HANDEL MESSIAH, Lyon 30.XII.2021
Georg Friedrich HANDEL: MESSIAH
LYON OPERA Thursday, December 30th 2021 7.30pm
Soprano Anna Devin
Alto Christine Rice
Tenor Allan Clayton
Bass-baritone Christopher Purves
Orchestre, Chœurs et Maîtrise de l’Opéra de Lyon
Ensemble de la société civil
Conductor Stefano Montanari
Cheffe des Chœurs Elena Mitrevska
Cheffe des Chœurs Karine Locatelli
Director Deborah Warner
Sets Tom Pye
Lighting Jean Kalman
Choreography Kim Brandstrup
Video Lysander Ashton (59 Productions)
Deborah Warner's production of Messiah by Handel may enchant one part of the audience, but leave the other one sceptical. No drama here, no theater, but a humanist and universal vision of our society from birth to death. Fortunately some beautiful moments remain in minds.
The cast and the choir were rather unbalanced, but the orchestra under the fiery conductor Stefano Montanari knew how to magnify this wonderful music.
Chaque année, le mois de décembre voit le Messie de Haendel fleurir un peu partout dans le monde, œuvre sacrée initialement destinée à célébrer la Pâques, mais qui est devenu le concert incontournable auquel tout mélomane se doit d’assister à Noël. Proteiforme, il se joue de toutes les manières: en petite ou grande formation, chanté uniquement par des solistes ou des chœurs gigantesques, écourté ou complet, et le choix est immense parmi les nombreuses versions de la plume même de Haendel, sans parler de la version Mozart, en anglais ou en allemand, etc. Mais, la plupart du temps, c’est bien en version de concert qu’il est donné. Une fois n’est pas coutume, l’opéra de Lyon proposait en ce mois de décembre 2021, une version scénique de l’œuvre: une reprise du spectacle de Deborah Warner donné en 2012 en ce même lieu.
L’intérêt voire la prouesse du travail de Deborah Warner aura été de proposer un spectacle qui tente de coller au plus près du livret (un livret dépourvu de trame dramatique, et pour cause ! L’oeuvre n’était pas destinée à la scène à l’origine, et avait été divisée en 3 parties. Partie 1 : Annonciation et Naissance du Christ, partie 2 : la Passion et la Résurrection du Christ, et partie 3 : le Christ rédempteur). En effet, le spectacle fait un parallèle constant entre le texte (au travers de tableaux bibliques de la Renaissance, de symboles de paix tels que les branches d’Olivier) etc.), et la vie quotidienne contemporaine des êtres humains (tâches ménagères, solitude, etc.). Un parcours universel de la naissance à la mort, en passant par la joie des enfants qui s’amusent (ils jouent une pièce de théâtre en recréant la scène de la crèche) devant des parents fiers, encourageants et ravis. A ce propos, notons la très belle intervention de la fillette qui annonce, avec une touchante simplicité, la naissance du Christ. Puis, la vie d’adulte qui passe à cent à l’heure (images accélérées de l’infernale activité humaine). Ainsi, Deborah Warner nous offre une vision humaniste, contemporaine et universelle du Messie, qui plaira certainement à un grand nombre, sans toutefois passionner, et qui pourrait susciter même l’ennui à d’autres car le drame et la théâtralité font cruellement défaut, malgré des efforts qui ont le mérite de susciter une certaine émotion. Restent alors des images ou des moments d’un esthétisme que l’on contemple avec admiration, associées à la musique géniale de Haendel comme:
le chœur qui chante « And he shall purify » accompagné d’une eau ruisselante purificatrice
la nuée de branches d’Olivier trempées d’or, qui envahit soudain le ciel pour délicatement descendre sur Terre, avec un effet de multiplication lorsque ceux-ci se reflètent sur un sol brillant laqué noir
Le carré de verdure avec l’arbre de vie entièrement en or, qui sert de décor à Adam et Ève
Une première partie qui se termine dans l’obscurité totale en laissant paraître le scintillement de dizaines de bougies, comme autant de lueurs d’espoir dans un monde industriel corrompu et pollué…
D’élégantes et touchantes chorégraphies viennent illustrer la musique du Caro Sassone
Il est vrai que mettre en scène cet oratorio, est une vraie gageure. D’autres s’en sont nettement mieux sortis comme le spectacle de Klaus Guth (Vienne, Nancy…) qui avait fait le choix de se détacher du livret et raconter une toute autre histoire qui avait le mérite de tenir le spectateur en haleine grâce à une tension dramatique forte. Ou encore celui de Torsten Fischer (au Gärtnerplatz Theater de Munich) qui traitait du problème israélo-palestinien avec la rencontre amoureuse entre un juif et une palestinienne qui donnaient naissance à un enfant de la paix dans un contexte d’une société vénale et consumériste. Deux spectacles forts et extrêmement émouvants qui ont marqué les esprits.
En 2012, l’équipe britannique (dans ce même spectacle) était de bonne qualité (Sophie Bevan, Catherine Wyn-Rogers, Andrew Kennedy, Andrew Foster-Williams). Cette fois l’équipe totalement renouvelée mais toujours britannique (et donc avec un anglais impeccable), suscite des commentaires un peu moins louables à commencer par un Christopher Purves, chanteur émérite, spécialiste de Haendel qui nous a souvent enchanté, mais qui n´a pas vraiment convaincu: méforme ou baisse de régime ? Chant poussif, vocalises savonnées, décalages... On a du mal à cacher sa déception mais heureusement le baryton-basse sauve son rôle grâce à son métier et surtout à son expressivité et son engagement.
A la décharge des solistes, il faut signaler qu’ils chantaient avec masque la plupart du temps (sauf lorsqu’ils se trouvaient isolés).
Christine Rice quant à elle, offrait une interprétation simple et propre, avec une diction claire fort appréciable, mais parfois en recherche de volume.
Allan Clayton plus convaincant, s’affirmait avec un jeu de scène aisé et une voix pleine et sonore.
Reste la soprano irlandaise Anna Devin, absolument divine, touchante à souhait dans l’air « If God be for us » accompagné pour l’occasion du divin violon solo du chef Stefano Montanari (comme l’avait enregistré Gardiner déjà en 1982) ou lumineuse dans l´air « Rejoice ». On aurait aimé l’entendre davantage.
Des solistes admirablement soutenus par un orchestre impeccable et un chef à la fougue communicative qui maîtrise le subtil art des contrastes, des ombres et des lumières, et qui fait chanter son violon avec subtilité et inventivité (notamment dans l’air "Thou art gone up on high").
Quant au chœur, dont l’effectif n’était pas au complet (nous a-t-on annoncé car des cas de Covid dénombrés parmi les artistes ont conduit à l’annulation de certaines dates), il est d’une bonne tenue même s’il manque parfois d’homogénéité et tandis que les sopranos excellaient, le pupitre des ténors laissait à désirer.
En conclusion, un Messie qui laisse un goût mitigé: un spectacle décousu, pas toujours très clair qui pourra laisser en partie perplexe (certains assemblages pourront paraître artificiels) mais surtout en manque de théâtralité, qui réserve heureusement de beaux moments et des symboles universels forts avec une explosion finale de confettis. Amen.