Monte-Carlo, Il Barbiere di Siviglia, 16.IV.2023

Opéra de Monte-Carlo dimanche 16.IV.2023

Gioachino ROSSINI : IL BARBIERE DI SIVIGLIA

Melodramma buffo en deux actes sur un livret de Cesare Sterbini, d’après la comédie Le Barbier de Séville, ou La Précaution inutile de Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais 

Création : Rome, Teatro Argentina, 20 février 1816 

Production du Festival de Salzbourg

CHŒUR DE L’OPÉRA DE MONTE-CARLO 

Les musiciens du Prince – Monaco

Direction musicale : Gianluca Capuano 

Mise en scène : Rolando Villazón 

Costumes : Brigitte Reiffenstuel 

Décors : Harald B. Thor 

Lumières : Stefan Bolliger 

Vidéos : Rocafilm 

Chorégraphie : Ramses Sigl 

Chef de chœur : Stefano Visconti 

Assistante à la mise en scène : Bettina Geyer 

Assistant à la direction musical & chef de chant : Andrea del Bianco 

Assistant aux décors : Thomas Bruner 

Assistant d'Arturo Brachetti pour les changements : Mark Johnson Panganiban

Rosina : Cecilia Bartoli ©OMC – Marco Borrelli
Il Conte Almaviva : Edgardo Rocha ©OMC – Marco Borrelli

MONTE-CARLO     16.IV.2023 :       Un Barbier au cinéma 

          Rolando Villazon a placé son Barbiere di Siviglia au coeur du cinéma d'antan. Il nous fait revivre avec nostalgie et humour tous les grands noms qui ont marqué le grand écran, tel Chaplin ou Nosferatu, etc... Le tout orchestré par un technicien Arnoldo incarné par le fameux Arturo Brachetti et son incomparable houppette, attachant et tellement irrésistible. Passionné de cinéma et fan inconditionnel de l'actrice Rosina (Cecilia Bartoli), il se délecte de revoir les scènes mythiques (en pirate, en Cléopâtre, etc...). Il le vit de façon tellement intense, que les personnages de films vont prendre soudain vie. Il devient alors un personnage à part entière du film et devient le soutien de Rosina. 

Un hommage pétillant au 7° Art, qui nous rappelle avec grand bonheur le film Cinema Paradiso. 

          Les gags se succèdent dans un rythme infernal. Parfois ingénieux, comme le fait de lancer un objet sur scène et de le voir rattraper dans le film qui est projeté sur les façades des maisons ou bien le fait de voir Bartolo s'engouffrer et disparaître dans l'immeuble puis de le voir gravir les marches de l'escalier intérieur par projection (comme si nous avions le don de voir à travers les murs). Parfois lourdaud ou trop prédictible comme lorsque Arnoldo fait tomber un objet et se convulse de douleur après se l'être pris sur le pied ou le jet systématique et répétitif du jet de poulet en plastique. Après tout ce "manque de subtilité" fait aussi référence aux débuts du comique dans le cinéma muet. Très franchement, on s'amuse et on rit de bon cœur. 

          Cecilia Bartoli, toujours fraîche et crédible dans le rôle de la pupille du docteur Bartolo est absolument irrésistible : faussement servile, espiègle, pleine de malice voire manipulatrice, elle mène, tambours battants, tout son petit monde. L'effet est saisissant lorsqu'elle apparaît dans une cage immense tout en se balançant, tel un canari. Tout un symbole. 

On admire son aisance et son aplomb, au point de se transformer en danseuse de flamenco à coups de castagnettes. Quelle bonne idée d'avoir transformé le grand air de Lindoro à la fin de l'opéra en duo. Un duo dans lequel Cecilia Bartoli et Edgardo Rocha rivalisent de brillance et de vocalises enflammées. Seul le début de l'air 'Una voce poco fa' nous a semblé désormais un peu bas pour la voix de la diva. 

          A ses côtés donc, on retrouve ses partenaires habituels tel que le le ténor Edgardo Rocha, au physique et à la voix si séduisants, absolument parfait dans le rôle de Il Conte d'Almaviva. Un conte de fée qui laissera entrevoir des failles lorsqu'à la fin de l'opéra il va s'intéresser de façon assidue à d'autres jeunes filles. 

          Nicola Alaimo incarne un Barbiere réellement 'di qualita' : il brûle les planches, son jeu infernal est désopilant et la voix facile et pleine d'aisance. 

          Alessandro Corbelli paye en Bartolo. Sa petite taille ajoute au côté ridicule du personnage. Son air génial "Un dottore della mia sorte" dans lequel il clame haut et fort que personne ne peut l'entourlouper est totalement contredit par un jeu absolument désopilant de deux Rosina (l'une d'elle étant Arnoldo habillé en danseuse de flamenco) qui se jouent de lui. Il pense voir double et son cœur va lâcher. Il enferme Rosina dans sa cage mais réalise à la fin que c'est Berta la servante qui est à l'intérieur. Une scène d'anthologie !

          Mais c'est Ildar Abdrazakof qui a fait le plus grand effet. Impressionnant de projection et de puissance vocale, il tient les notes tel un roc. A la fois effrayant et menaçant avec ses mains et son physique démesurés, son personnage de Nosferatu, effrayant et menaçant, tourne au ridiculement drôle. Le jeu des ombres qui est déployé dans son fameux air 'La calunnia' est absolument bluffant. 

          Enfin, Rebeca Olvera a brillé par l'éclat de ses notes aigues et percutantes tout en faisant un show irréfrénable à la Chaplin dans son seul air 'Il vecchiotto'. 

Bref, un régal de production allié à une équipe de chanteurs qui vous donne une joie de vivre et vous ravigote pour la semaine.