Haendel DEBORAH, Göttingen 13.IV.2024

Festival International Haendel de Göttingen 2024

Eglise Saint Jean de Göttingen, le samedi 13 avril 2024 à 19h en ouverture du festival. 

Georg Friedrich Haendel : Deborah, oratorio en trois parties, HWV 51 sur un livret de Samuel Humphries. 

Deborah : Sherezade PANTHAKI, soprano

Jael/Israelite Woman : Amanda FORSYTHE, soprano

Barak : Hugh CUTTING, contre-ténor

Sisera : Franzika GOTTWALD, mezzo-soprano

Abinoam: Andrew FOSTER-WILLIAMS, baryton-basse

Chief Priest of Israelites: Jakob RUSCHEPAUL

Herald: Albrect GOEZ

Chief Priest of Baal: Jonas ALPMANN

NDR Radiophilharmonie. 

Collegium Vocale Hannover. Capella St. Crucis Hannover (Florian LOHMANN)

Direction : Nicholas McGEGAN.

Grandiose Deborah à Göttingen

          Deborah, oeuvre monumentale et très rarement programmée. Aussi, BAROQUENEWS ne pouvait manquer cette occasion unique de s'en faire l’écho. 

Un double événement, avec le retour de Nicholas McGegan dans la ville où il a si longtemps oeuvré en tant que directeur artistique. D'ailleurs, dès son entrée sur scène, le public lui a réservé un accueil des plus enthousiastes. Et le chef le lui a bien rendu car il est loin d'avoir perdu la main. Nous pouvons même dire qu’il a su enflammer l’œuvre par son sens du drame et nous faire vibrer tout au long d'un récit biblique qui se termine par l'exécution du tyran Sisera par la main de Jael. Elle  feint de le recueillir et le cacher chez elle. Pendant son sommeil, elle lui clouera la tête à l’aide d’un pieu et d’un marteau ! Un récit qui n´est pas sans rappeller la Juditha Triumphans de Vivaldi. 

Deborah dispose de choeurs absolument grandioses, que Haendel, faute de temps, est allé puiser l'inspiration dans ses oeuvres passées tel que son Dixit Dominus, les Coronation Anthems, Israel in Egypt et bien d'autres. D'ailleurs cet oratorio  pourrait presque se classer parmi les pastiches tant il comporte d'auto emprunts, que l'on peut s'amuser à identifier au fil de l'oeuvre. 

Les deux choeurs réunis pour l'occasion, le Collegium Vocale d’Hanovre et la Capella St. Crucis d’Hanovre, au total une centaine de participants, ont marqué la soirée par leur impressionant volume sonore tout en sachant conserver homogénéité ainsi que clarté et expressivité du texte. Chapeau à eux et à la préparation minutieuse de leur chef de choeur Florian Lohmann

          Côté solistes, le public a été plutôt gâté. Plus particulièrement grâce aux interventions miraculeuses de la plus divine des sopranos : Amanda Forsythe. Jamais on n'aura entendu voix plus ronde, plus fruitée, plus crémeuse et homogène. Des qualités que le soprano a su mettre au service de son personnage Jael, charmant, séducteur mais déterminé dans cette entreprise périlleuse d’éliminer le tyran Sisera. Le public se souviendra longtemps de son récit, saisissant, suivi du savoureux air ‘Tyrant, now no more we dread thee’.

Dans le rôle de Deborah, nous avons pu découvrir l'étonnant soprano de Sherezade Panthaki avec cette drôle de façon de prendre un élan pour atteindre les notes hautes. Elle mène ses troupes d’une main déterminée mais noble et nous a réservé de bien jolis moments de musique. On retiendra son air jubilatoire ‘Choirs of angels’ ou le délicieux et émouvant ‘The glorious sun’ qui referme l’oratorio. 

Dans le rôle du guerrier Barak, Hugh Cutting nous gratifie de sa voix généreuse, ronde, agréable, sans jamais céder à la facilité. Il n’hésite pas à malmener sa voix quand nécessaire et maintient un texte vif et percutant comme dans son air belliqueux ‘All danger disdaining’. 

Enfin, nous retrouvons deux chanteurs que l’on avait perdu l'habitude d'entendre depuis la pandémie, comme s'ils étaient sortis du circuit : la mezzo-soprano Franziska Gottwald et le baryton-basse Andrew Foster-Williams, respectivement dans les rôles de Sisera et d’Abinoam. Même si l’on aurait pu rêver d’un tyran plus offensif (mais il est vrai que la partition de Haendel ne s’y prête pas vraiment), la mezzo allemande n’en demeure pas moins convaincante. Elle met sa voix longue, les couleurs chaudes de son mezzo-soprano accompagnées d’étonnantes cassures vers le contralto, au service de son personnage. Alors qu’elle n’a rien perdu de sa superbe, on ne peut pas en dire autant de la voix du baryton basse qui a un peu perdu de son mordant tandis que les vocalises manquent désormais de souplesse et de précision. Ses trois airs n’en demeuraient pas moins convaincants. 


           Une soirée haendélienne qui ouvrait avec magnificence le festival de Göttingen. La veille, ce même concert était donné dans la merveilleuse Galerie Herrenhausen de Hanovre qui jouxte des jardins qui n’ont rien à envier à Versailles. A cette occasion, la radio allemande NDR Kultur a enregistré l’œuvre pour une diffusion le 20 juin à 20h.

                                 Ruggero Meli