Haendel Semele, Munich 22.VII.2023

Georg Friedrich HAENDEL : SEMELE, drame musical en trois actes, d’après le livret de William Congreve, créé en 1744.



Chorus LauschWerk 

Bayerisches Staatsorchester

Conductor : Gianluca Capuano 

Production : Claus Guth 

Set Design : Michael Levine 

Costume Design : Gesine Völlm 

Lighting : Michael Bauer 

Video : rocafilm 

Choreography : Ramses Sigl 

Choruses : Sonja Lachenmayr 

Dramaturgy : Yvonne Gebauer, Christopher Warmuth 

Semele : Brenda Rae© Monika Rittershaus
Semele & Juno : Brenda Rae & Emily D´Angelo © Monika Rittershaus

Démente Semele à Munich

          La folie, décidément un thème qui inspire bien des metteurs en scène. Après la folie d’Orlando et récemment la folie de Rinaldo à Halle, voici que Claus Guth nous propose celle de Semele. Et disons le d’emblée, le spectacle est tout bonnement formidable ! Dans ce spectacle, Semele imagine toute cette histoire ce qui va donner lieu à un tas de péripéties invraisemblables. Cependant, l’idée de l’affabulation totale de Semele, tend à annihiler cette délicieuse histoire qu’un Dieu tombe follement amoureux d’une mortelle. On ne nous dit pas non plus comment et pourquoi Semele est arrivée dans cet état de démence. Une explication en lien avec le livret aurait certainement renforcé le propos et surtout lui aurait donné davantage de crédibilité.  Mais laissez nous plutôt vous relater le travail de mise en scène. 

          D’emblée, nous comprenons que Semele semble se dédoubler et le spectacle nous mène même à l’intérieur de son esprit.  Indécise, fuyante face à un mariage imminent, elle rêve de liberté, de pouvoir s’envoler tel un oiseau vers un ailleurs, vers un autre amour que celui qu’on lui impose. En effet, un voile recouvre la scène sur lequel des projections rendent la scène évanescente. Vêtue de sa robe de mariée, elle se tient aux côtés de son futur mari Athamas. Elle quitte cette robe de mariée en faisant simplement un pas en arrière. La robe tient seule debout. Une idée simple mais ingénieuse qui montre son désir de fuite.

Une atmosphère entre rêve et réalité, et des personnages qui vivent les événements différemment aux mêmes moments. Ino, sœur de Semele est secrètement amoureuse d’un Athamas indifférent, elle est rongée de douleur, Athamas nage dans le bonheur tandis que Semele voudrait fuir et prendre son envol. Assimilée à un oiseau (des plumes semblent arriver de partout dans ce spectacle), elle aspire à la liberté ou à un autre amour. Seulement ce sont des plumes noires et le ballet des corbeaux est annonciateur d’infortune. Progressivement submergée par sa démence, Semele en devient violente et se munit d’une hache pour saccager ce lieu blanc immaculé (le noir et blanc est récurrent dans ce spectacle). Sa démence l’emmène dans le côté obscur de son esprit, elle imagine cet amour avec Jupiter et s'imagine même l’ire de la redoutable Junon, secondée par l’irrésistible Iris, dans un monde menaçant et noir comme le jais avec des personnages fantasques tel que Somnus. Semele devient l’égale des dieux, elle obtient des pouvoirs qui lui font manipuler les autres personnages comme des marionnettes. Mais ses prétentions lui seront fatales. Tout l'opéra semble s'être déroulé en quelques minutes puisqu'à la fin, elle revient à elle dans la salle nuptiale et assiste au mariage de sa soeur avec Athamas.

Les trois actes filent très vite, le spectacle regorge de bonnes surprises et de divertissements. Les ballets d’antan deviennent du hip hop, tandis qu’une contorsionniste s’adonne à des figures spectaculaires, accrochée dans les airs, par deux bandes de tissu. D’ailleurs saluons la réussite de toutes les chorégraphies, des moments absolument délicieux, tel que la danse des serveurs ou des corbeaux.

          La distribution réunie pour l’occasion a tenu toutes ses promesses. A commencer par la Semele de Brenda Rae, pourtant annoncée malade, elle nous a gratifié d’un feu d’artifice de vocalises, de cadences périlleuses avec un charme fou. Nous l’avions déjà entendue dans ce même rôle il y a 3 ans mais diminuée vocalement certainement de son état de future maman. Mais c’est à Francfort que BAROQUENEWS a surtout pu l’apprécier, voire se passionner pour cette grande artiste, notamment dans les rôles de Cleopatra (Giulio Cesare) ou Angelica (Orlando Furioso). Sa voix semble depuis avoir perdu en projection et volume.

          Emily d'Angelo, incarne une Junon froide et impitoyable. Elle fume et tapote ses cendres sur le corps de Semele (tout un symbole lorsque l’on sait qu’elle finit brûlée vive). Une chanteuse certes efficace et bien appréciable dans ce rôle mais qui n’est jamais meilleure que lorsqu'elle joue des « trousers roles », ce qui n’était pas le cas ici.
          Nous sommes tombés sous le charme de la voix de velours de la mezzo-soprano Nadezhda Karyazina, dans le rôle d'Ino, la soeur de Semele. Nous aurions tellement aimé en entendre davantage. Quelle cruauté de lui avoir coupé son grand air 'Turn, hopeless lover'.
          Sans surprise, Jakub Orlinski, quant à lui, a fait un show incroyable. Comment ne pas mettre à profit ses talents de break dancer ? De plus son rôle a été gratifié d’un air magique, celui de Cupidon 'Come, Zephyrs, come', absolument magnifique. Mais la surprise est venue du show complètement inattendu et bluffant de Michael Spyres ! En plus d'être bon chanteur avec son timbre si séduisant de baryténor, on ne le soupçonnait pas capable d'une performance physique aussi brillante. Le très attendu et célèbre air de Jupiter 'Wher'er you walk', très réussi au demeurant, nous a surpris par sa partie centrale, marquée par un martèlement compulsif qui contrastait idéalement à la douce poésie de la partie A et A'.

          Philippe Sly nous a davantage impressionné en Cadmus qu’en Somnus. Voix solide et longue, brillante et expressive, ses interventions ont marqué la soirée mais son Somnus manquait d’un peu de noirceur. 

          Parmi les plus petits rôles, nous retiendront surtout l'Iris pétillante et bien chantante de Jessica Niles. Mais aussi le beau timbre de ténor de Jonas Hacker dans le minuscule rôle d'Apollo, chanté dans notre dos, mais cela a suffit à nous faire tendre l'oreille avec intérêt ! 

          A noter, quelques décalages de la part du choeur ou même de l'orchestre, mais globalement les deux ensembles se sont montrés remarquables. La direction extrêmement tonique de Gianluca Capuano y était pour beaucoup. Ses idées d'accélérations ou de ralentis, d'ajouts d'instruments (des tambours entendus lors de l'ouverture afin de la rendre plus solennelle encore) tout à fait opportuns, auront pu gêner les puristes.

          Un régal de spectacle avec peut-être un bémol sur ces 'trucs noirs à plumes dégoulinants', pas très réussis à notre humble avis et qui envahissaient la scène.

                                                                   Ruggero Meli