anglais: le choeur est un troupeau de moutons, Acis et ses acolytes des bergers et Galatea semble un être ingénue et timoré, tout bleu, aux cheveux dressés bien haut au dessus de sa tête, comme venu d'une autre planète et découvrant la terre et ses habitants ainsi que l'amour !  

La scène se déroule dans un décor minimaliste: parois blanches, au sol sont disposés quelques cubes noirs de différentes tailles que l'on déplace à souhait pour en faire par exemple la montagne du cyclope Polifemo..., rien de plus.  L’œuvre est jouée sans entracte (un peu plus d'une heure trente) certainement pour ne pas interrompre le fil de l'intrigue car derrière ce comte puéril se joue en fait un véritable drame puisque la jalousie de Polifemo (amoureux de Galatea) va le pousser à écraser Acis d'un jet de rocher et c'est à ce moment que tout bascule. Ce comte que l'on pensait futile prend tout à coup une forte dimension dramatique que la mise-en-scène met en exergue avec un jeu de lumières aux ombres menaçantes ainsi qu'un choeur pleurant avec force le défunt Acis, sans parler de l'affliction profonde d'une Galatea désespérée, le tout à vous tirer des larmes. Ce violent retour à la réalité suscite la réflexion et une prise de conscience subite du monde cruel et violent dans lequel nous vivons ainsi que d'un bonheur fragile et bien éphémère. D'ailleurs l'émotion atteint son paroxysme lorsque Galatea pleure la perte de son Acis dans un air déchirant "Must I my Acis still bemoan", accompagnée d'un chœur qui tente de la consoler, en vain. 

          Côté distribution on frise la perfection avec notamment l'excellente Galatea de Marie Lys que l'on connaît bien à Baroque News (entendue notamment dans Giulio Cesare, Alcina, Lotario, Gala des Lauréats d'Innsbruck...). Une fois de plus la soprano suisse confère fraîcheur, candeur, force et surtout émotion à un personnage qui pourrait paraître bien fade dans d'autres gosiers. Son timbre fruité couplé à une voix longue, dotée d'une grande clarté et une expressivité toute naturelle font des merveilles dans chacune de ses interventions. Elle incarne idéalement ce personnage frêle et gracieux et aura passé quasiment l'intégralité de l’œuvre sur la pointe des pieds ! 

Alexander Sprague, que l'on découvre, incarne lui aussi admirablement son personnage, son Acis fait montre d'une séduisante voix de ténor, virile et souple à la fois, capable de valoriser des airs brillants tels que "Love sounds the alarm".

L'excellent Polifemo du baryton allemand Christian Immler (magnifique Saul à Namur et Beaune cet été sous la baguette d'Alarcon) excelle d'expressivité notamment dans son second grand air "Cease to beauty" ou encore dans son fulminant récitatif accompagné "I rage", malheureusement un peu moins dans son air "O ruddier than the cherry" qu'il a en partie saboté (oublie et confusion du texte, voix qui détimbre). Il est vrai aussi que dans ce rôle, on aurait préféré une basse profonde, car l'effet ogre et odieux cyclope s'en trouve généralement renforcé. Son personnage, couvert de rochers, semble doté de pouvoirs magiques qui lui permettent de manipuler Galatea telle une marionnette ou encore anéantir Acis à distance. 

Les seconds rôles aussi sont de bonne qualité à commencer par la soprano Jennifer Pellagaud qui a su imposer son personnage Damon (rôle très souvent confié à un ténor, ce qui donne ici davantage d'équilibre à la distribution). Corydon, lui aussi aura marqué les esprits notamment dans son seul air "Would you gain" auquel il a su confier une grande tendresse.

Cependant, la palme revient certainement au jeune chœur de l'opéra de Massy qui a fait un travail admirable, préparé en amont par le non moins admirable Jérôme Corréas (qui a donné avec bonheur l'opéra Amadigi de Haendel la saison dernière dans ce même théâtre). Chacune de ses interventions a suscité notre admiration en faisant preuve de cohésion (dans une partition qui ne ménage pourtant pas les choristes et qui souvent part dans tous les sens) comme dans le "Wretched lovers" dans lequel chaque pupitre alterne pour alerter du danger par des "Hark, hark" en sortant la tête du troupeau tandis que Polifemo vocalise à tout rompre. On se régale de cette gestuelle pleine d'humour. En effet, un travail tout à fait intéressant jalonne cette production qui s'efforce d'associer l'humour à la musique notamment lorsque les vocalises de Damon sont mises en action: Acis qui doit tout boire lors d'une vocalise interminable ou les gratouilles sur la tête du mouton ou bien quand une multitude de moutons sortent un à un d'un minuscule cube, ou encore au début de l'oeuvre lorsque le troupeau indiscipliné est recadré par Acis...

La réussite de ce spectacle n'aurait pas été totale sans le travail soigné et attentif de la chef d'orchestre Frédérique Chauvet et de l'Ensemble BarokOpera Amsterdam qui a déjà bien tourné avec ce spectacle notamment en Suisse. Une mention spéciale au flûtiste et hautboïste, largement sollicité par une partition qui ne le ménage pas ! 

Au final, la musique de Handel en ressort sublimée dans un anglais impeccable dans un spectacle atypique, plein de fraîcheur et d'une joie contagieuse à l'image de Galatea qui se prend à danser au milieu du jubilant choeur final.