Handel ALCINA Leeds 15.II.2022

HANDEL ALCINA at LEEDS OPERA Tuesday 15.II.2022, 7pm

 

Máire Flavin ALCINA 

Patrick Terry RUGGIERO

Mari Askvik BRADAMANTE 

Fflur Wyn MORGANA 

Nick Pritchard ORONTE 

Claire Pascoe MELISSA 


Orchestra of Opera North

Laurence Cummings CONDUCTOR 

Tim Albery DIRECTOR 

Hannah Clark SET AND COSTUME DESIGNER 

Matthew Richardson LIGHTING DESIGNER 

Ian Galloway VIDEO DESIGNER

all pictures James Glossop

Opera North offered an excellent new production of Handel's Alcina, thanks to an amazing cast and very good orchestra and conducting. The staging could have been a bit more inventive though. 

Yet one never got bored during the 2 hours and a half of the show. 

          La compagnie d’Opéra « Opera North » qui a pour habitude de faire tourner ses spectacles dans toute l’Angleterre, a toujours réservé une place particulière au compositeur Haendel (voir notre compte-rendu de son Giulio Cesare) avec cette fois une nouvelle production d’Alcina. En cette soirée du mardi 15 février 2022 c’est à l’opéra de Leeds qu’elle s’est posée. Un lendemain de St Valentin (une fête largement célébrée dans la ville avec une foire organisée spécialement pour l’occasion) qui fait résonance à un livret basé uniquement sur la passion amoureuse: Alcina aime follement son Ruggiero qui l’aime en retour jusqu’à ce qu’il se rende compte qu’il était sous son enchantement, Oronte aime passionnément Morgana qui le délaisse pour celui qu'elle croit être Ricciardo, Bradamante aime follement son Ruggiero et finit par lui revenir. 

           Pour mettre en scène cet imbroglio amoureux, Tim Albery a imaginé un spectacle plutôt sobre, simple, mais efficace avec pour seul décor un salon cossu et confortable avec une série de 10 fauteuils environ d’un beau bleu canard et une peau d’ours sur un parquet brillant bleuté, le tout donnant sur une plage de sable fin avec l'océan à l'horizon (des images projetées sur le mur du fond de scène). Il s’agit de l’antre de la magicienne Alcina. Ce décor minimaliste demeurera le même durant tout le spectacle mais son atmosphère connaitra des variations par le biais de projections montrant la dense flore de l'île: la plage se transforme en jardin chatoyant, devient une jungle dense et hostile, s’assombrie ou bien plonge dans la brume. L’intérêt de ces projections réside dans le fait qu’elles ne sont pas fixes : les plantes se meuvent au gré du vent et donnent l'impression d'une nature vivante, réaliste que l'on peut presque sentir et toucher. L’élégance et la beauté des costumes sont également à souligner mais semblent volontairement ne pas avoir d’unité : costumes contemporains pour les hommes quand Bradamante semble sortir des années 20 avec son costume très années folles et ses cheveux courts gaufrés (certainement une façon de montrer qu’Alcina sévit sur son île depuis des lustres et ses proies viennent de toutes les époques).

          Les personnages semblent parfois à court d´actions et les colères manquent de crédibilité: Alcina renverse, de rage, toutes les chaises puis les regroupe pour en faire sa tanière en bête blessée, Ruggiero exprime sa rage en éventrant un coussin et en extrayant le coton. De plus, les personnages passent pas mal de temps à se dévêtir, un procédé répétitif qui pourra déclencher le fou rire des uns ou l´agacement des autres. De même, certaines situations tombent dans l'absurde notamment lorsqu´ Alcina finit dans les bras de Bradamante et l’embrasse. 

           Heureusement d'autres moments vont procurer le frisson notamment lors du début du troisième acte, certainement le moment le plus intense de la soirée: la plainte déchirante de Morgana et l’air consolateur d’Oronte à la faveur d’une flemme qui semble brûler de passion. Les deux amants « se mettent à nu » comme pour prouver leur totale sincérité et leurs sentiments. Un instant de pure magie que l'on oubliera pas de si tôt.

