GÖTTINGEN, HAENDEL HERCULES 18,V,2023

Georg Friedrich HAENDEL (1685 - 1759) : HERCULES HWV 60 

Göttingen, St. Johannis-Kirche, 18 mai 2023, 19h.

Hercules : Andreas Wolf, baryton-basse

Dejanira : Vivica Genaux, mezzo-soprano 

Iole : Anna Dennis, soprano 

Hyllus : Nick Pritchard, ténor 

Lichas : Lena Sutor-Wernich, mezzo-soprano 

NDR Vokalensemble Klaas (Jan de Groot)

FestspielOrchester Göttingen 

Direction musicale : George Petrou

Dejanira : Vivica Genaux

Hercules ouvre le festival de toutes ses forces  

             L’oratorio Hercules, pourtant rarement donné, semble avoir le vent en poupe ces derniers temps. Après la production de Karlsruhe (février 2023) puis celle de Francfort (avril 2023), voici que l’œuvre est exécutée en version de concert en guise d’ouverture flamboyante du festival Haendel de Göttingen. Ouverture flamboyante à plus d’un titre : le chef George Petrou, à la tête du chœur NDR Vokalensemble et de l'orchestre du Festival de Göttingen a réalisé un travail remarquable de cohésion et de précision mais surtout insufflé un dynamisme et une ferveur qui tendent à magnifier l’œuvre. Peut-être aurait-il pu aller encore plus loin dans sa lecture (si le temps le lui avait permis) comme il l’avait brillamment fait l’an dernier avec son Giulio Cesare (voir notre compte-rendu). Flamboyante aussi grâce au plateau vocal réuni pour l’occasion. A commencer par la très attendue Vivica Genaux dans le rôle de Dejanira. A côté de pages élégiaques, fragiles et toutes de délicatesses, telles que 'There in myrtle' ou 'Cease, ruler of the day', la mezzo-soprano sait aussi, comme personne, sublimer et dynamiser des airs tels que 'Resign thy club' avec une dextérité confondante, ou  la scène de folie 'Where shall I fly'. Une scène de folie transcendée par le savant mélange et contraste d'un timbre noir qui va puiser dans les profondeurs de l'abîme et de brillantes notes hautes. Une scène, dont les toutes dernières paroles, assenées quasiment en voix parlée, finit par vous glacer le sang. On aurait peut-être aimé davantage de prise de risque. Récemment, Paula Murrihy allait plus loin encore dans cette scène à Francfort mais à contrario, elle ne possédait pas les notes graves de Vivica Genaux qui vous prennent aux tripes. 

          A ses côtés, le luxueux baryton basse d’Andreas Wolf n'a fait qu’une bouchée du rôle d’Hercules. Impressionnant de facilité, d’aplomb mais aussi d’expressivité, rien ne lui résiste.  La profondeur de son timbre unique rivalise avec l'étonnante flexibilité de sa voix mises au service d’un rôle bien trop court, que l’on souhaiterait prolonger. 

          La soprano Anna Dennis incarne une Iole plus mature, avec davantage de personnalité qu’à l’habitude. Ce n’est plus la jeune oie blanche et fragile. Elle sait créer la surprise en réalisant des cadences ou des fioritures inattendues. Toutefois son chant manque parfois de poésie et de douceur tandis que les vocalises ne sont pas toujours impeccables. 

          Le ténor Nick Pritchard, quant à lui, s’est particulièrement distingué dans le rôle de Hyllus, avec son timbre suave et crémeux. Sa voix sait conjuguer douceur et force à la fois. Des qualités qui ne lui permettent pourtant pas de se hisser au niveau des ténors Loritz Kallenberg (Karlsruhe) et Michael Porter (Francfort) qui se sont révélés exceptionnels. Rude concurrence. 

          Enfin la surprise est venue du rôle de Lichas incarné par la voix de Lena Sutor-Wernich. Une voix surprenante de vraie contralto, profonde, noire comme le jais et qui de surcroît possède une étonnante aisance à la virtuosité avec notamment de merveilleuses vocalises. Elle ‘bouscule’ notre écoute d'un rôle traditionnellement attribué à des mezzo-sopranos ou bien des contre ténors. 

          En bref, une distribution qui frise la perfection, un orchestre réactif et vivifiant et un chœur extrêmement bien préparé (sublime prestation chorale à la fin du premier acte notamment) qui ont fait forte impression. Le festival ouvre donc ses portes en grande pompe et se poursuit ce lendemain avec un autre oratorio, cette fois mis en scène : Semele. On s'en réjouis.

        Ruggero Meli