MELANI L'Empio Punito, Innsbruck 21.VIII.2020
INNSBRUCK: Alessandro MELANI: L'Empio Punito
Libretto: Roman poet Filippo Acciaiuoli
Friday 21.VIII.2020 8pm Haus der Musik Innsbruck, Großer Saal
1st of 3 staged performances
Acrimante: Anna Hybiner, mezzo-soprano
Bibi: Lorenzo Barbieri, baritone
Atamira: Theodora Raftis, soprano
Ipomene: Dioklea Hoxha, soprano
Cloridoro: Nataliia Kukhar, mezzo-soprano
Tidemo: Juho Punkeri, tenor
Delfa: Joel Williams, tenor
Niceste: Ramiro Maturana, baritone
Atrace: Andrew Munn, bass
Caronte/Capitano: Rocco Lia, bass
Barockorchester:Jung
Dir. Mariangiola Martello
Regie: Silvia Paoli
Bühnenbild: Andrea Belli
Kostüme: Valeria Donata Bettella
As early as 1669, Alessandro Melani composed an opera called L'empio Punito, about Don Giovanni, with the same plot as Mozart's famous opera. Here Don Giovanni is called Acrimante, while Leporello is called Bibi. The music is very similar to Cavalli's operas with uneven qualities, some moments close to sublime, others close to boredom, fortunately enhanced by a dynamic & colorful staging which reminds La Comedia dell'Arte and a team of young and brilliant singers.
Représenté au Carnaval de Rome en 1669, l'opéra L'Empio Punito d'Alessandro MELANI est le premier opéra traitant du mythique personnage de Don Juan, sujet que Mozart magnifiera comme nul autre compositeur plus d'un siècle plus tard avec son Don Giovanni. C'est certainement l'une des raisons pour lesquelles Silvia Paoli a choisi de donner vie à un spectacle coloré, frais, délicieusement naïf et vivifiant en s'inspirant largement de La Commedia dell' Arte. Pour appréhender cette œuvre méconnue, il est nécessaire de faire table rase du drame de Mozart, l’œuvre de Melani se tourne davantage vers la "comédie" avec une musique légère et fruitée très proche de celle de Cavalli. D'autant que Don Giovanni appelé ici Acrimante est chanté par une mezzo-soprano (un castrat à l'origine), alors que Delfa, personnage féminin, est chanté par un ténor. Tous les repères sont bousculés et le sujet si fort dans les esprits doit faire peau neuve. Il n'y a que très peu de similitudes avec le Don Giovanni de Mozart mais l'on retrouve quelques scènes telles que le tout début de l'opéra où les personnages, à l'image de Leporello, se plaignent de devoir travailler nuit et jour ou bien encore la scène de la statue du Commandeur (ici Tidemo, voix de ténor) qui accepte l'invitation à dîner de Don Giovanni/Acrimante au grand dam de Bibi (Leporello) terrorisé. Ici l'on s'amuse, l'on rit des pitreries des personnages, même leurs malheurs sont certes touchants mais toujours drôles. Ils sont des sortes de pantins mus par les ficelles des Dieux qui s'amusent à faire souffrir les Hommes. D'ailleurs le fil conducteur de la mise-en-scène n'est autre qu'un fil rouge présent tout au long du spectacle. Rouge comme le coeur, rouge comme la passion amoureuse. D'ailleurs l'un des plus beaux moments de l'ouvrage se trouve au centre de la partition, à la fin de la première partie lorsqu'une véritable toile, tissée de fils rouges unie diversement tous les personnages, en révélant la complexité des sentiments humains, et l'amour qui rend captif, le tout soutenu par une musique d'une ineffable beauté qui a mis la salle en lévitation: duo Acrimante/Atamira "Se d'Amor la cruda Sfinge / Crudelissime catene" dant une complainte douce-amère. Même si les quasi 3h de spectacles ont pu susciter ci et là une forme d'ennui pour certains, il faut noter les nombreux moments très réussis de cette mise-en-scène: les facétieux anges mi-Cupidons mi-diablotins en culottes courtes qui animent et mènent la danse tout du long, la scène des marins pris dans la tempête, la douloureuse complainte d'Atamira à la beauté musicale tellement éphémère mais sublime, et qui se terminera en "air de sommeil", comme si le personnage épuisé par le chagrin finissait par s'endormir. Sans parler de toutes les apparitions facétieuses de Bibi, certainement le personnage le plus présent de la partition et le plus attachant du spectacle. De réelles prouesses vocales et d'acteur de la part du baryton Lorenzo Barbieri, excellent ! La scène du lit vertical, une idée simple mais ingénieuse qui fait grand effet: 2 oreillers suspendus contre un mur, Ipomene et Acrimante se glissent sous un drap tiré par les angelots, avec l'impression de voir la scène du dessus. Delfa qui se joue du couard Bibi en lui faisant croire qu'Acrimante, décédé, se met subitement à se réveiller d'entre les morts ! La scène de l'enfer, d'un rouge flamboyant avec le passeur Caron. Ou encore la scène crépusculaire qui fait alterner tous les personnages dans une atmosphère tout à fait mystérieuse à l'image de celle de l'Acte IV des Noces de Figaro de Mozart.
Les costumes aussi réservent de belles surprises, comme la robe de poupée d'Ipomene parsemée de papillons, tandis qu'Acrimante revêt les traits d'un toréador fier et classieux. Ou encore les anges en culottes courtes avec leur nœud papillon rouge et la blondeur de leur chevelure bouclée...
Côté voix, la distribution est globalement de très bonne tenue et homogène. A commencer par le très talentueux Lorenzo Barbieri qui a fait le show dans le rôle de Bibi, les excellentes sopranos Dioklea Hoxha et Theodora Raftis respectivement Ipomene et Atamira. Le mezzo généreux et impressionnant de Nataliia Kukhar dans le rôle de Cloridoro (le chasseur). La voix typée, un brin incertaine mais touchante d'Anna Hybiner dans le rôle d'Acrimante, rôle pour lequel la partition n'est pas très généreuse cependant chacune de ses interventions bénéficie d'une musique de grande qualité (diverses plaintes de toute beauté). Joel Williams quant à lui, nous a charmé de son timbre velouté dans le rôle de Delfa. Même les petits rôles étaient marquants à l'image de l'excellente et impressionnante voix de basse de Rocco Lia en Caronte et Capitano. Un seul bémol attribué à basse Andrew Munn en Roi de Macédoine, une voix en manque de projection, un peu étouffée et par conséquent un texte qui en pâtit.
Saluons enfin le soin apporté à la partition par Mariangiola Martello à la tête du jeune orchestre baroque dans lequel les 11 instrumentistes se sont distingués en quasi instrument solo. Et pour n'en citer qu'un seul, signalons le magnifique solo de viole de gambe dans la première partie du spectacle.
Belle découverte que cet opéra qui gagne à être connu pour ses grandes qualités musicales, servi par un spectacle qui a su alterner les moments drôles, tendres et touchants avec un dosage subtil et de jeunes chanteurs au professionnalisme affirmé contrairement à la distribution de l'opéra de l'an dernier Ottone de Handel.
all pictures © Birgit Gufler