           D’ailleurs la soprano Fflur Wyn incarne une irresistible Morgane pleine de spontanéité et de fraîcheur. Son jeu naturel et sa sincérité rendent son personnage attachant et humain. Avec ce petit grain de folie en prime, cette soprano séduit et confirme ses qualités de grande interprète baroque. 

          Doté d´une bonne technique, le ténor Nick Pritchard que l’on a déjà vu et entendu avec bonheur dans des œuvres telles que Le Messie ou bien The Triumph of Time & Truth, apporte virilité, séduction, et sensibilité à son personnage d’amant éconduit. Ses trois airs auront marqué la soirée. Il ne lui manquait parfois qu’un brin de projection supplémentaire. Mais alors que le ténor chantait sciemment à l'aide d'une délicate mezza-voce transcendant l'air « Un momento di contento » en une véritable prière, l´orchestre jouait bien trop fort pour ce moment de grâce et d´apesanteur.  

          La surprise de la soirée est venue du beau mezzo-soprano de Mari Askvik dans le rôle de Bradamante. Son timbre chaud et velouté, très similaire à celui d’un très bon contre-ténor, sa voix solide et facile nous ont séduit et surtout bluffé notamment dans les vocalises d´une fascinante virtuosité. Une belle découverte et un nom à suivre ! 

          La grande prestance et beauté naturelles de Maire Flavin rendent la magicienne Alcina particulièrement extraordinaire. Et son interprétation est à l’image de son allure: timbre enjôleur, voix souple et subtile, maîtrise des contrastes et intensités. Il y a un je ne sais quoi de velouté dans la voix qui vous tient et vous fait du bien. Particulièrement émouvante dans « Ah mio core » (joué délibérément en notes liées plutôt que scandées) elle impressionne par son souffle long dans les vocalises d’ « Ombre pallide » pour sombrer dans une inattendue folie dans l’air « Ma quando tornerai ». Une grande Alcina donc et une interprète que l’on avait déjà pu apprécier dans le rôle d´Agrippina en Irlande. 

           Reste le cas du Ruggero de Patrick Terry qui franchement parvient à nous convaincre malgré quelques réserves : des sons parfois nasillards, une voix qui manque un peu d’éclat dans les notes aiguës et un jeu d’acteur pas toujours très convaincant. Pourtant nous ne boudons pas notre plaisir pour autant, car chanter le rôle de Ruggero à la scène demeure un tour de force pour tout contre-ténor (rôle habituellement distribué à des mezzo-sopranos). On savoure la poésie, la douceur, la délicatesse de l´air "Mi lusingha", particulièrement réussi. On l´attend alors dans le redoutable et virtuose air « Sta nell’Ircana », dans lequel il s´est bien défendu. 

           Seule ombre au tableau de cette distribution quasi impeccable, la Mélissa de Claire Pascoe. Quelle drôle d’idée d’avoir changé le rôle de Melisso pour baryton-basse en soprano ? Une voix qui ne peut cacher quelques aigreurs dans les récitatifs. Son unique air était heureusement meilleur.

           L’orchestre, sous la direction du chef Laurence Cummings spécialiste du Caro Sassone sonne divinement bien. Une tendance cependant à jouer trop fort, couvrant parfois les voix. Signalons quelques autres bizarreries (outre le rôle de Melissa): l’air de Bradamante de l´Acte III « Al l’alma fedele » a migré à la fin de l’Acte II. La seconde partie du spectacle qui débute juste avant l’air « Ah mio cor » de l´Acte II) commence par la sinfonia de l´Acte III ! 

          En bref, une production de l´opéra Alcina plutôt convaincante dont les points forts auront été une distribution de haut vol et un orchestre à sa hauteur mais un spectacle un brin trop sobre et en manque d’idées ingénieuses. Pourtant l’ennui ne nous a jamais gagné. 

          Signalons enfin que le rôle du petit garçon Oberto, à la recherche de son papa, a été coupé dans cette production.