Valer SABADUS Innsbruck 10.VIII.2019

VIVALDI: Sinfonia C-Dur (L'Olimpiade)

CALDARA: Quel buon pastor son io (La morte d’Abel)

PORPORA: Il pie s’allontana (L’Angelica)

BONONCINI: Concerto F-Dur 

HANDEL: Scherza infida (Ariodante)

HANDEL: Venti turbini (Rinaldo)

***

CALDARA: Chaconne d-Moll (Ifigenia in Aulide)

HANDEL: L’angue offeso (Giulio Cesare)

PORPORA: Alto Giove (Polifemo)

VIVALDI: Concerto B-Dur für Mandoline

PREDIERI: Cieco ciascun mi crede (La pace fra la virtù e la bellezza)

PORPORA: Senti il Fato (Polifemo)

BIS1   HANDEL: Cara speme (Giulio Cesare)

BIS2   VIVALDI: Vedro con mio diletto 

BIS3   HANDEL: Crude furie (Serse)


Valer SABADUS, countertenor ★★★★☆ 

Ensemble: Hirasaki, Dmitrieva Golomoz (violins), Bartussek (Violoncello), Kurabayashi (Fagott), Quintavalle (harsichord), Dücker (luth & mandoline).

         A recital full of exciting arias (sung by Farinelli in the XVIII° century) interpreted here in Innsbruck by countertenor Valer Sabadus on top form, accompagnied by an ensemble of excellent musicians. The Sesto arias from Handel Giulio Cesare were particularly suited the countertenor's voice but the aria "Senti il fato" by Porpora was a fireworks of unexpected virtuosity. Mr Sabadus was even more at his best in the slow arias where his voice could get more time to blossom and expand its fruitful harmonics.  

© Ross

           Depuis quelques années, le contre-ténor Valer Sabadus s'est progressivement mais rapidement imposé sur la scène internationale et fait désormais partie des meilleurs de sa génération. Au festival de musique ancienne d'Innsbruck, dans la somptueuse salle (Riesensaal) du Palais Hofburg, et accompagné d'une formation de 7 instrumentistes, il nous propose en cette soirée du samedi 11 août 2019 un programme "Farinelli et autres héros".
          Décidément Farinelli est un personnage qui inspire les festivals, puisque tout récemment, mi-juin dernier, Cecilia Bartoli proposait, au festival de Pentecôte de Salzbourg un weekend de 4 jours consacré à cette figure mythique (avec notamment un Gala Farinelli, l'opéra Polifemo de Porpora...). D'ailleurs le festival d'Innsbruck en a fait son égérie et l'image de Farinelli arbore çà et là les murs de la ville. Valer Sabadus se devait d'être présent à ce festival, lui qui a consacré récemment un disque à Farinelli intitulé "Caro Gemello". 

           La salle du Palais Hofburg, somptueuse avons-nous dit, de par ses chandeliers, ses immenses portraits des enfants et petits-enfants de l'impératrice Marie-Thérèse d'Autriche, ses fresques d'Hercules, et sa riche décoration baroque rococo du sol aux plafonds, est totalement inadaptée au concert: de par sa taille et disposition, la salle est un long rectangle et les sièges ont été disposés en demi carré autour des artistes avec environ 6 rangs de face, 6 sur le côté droit et 6 sur le côté gauche. Ainsi l'artiste peut difficilement prendre en compte l'ensemble des spectateurs, favorisant ou délaissant un côté ou l'autre de la salle en alternance, et contraint de diffuser un son pas toujours homogène et clair. Plus grave encore, l'acoustique réverbérée dessert gravement les artistes et brouille les sonorités et finesses musicales. Même si nous comprenons la démarche qui est certainement de mettre tous les lieux de la ville en valeur, il ne faudrait pas que cela se fasse au détriment de la qualité d'écoute. 

