Offenbach Les Contes d’Hoffmann, Salzbourg 21.VIII.2024
Détails
Salzbourg, Grosses Festspielhaus, mercredi 21 août 2024, 18h30
LES CONTES D'HOFFMANN
Opéra fantastique en cinq actes
Musique de Jacques Offenbach
Livret de Jules Barbier d’après le Drame fantastique éponyme de Jules Barbier et Michel Carré, inspiré de E.T.A. Hoffmann
Création à Paris, à l’Opéra-Comique le 10 février 1881
Hoffmann Benjamin Bernheim
Stella / Olympia / Antonia / Giuletta Kathryn Lewek
Lindorf / Coppélius / Dr. Miracle / Dapertutto Christian Van Horn
La Muse / Nicklausse Kate Lindsey
Andrès / Cochenille / Frantz / Pitichinaccio Marc Mauillon
La voix de la mère d’Antonia Géraldine Chauvet
Spalanzani Michael Laurenz
Crespel / Maître Luther Jérôme Varnier
Hermann / Peter Schlemil Philippe-Nicolas Martin
Nathanaël Paco Garcia
Wilhelm Yevheniy Kapitula
Chœurs de l’opéra d’Etat de Vienne
Chef des chœurs Alan Woodbridge
Orchestre Philharmonique de Vienne
Direction musicale Marc Minkowski
Mise en scène Mariame Clément
Décors et costumes Julia Hansen
Lumières Paule Constable
Vidéo Etienne Guiol, Wilfrid Haberey
Chorégraphie Gail Skrela
Dramaturgie Christian Arseni
Hoffmann au cinéma
Mariame Clément a souvent le chic pour trouver les concepts ingénieux qui vont valoriser et pimenter les ouvrages opératiques auxquels elle s’attaque. On repense par exemple à sa géniale Agrippina et sa contextualisation tout droit sortie de la mythique série américaine Dallas. Avec ces Contes d’Hoffmann salzbourgeois, elle reprend le contexte cinématographique et transpose l’opéra dans un premier temps dans l’envers du monde du 7e art : les entrepôts puis la cantine des artistes pour enfin se retrouver au cœur de tournages de cinéma. Son idée permet de créer toutes sortes de fantaisies et de rendre crédible des choses qui le seraient moins dans un autre contexte. Après tout, ces Contes d’Hoffmann ne sont que rêveries, introspection, pensées sublimées, poésie, etc… Le cinéma permet toutes les folies de l’imagination et finalement du livret de Jules Barbier.
Certes, l’opéra débute au milieu d’un décor des plus laids qu’il soit et en grandeur nature de surcroît : Hoffmann, un vulgaire vagabond trimbalant toute sa vie dans un caddie de supermarché gît à même le sol dans un entrepôt désaffecté. Passionné de cinéma, il se prend à rêver, et à se projeter. Le spectateur entre alors dans son esprit pour n’en sortir qu’à la fin de l’opéra. Il est amoureux de son actrice favorite qu’il va même diriger en tant que réalisateur.
Les choses sérieuses ou plutôt drôles prennent alors forme, nous sommes emportés dans l’agitation folle des coulisses du monde du cinéma. Il y a un monde fou sur scène et le spectateur découvre comment a lieu par exemple la prise du repas à la cantine, un lieu où les rivalités et confrontations battent leur plein mais toujours avec légèreté et humour. Un humour potache dans un kitch assumé qui ne plaira pas à tout le monde. Le spectateur peut décider alors de passer, soit une bonne soirée, légère et truculente, en adhérant aux idées loufoques du spectacle, soit de détester le concept et ses décors.
Olympia débarque en Lolita aguicheuse et superficielle, une écolière en mini jupe écossaise, nattes et chewing-gum vulgairement mâché. Actrice célèbre, elle doit tourner une scène d’un film de science-fiction dans un décor lunaire, accoutrée d’un costume des plus improbables. Aux prises avec un ‘dangereux’ alien, ses seins, énormes, s’allument et tirent des lasers. C’est savoureux et l’on rit de bon cœur. Elle sera un tout autre personnage tantôt qu’elle soit Stella, Antonia ou Giulietta, tournant à différentes époques dans des décors grandioses, aux dimensions hollywoodiennes.
Le 7e art est largement mis à l’honneur, avec une pointe de nostalgie. L’histoire de Kleinzach est racontée à l’aide d’une projection murale de vignettes comme cela se pratiquait à l’origine du cinéma noir et blanc et ses énormes bobines.
On se régale des surprises détonnantes, burlesques et souvent festives que l'on nous a concocté. Il y a dans ce spectacle, ce petit grain de folie Offenbachien qui fait du bien.
Dans la fosse un Marc Minkowski inspiré et tonique, qui fait ce qu’il peut pour maîtriser un orchestre à la dimension démesurée : l’Orchestre Philharmonique de Vienne.
Quant à la distribution, il serait difficile de trouver mieux. Mieux que Kathryn Lewek ? Difficile, en effet. Avec son timbre charnu à la Fleming et ses suraigus faciles et brillants, elle ne fait qu’une bouchée de l’air de la poupée et des suivants. Avec, de surcroît, un jeu de scène truculent et exigeant pour incarner toutes ces femmes que tout semble opposer. Il n’y a guère que sa diction qui serait discutable. Benjamin Bernheim, insolent d’aigus faciles et solides, fait briller chacune de ses interventions par la fraîcheur de sa voix sans jamais faillir sur la longueur et sa diction, parfaite. Le caméléon Kate Lindsey nous régale de son timbre soyeux, sombre et velouté. Ses jeux de scène, désopilants, sont un régal. Là encore, signalons un français pas toujours impeccable.
Saluons enfin l’implication de tous les autres rôles, idéalement distribués. Nous retiendrons surtout les interventions de Marc Mauillon qui paye vraiment dans le rôle de l’insupportable assistant, tête à claques. Avec sa voix claire, sonore et bien timbrée, il retient l’attention notamment dans son air ‘C’est la méthode’. Même s’il n’est pas parfait dans tous ses rôles de vilain, Christian von Horn impressionne et fait le show.
A quand une Alcina avec Kathryn Lewek et Marc Minkowski à la baguette ?
Ruggero Meli