Paris, Philharmonie : Haendel Ariodante 02.X.2023

William Christie et son équipe donnent un coup de jeune à Ariodante

Philharmonie de Paris, le lundi 02 octobre 2023 à 19h30.

Georg Friedrich Haendel : Ariodante, opéra en trois actes sur un livret anonyme adapté de Ginevra, Principessa di Scozzia d’Antonio Salvi d’après Orlando furioso de Ludovico Ariosto.

Ariodante: Léa DESANDRE, mezzo-soprano

Ginevra: Ana Maria LABIN, soprano

Polinesso: Hugh CUTTING, contre-ténor

Dalinda: Ana VIEIRA LEITE, soprano

Lurcanio: Kresimir SPICER, ténor

Il Re di Scozia: Renato DOLCINI, baryton-basse

Odoardo: Moritz KALLENBERG., rénor

Les Arts Florissants 

Direction : William CHRISTIE

Mise en espace : Nicolas BRIANÇON

          Interprétation fraîche et touchante de l'opéra Ariodante de G. F. Haendel, dans une version semi scénique à la philharmonie de Paris ce lundi 2 octobre 2023. Une mise en espace claire et efficace qui favorisait les déplacements autour de l’orchestre et permettait une grande liberté d’expression aux chanteurs, mais avec des pertes de son dommageables pour l’auditeur, selon le placement.

          Léa Desandre incarne un Ariodante enthousiaste, plein de peps, avec ses pas de danse qui font swinguer les vocalises. Des pas de danse repris avec humour par William Christie lui même. Une interprétation vibrante d’émotion 'Scherza infida' et à la virtuosité impressionnante 'Coll’ali di costanza' (dont le da capo a été malheureusement coupé) et surtout l'air 'Dopo notte' en guise de feu d’artifice final. Reste que le timbre, très clair de cette jeune interprète, tire davantage sur le soprano que le mezzo-soprano et donne donc à entendre un Ariodante plutôt féminin. Rappelons qu'à sa création, le rôle-titre avait été confié au castrat Giovanni Carestini, dit Il Cusanino. Tout récemment, la jeune Emily d’Angelo magnifiait le rôle à Garnier, avec des couleurs autrement plus sombres, et une projection insolente, une virtuosité tout aussi échevelée, voire davantage et des moyens vocaux plus impressionnants encore (lire notre compte rendu). Et que dire de la superbe prestation de Marianne Crebassa dans une tournée avec Les Musiciens du Louvre en novembre 2019 ? Citons encore la phénoménale performance d’Emily Fons à Göttingen. Une artiste hyper talentueuse injustement méconnue (voir notre article). 

          Ana Maria Labin incarne une Ginevra absolument exquise, avec d’impressionnants moyens, qu'elle met à profit notamment dans des cadences spectaculaires et percutantes. Seulement, sa performance a laissé entrevoir, ça et là, quelques inexactitudes et autres hésitations, certainement par manque de préparation, notamment dans l'air virtuose 'Volate amori'. Là encore, le souvenir de l’incandescente Ginevra de Kathryn Lewek, tellement puissante et hyper émouvante, ne nous quitte pas….

          Très forte présence de la très jeune soprano Ana Vieira Leite qui a su sortir de sa réserve voire de sa froideur en explosant véritablement dans l’air 'Neghittosi'. Elle a su mettre en valeur un rôle qui dans d’autres gosiers aurait pu demeurer bien fade. Son amant Lurcanio, interprété par le puissant Kresimir Spicer, n’a fait qu’une bouchée du rôle. Sa facilité à vocaliser et ses moyens fascinent mais sa gestion du volume reste problématique. Dommage que son premier air 'Del mio sol vezzosi rai' ait été pris si lentement au point d'en briser la ligne de chant et la mélodie.
          Dans le rôle du perfide Polinesso, le contre-ténor Hugh Cutting, sans démériter, ne possède pas encore pleinement la noirceur nécessaire au pire personnage de tous les livrets sur lesquels Haendel ait pu composer. Quelques jours avant cet Ariodante, il avait pourtant transcendé le rôle de Dardano de l'opéra Amadigi à Londres.

          Renato Dolcini dans le rôle du Roi d'Ecosse, nous a véritablement touché dans un air déchirant 'Invida sorte avara'. Un air que l'on n´a jamais entendu avec autant de sensibilité et d'émotion. A noter cependant, un manque de projection parfois et un timbre trop clair pour le rôle, à notre humble avis.

          Enfin, le ténor Moritz Kallenberg, qui avait triomphé dans Hercules à Karlsruhe, prêtait ici sa voix luxueuse à un rôle, Odoardo, privé de toute aria. Dommage.

          Finalement, saluons surtout un travail d’équipe : tous passionnés et investis au service d'une partition que Les Arts Florissants chérissent tout particulièrement pour l'avoir donnée de nombreuses fois sur scène mais aussi en concert. Souvenons-nous de leur version de mars 2018 ici même à la Philharmonie de Paris (avec Kate Lindsey, Chen Reiss, Christophe Dumaux...). A quand le prochain ?

                                           Ruggero Meli

Ariodante : Léa Desandre © Vincent Pontet

Ginevra : Ana Maria Labin & Dalinda : Ana Vieira Leite © Vincent Pontet

William Christie dirige Ariodante © Vincent Pontet