          Le concert s'est ouvert sur la Sinfonia (ouverture) de l'opéra L'Olimpiade de Vivaldi, souvent utilisée en introduction de concerts pour ses qualités enjôleuses. A ce propos, signalons que toutes les pièces orchestrales ont bénéficié d'un travail méticuleux de la part de musiciens fort bien préparés. Nous reconnaissons, d'ailleurs certains membres de l'ensemble Concerto Köln parmi eux. Signalons plus particulièrement l'adagio du concerto de Bononcini d'une grande douceur, caressé par les interventions solos du violoncelle et dont les dissonances appuyées ont surprises. La seconde partie a débuté sur la pointe des pieds avec une chaconne de Caldara, dans laquelle chaque instrument est entré délicatement "en scène" l'un après l'autre, un procédé tout à fait séduisant et saisissant. Enfin, et pour ne citer que ces 3 moments particuliers de musique, il faut signaler le jeu virtuose et délicat du mandoliniste (et luthiste) Michael Dücker dans le concerto de Vivaldi, délicieusement parsemé de notes piquées. 

          La connivence entre ces musiciens et le chanteur ne fait aucun doute et fonctionne merveilleusement, ceux-là se connaissent bien. Professionnels, détendus et souriants, ensemble ils ont offert au public toute une séries d'airs baroques passionnants appartenant à Caldara, Haendel, Porpora, Predieri et Vivaldi en prenant soin d'alterner les airs lents et les airs virtuoses. Le premier air "Quel buon pastore" est connu suite à la bouleversante interprétation qu'en a fait Cecilia Bartoli dans son disque Sacrificium. Celle du contre-ténor est toute autre, là où la mezzo-soprano exprimait douleur et déchirement, est ici adouci et attendri, chanté avec un sourire plein de bonté et de bienveillance. Son interprétation toute personnelle touche et émeut d'une autre manière. Ses notes longues et blanches dans le sur-aiguë qui finissent par s'épanouir dans un vibrato serré tout en se chargeant de couleurs et d'amplitude sont sa grande spécialité, c'est un effet saisissant qui rend cet interprète vraiment exceptionnel et unique mais la voix a malheureusement tendance à disparaître et s'appauvrir dans le bas-médium voire même déjà dans le médium au point d'être assimilé parfois à une voix d'enfant. Un peu comme Philippe Jaroussky, sa voix se prête davantage aux airs lents et éthérés comme le déchirant "Scherza Infida" d'Ariodante qu'aux airs héroïques tel que "Venti turbini" qui auraient besoin d'une dose de testostérone pour être complètement convaincant. En revanche, Valer Sabadus est l'interprète idéal des airs de cet adolescent ivre de vengeance qu'est Sesto dans l'opéra Giulio Cesare de Haendel. D'ailleurs ce serait un grand luxe de le distribuer dans ce rôle, là où des mezzo-sopranos sont quasi systématiquement engagées. 

          Pour finir, une surprise de taille a saisi l'assistance avec l'interprétation débridée et tout à fait inattendue de l'air de Porpora "Senti il fato" en toute fin de programme, un air dans lequel l'interprète est véritablement sorti de sa zone de confort et a livré un combat acharné à l'aide d'une virtuosité frénétique, de vocalises endiablées et répétitives et des sauts d'octaves périlleux. Un combat duquel il sort vainqueur au prix d'une gesticulation un brin Rock n' roll ! La déferlante de vocalises à la vitesse effrénée a fini de terrasser un public sidéré dans un premier temps, enthousiasmé dans un second. On pensait le "gentil et bien comme il faut Valer" un peu sur la réserve, il n'en est rien, et il finit même par nous faire mentir en déjouant tous les pronostics !

          La valse des bis était alors inévitable et la standing ovation bien méritée. Notons enfin que toutes les cadences apportées aux airs étaient particulièrement longues et soignées et justement pensées pour de grands effets. Ne manquez pas la diffusion radio de ce concert sur la radio autrichienne O1 le 21 août (voir la section RADIO).