Jeanine De BIQUE, Mosel Festival 21.VIII.2022

Mosel Festival. Bernkastel-Kues, Kloster Machern, Barocksaal

Jeanine De Bique, soprano & Concerto Köln
Mirrors

Georg Friedrich Händel (1685–1759): Overture (Partenope HWV 27 )

Carl Heinrich Graun: „Risolvere non oso“ (Rodelinda)

Georg Friedrich Händel: „Ritorna o caro“ (Rodelinda HWV 19)  

Suite from Rodrigo HWV 5 (part I)  

Riccardo Broschi (1698–1756): „Mi restano le lagrime“ (L’isola d’Alcina)  

Carl Heinrich Graun (1704/1705–1759): „L’empio rigor del fato“ (Rodelinda ) 

Georg Friedrich Händel: Suite from Rodrigo HWV 5 (part II) 

***

Leonardo Vinci (1690–1730): Sinfonia (Partenope) 

Georg Friedrich Händel: „L’alma mia“ (Agrippina HWV 6)  

Georg Philipp Telemann (1681– 1767: „Rimembranza crudel“ (Germanicus TWV 21:3b)

Georg Friedrich Händel: Suite from Rodrigo HWV 5 (part III)  

„Che sento? Oh dio! – Se pietà” (Giulio Cesare in Egitto HWV 17)

Carl Heinrich Graun: „Tra le porcelle assorto“ (Cleopatra e Cesare)

Encore 1: 

Georg Friedrich Händel: „M'hai resa infelice” (Deidamia HWV 42)

Riccardo Broschi: Mi restano le lagrime" (L'isola d'Alcina)

          Chaque récital ou rôle interprété par la soprano Jeanine de Bique constitue un événement en soi. BAROQUENEWS est devenu “addict” à tous ses rôles (Rodelinda à Lille, Giulio Cesare à Bâle, la Resurrezione à Versailles, Alcina à Garnier, Il Trionfo del Tempo à Essen, Belshazzar à Göttingen). Elle en a encore fait la démonstration éclatante avec son programme Mirrors (disponible en cd) au Mosel Festival et plus précisément au Kloster Machern de Bernkastel-Kues en Allemagne ce dimanche 21 août 2022 à 17h. Un programme qui met astucieusement en miroir des œuvres identiques sous la plume de différents compositeurs: des airs tirés des opéras Rodelinda, Agrippina ou Giulio Cesare de Haendel, Graun ou Telemann. Un programme fort intéressant qui confronte des pages connues de Haendel avec celles inconnues de Graun ou Telemann (certains airs étant des premières mondiales). Plus étonnant encore, il met également en miroir des pièces orchestrales de l’opéra Partenope de Haendel et de Vinci. Décidément Graun bénéficie d’une côte de popularité grandissante ces derniers temps: il est devenu par exemple le compositeur "attitré" de Julia Lezhneva qui lui a consacré un fabuleux hommage discographique tandis que le festival d’Innsbruck a tout récemment inhumé sa partition Silla, tandis que, toujours au festival de musique ancienne d'Innsbruck, les récitals de Roberta Mameli et de Sophie Rennert ont fait résonner des pages passionnantes du compositeur. Il va falloir désormais, et pour notre plus grand plaisir, compter sur cette plume surdouée.  

          Les airs proposés dans ce programme, sont certes magnifiques mais il fallait une interprète d’exception comme Jeanine de Bique pour les magnifier. Comment résister à son “Ritorna o caro” de Haendel (Rodelinda) quand elle lui confère une tendresse que l’on reçoit comme une caresse ? Comment ne pas succomber à la plainte déchirante de l’air “Mi restano le lagrime” quand la soprano lui instille une noirceur qui vous fend l’âme et des notes aiguës qui s’apparentent à des lames de couteau ? Comment ne pas s’enthousiasmer face à la virtuosité échevelée de la chanteuse dans un air comme “L’empio rigor del fato” de Graun (Rodelinda) ? Comment ne pas se trémousser sur son fauteuil lorsque l’air “Tra le procelle” devient un tour de force quasi rock n’roll ? 

          Les deux bis offerts par les artistes ont fini “d’achever” le public : l’air hyper contrasté tiré de l’opéra Deidamia a été foudroyant, quant à l’air d’Alcina “Mi restano le lagrime” de Graun (totalement different de celui larmoyant de Haendel), a mis le public dans un état de lévitation évanescent.            

          Cette voix percutante et délicate à la fois, ce jeu de clair obscur fascinant, ces notes aiguës limpides et quasi blanches en contraste total avec un medium et bas-medium riche et charnu constituent les atouts d’une grande chanteuse lyrique.  

          On en demande certainement beaucoup, mais peut-être pourrait-elle, avec de tels moyens, approfondir plus encore, la palette des sentiments et clarifier un texte qui se trouble parfois dans les notes basses.

          Le Concerto Köln cumule les bons points. Son art du phrasé, des nuances, des contrastes, sa pâte sonore fruitée, généreuse et enveloppante, son sens du détail font de cet orchestre une perle baroque précieuse. Sans nul doute, BAROQUENEWS le classe parmi le top 3 des meilleurs orchestres baroques.

          Enfin, la taille intimiste et l’excellente acoustique de la salle du Kloster Machern ont été un écrin idéal pour ce concert d'exception qui a bien evolué depuis qu'on l'a entendu à Eindhoven en février dernier. 

Ruggero Meli