ZURICH Haendel Serse 17.X.2024
Serse, complètement psychédélique
Opéra de Zurich, le jeudi 17 octobre 2024 à 19h00
Georg Friedrich HANDEL (1685-1759) : SERSE, opéra en trois actes sur un livret adapté de celui de Nicolo Minato pour Cavalli, revu par Silvio Stampiglia pour Bononcini.
Serse : Raffaele Pe, contre-ténor
Arsamene : Christophe Dumaux, contre-ténor
Romilda : Anna El-Khashem, soprano
Atalanta : Miriam Kutrowacz, soprano
Amastre : Noa Beinart, mezzo-soprano
Ariodate : Miklos Sebestyen, baryton-basse
Elviro : Gregory Feldmann, baryton
Orchestra La Scintilla
Statistenverein am Operhaus Zürich
Direction musicale : Enrico Onofri
Mise en scène : Nina Russi
Scénographie : Julia Katharina Berndt
Costumes : Annemarie Bulla
Dramaturgie : Kathrin Brunner
Vidéo : Ruth Stofer
Lumières : Hans-Rudolf Kunz
Deux blocs d'appartements qui se meuvent au gré des pièces occupées. L'un cossu, habité par le très élégant et fortuné Serse, l'autre plus chaotique, occupé par son frère et rival Arsamene, au look rock n'roll 'destroy', qui vit apparemment en cohabitation avec des acolytes plus extravagants encore. L'imbroglio amoureux peut alors commencer avec son lot de quiproquos et ses situations burlesques. Le tout réglé sur un rythme infernal sans jamais que le spectacle ne s'essouffle. La légèreté et le spectaculaire (une fête de mariage complètement loufoque voire déjantée) côtoient l'intimisme du désespoir ou de la rageuse jalousie des personnages. Un mélange savamment dosé par la metteuse en scène Nina Russi qui nous fait passer du rire aux larmes. La scène de la fête d'anniversaire de Serse, avec ses costumes loufoques, ses personnages atypiques, et sa démesure, aura certainement été le highlight de la soirée.
Tout comme à Winterthur, le plateau vocal presque totalement renouvelé et réuni pour l'occasion, s'est révélé payant. Deux mezzo-sopranos ont été remplacées par des contre-ténors, ce qui donne davantage de relief vocal au plateau. Le premier, Raffaele Pe dans le rôle d'un Serse crédible, s'acquitte du rôle épineux avec panache même si la voix sonne bien poussive parfois.
La lourde tâche de faire mieux ou au moins aussi bien que la sublime Simone McIntosh qui nous avait véritablement enthousiasmé au théâtre de Winterthur dans le rôle d'Arsamene est revenue au contre-ténor Christophe Dumaux : bête de scène et vocale, il n'a fait qu'une bouchée du rôle ! Un rôle qui a culminé avec éclat dans l'air "Si la voglio". Epoustouflant !
Voix intéressante que celle de Noa Beinart dans le rôle d'Amastre, ici une femme de ménage au service du très fortuné Serse. Son séduisant contralto convenait parfaitement au rôle même si on aurait aimé un caractère plus trempé et vindicatif.
La Romilda d'Anna El-Khashem, bien chantante, à la voix percutante et au tempérament bien trempé (sacré coup de colère 'Di gelosia') nous a conquis.
L'Atalanta de Miriam Kutrowacz, starlette type bimbo insupportable mais irrésistible, a donné un show détonnant au public. Son air 'Un ceno leggiadreto' ne manquait ni d'aplomb ni de fougue. Un régal.
Miklos Sebestyen, dans le rôle d'Ariodate a fait très bonne impression. Voix bien timbrée et vocalises solides, il n'a pas eu de mal à sublimer ses deux airs.
Enfin, jamais nous n'avions imaginé que le petit rôle d'Elviro puisse être aussi prégnant dans l'opéra. En effet, les interventions de Gregory Feldmann, toutes marquantes et souvent spectaculaires, en drag-queen délurée, ont su capter toute notre attention. Doté d'une belle voix de baryton, il a réussi le tour de force de faire de ce rôle secondaire un personnage incontournable et central de ce drama giocoso.
En bref, un spectacle plein de dérision et de second degré qui se laisse savourer comme une crème glacée multicolore à la fête foraine.
Ce spectacle n'aurait pas été une réussite sans le soutien éclairé et créatif du chef Enrico Onofri. Une direction extrêmement vive et festive.
Samuel Passetan