The 3 countertenors in Versailles 25.I.2022

THE 3 COUNTERTENORS, The Castrati Virtuosity Competition. 

Le Concours de Virtuosité des Castrats. 

Versailles Castle, Royal Opera, Tuesday 25.I.2022 8pm (1h30 without break)


Orchestre de l’Opéra Royal

Dir. Stefan Plewniak (violin)


Attilio Ariosti: Ouverture (Il Vespasiano)

Johann Adolf Hasse: “Sagace è la mano” (La spartana generosa) FM

Georg Friedrich Haendel: “Lascia la spina, cogli la rosa” (Il trionfo del Tempo e del Disinganno) VS

Carl Heinrich Graun: “Tra le procelle assorto” (Cleopatra e Cesare) SM

Georg Friedrich Haendel: “Se il mio amor fu il tuo delitto” (Berenice, Regina d’Egitto) SM + FM 

Nicola Antonio Porpora: “La gioia immortal che alletta” (Polifemo) SM + FM + VS

Georg Friedrich Haendel: “Arrival of the Queen of Sheba” (Solomon)

Georg Friedrich Haendel: “Crude furie degli orridi abissi” (Serse) VS

Nicola Antonio Porpora: “Alto Giove” (Polifemo) FM

Leonardo Vinci: “Vo solcando un mar crudele” (Artaserse) SM

Nicola Antonio Porpora: “Temi lo sdegno mio, perfido traditore” (Germanico in Germania) SM + FM + VS

Samuel Mariño, countertenor
Filippo Mineccia, countertenor
Valer Sabadus, countertenor

          Comme au XVIIIe siècle, le public se plaît à rêver à des joutes vocales pour savoir qui chante le mieux, qui monte le plus haut, qui possède le plus de charisme ou la voix la plus puissante, la plus haute etc., etc. C’est à un programme (reporté suite à la pandémie) de concours de virtuosité auquel nous convie le Château de Versailles en ce mardi 25 janvier 2022 dans l’écrin luxueux de l’Opéra Royal avec la présence de 3 des meilleurs contre-ténors de notre génération. Challenge fort intéressant auquel se prêtent nos 3 artistes devant un public avide de prouesses pyrotechniques. Une émulation fraternelle se crée alors entre eux, plutôt qu'une compétition acharnée. Le public sent bien la bienveillance, le respect et l’admiration qu'ils ont les uns pour les autres et ils nous offrent un spectacle survolté qui nous plonge au cœur des vedettes lyriques du XVIIIe siècle et la fascination qu'exerçaient les castrats sur leur public. 

           Trois voix de même tessiture donc, trois voix rompues aux techniques périlleuses du style baroque et pourtant toutes trois totalement différentes voire incomparables. Une question de goût au final et pour beaucoup, l'incapacité de désigner le meilleur d'entre eux.. 

           Valer Sabadus appelle des commentaires à la fois fort élogieux et d'autres plus mitigés. Il peine parfois à projeter une voix quelque peu éteinte dans le médium au point de vous mettre mal à l’aise. Mais lorsque l'interprète atteint les cimes, ses notes aiguës sont divines, la voix s’épanouit soudainement, prend un volume impressionnant et offre des moments de rare extase ! C’est le cas dans le tube de Haendel 'Lascia la spina' qu’il entame avec une voix d’enfant et une prononciation trop ouverte sur la voyelle « A ». Pourtant il parvient à infléchir cette mauvaise impression de départ avec une interprétation personnelle et fort inspirée d'un air que l'on connaît par cœur. On est alors littéralement soulevé de son siège. 

           Le contre-ténor italien Filippo Mineccia porte bien son nom. Sa voix virile et sa présence scénique sont idéales dans les rôles héroïques ou de vilains. Ses notes graves dans l'air de Hasse 'Sagace è la mano' fascinent et son implication scénique impressionne. La gestuelle de ses mains semble prendre le pouvoir sur un public incrédule. 

A part certaines stridences dans les notes aiguës, on reste fasciné par un chant vibrant d'expressivité. Mais alors que l'on doutait de sa réussite dans l’air éthéré de Broschi 'Alto Giove' que l'on associe davantage à une voix légère et aérienne plutôt qu’à une voix terrestre comme la sienne, il nous donne tort en parvenant à relâcher son chant (parfois tendu), et en apportant morbidezza, mezza-voce et légèreté. Une réussite et une interprétation personnalisée, plus incarnée qu'à l'habitude. 

           Reste le cas de Samuel Marino, starlette à paillettes, à la haute voix féminine, couplée à un aplomb et à des tenues extravagantes mais assumées. Véritable phénomène, il fait un show vocal et scénique renversant tout en faisant preuve d’une virtuosité insolite notamment dans l'air de Hasse 'Sagace è la mano' qu'il finit en lui assénant le coup de grâce à l'aide de deux cadences audacieuses, risquées et techniquement bluffantes. La voix et le personnage ont un quelque chose de si particulier qu’elle pourrait bien diviser et susciter des réactions contraires auprès d’un public parfois perplexe, agacé ou mécontent ou bien au contraire séduit, admiratif voire ébloui. Un artiste qui ne laisse à l'évidence, pas indifférent. Notons que l'interprétation qu'il offre de l'air de l'opéra d'Artaserse de Vinci 'Vo solcando un mar crudele' (marquée à jamais par l'éblouissante prestation de son confrère Franco Fagioli notamment sur la scène nancéenne), sans toutefois démériter, n'a pas suscité l'enthousiasme escompté.  

          Puisqu’il s’agit en partie, d’un concours de virtuosité, le plus simple aurait été de déclarer que les 3 contre-ténors étaient formidables et qu'il serait difficile de les départager mais nous assumons notre faible pour Samuel Marino. Le tout étant de lui trouver les rôles à la mesure de sa voix, tels que l'ange dans La Resurrezione de Haendel mis en scène au théâtre de Giessen ou bien Nerone dans Agrippina, dans ce même théâtre. Deux rôles qui lui allaient à la perfection.

          Mention spéciale pour l'orchestre de l'Opéra Royal de Versailles sous la direction endiablée de Stefan Plewniak. 

          Finalement, un concert atypique, décalé, osé qui dépoussière quelque peu les codes d’un monde classique bien trop engoncé et qui s’est terminé avec quelques bis à l’image du concert, notamment avec le fameux duo de Purcell 'Sound the trumpet' façon jazzy avec une pêche qui vous pousse à danser dans votre fauteuil. Puis, un duo de Monteverdi qui s’est transformé en trio tendre et touchant et enfin la reprise exaltée du trio de Porpora '“Temi lo sdegno mio, perfido traditore' pour le plus grand plaisir d'une salle en liesse: standing ovation pour une fête des contre-ténors au caractère exceptionnel. 

          Pour ceux qui souhaiteraient retrouver ce programme, l'Opéra de Versailles, a enregistré il y a tout juste un an un cd couplé à un DVD reprenant l'intégralité de ce programme de concert,.