Mozart Mitridate, Berlin 18.XI.2023

Wolfgang Amadeus Mozart : Mitridate, re di Ponto, opéra seria en trois actes (1770) Vittorio Amedeo Cigna-Santi d'après Jean Racine.

Berlin, Staatsoper unter der Linde, 18.XI.2023. Reprise du spectacle créé le 4.XII.2022

MITRIDATE : Siyabonga Maqungo, ténor

ASPASIA : Ana Maria Labin, soprano

SIFARE : Elsa Dreisig, soprano

FARNACE : Carlo Vistoli, contre-ténor

ISMENE : Caroline Jestaedt, soprano

MARZIO : Sahy Ratia Adriana Bignagni Lesca, mezzo-soprano

ARBATE : Ken Sugiyama, ténor

SCHAUSPIELER TÄNZER:INNEN

Amie-Blaire Chartier, Francesca Ciaffoni, Annekatrin Kiesel, Alessandra La Bella, Erica Passante, Romane Petit, Yeri Anarika Vargas Sanchez, Filippo Serra, Po-Nien Wang 

LES MUSICIENS DU LOUVRE  

Direction : Marc Minkowski

Mise en scène : Satoshi Miyagi

Scénographie : 

BÜHNENBILD WANDDESIGN KOSTÜME. LICHT ... CHOREOGRA . . . Junpei Kiz . Eri Fukazawa Kayo Takahashi Deschene Irene Selka . Yu Otagaki 

In italienischer Sprache mit deutschen und englischen Übertiteln 5. Vorstellung - Dauer: ca. 3:10 h inklusive einer Pause Aufführungsmaterial: Neue Mozart-Ausgabe, © Bärenreiter-Verlag Kassel • Basel • London • New York • Praha 18. November 2023

Mitridate à Berlin : une splendeur !

          Une mise en scène étincelante de dorures dans laquelle le Japon est mis à l’honneur. Une splendeur d’antan, dont les traditions sont rendues avec une élégance, un raffinement et une délicatesse qui côtoient quasi en permanence une violence sous-jacente, presqu’impalpable, qui jamais ne perd son élégance et reste très esthétique tel l’aigle représenté par une série de panneaux, qui, soudain, se met à tournoyer pour fondre sur leur proie. Car le pouvoir et l’amour sont au cœur de ce drame. Un pouvoir convoité dont l’ascension ou la chute sont représentées par deux escaliers latéraux étroits qui renferment en leur centre un immense escalier matérialisé par quatre paliers. 

Un ensemble entièrement pensé au travers de l'imagerie japonaise traditionnelle qui va varier au fil du spectacle. En effet, les contre-marches vont  révéler des panneaux amovibles qui favorisent ces changements de décors (tantôt des décors végétaux avec notamment des branches de bambou, tantôt des paysages montagneux avec ce qui s’apparente au Fujiyama) tout en permettant aux protagonistes d’entrer ou sortir de scène. Quant aux costumes, ils sont somptueux et l’imagerie animale y est très présente comme dans l’ensemble du spectacle. 

Bref, une mise en scène d’une grande beauté esthétique, inspirée du Kabuki, qui subtilement et toujours avec une certaine retenue et élégance, délivre une âpre férocité : un jeu du pouvoir périlleux férocement disputé. Les personnages se déplacent peu, respectant une certaine pudeur et une culture du silence ou de la discrétion dans laquelle rien ne doit paraître. Pourtant, ils parviennent à exprimer leur souffrance, et leurs tourments avec une force émotionnelle intense tout du long. Seul bémol à ce concept, au demeurant fort réussi, la difficulté à clairement saisir les intentions et relations entre les personnages. Mais il présente l’avantage majeur pour les solistes de chanter face au public comme s’il s’agissait d’une version de concert. Le public peut ainsi profiter, sans distraction, des fabuleux airs que Mozart a composés à l’âge de 14 ans ! 

           Ana Maria Labin, éclatante de virtuosité notamment dans son tout premier air, fait sensation dans le rôle d'Aspasia. Elle nous saisit d’émotion dans sa cavatina 'Pallid'ombre', chanté au gré d’une mezza voce des plus suaves. Décidément, cette chanteuse possède ce petit quelque chose de spécial dans la voix qui suscite constamment l’intérêt et le plaisir d’écoute. 

          Le ténor Siyabonga Maqungo affiche une facilité déconcertante dans les aigus mais les graves restent presque inaudibles. Or l’écriture de Mozart ne peut prendre toute sa dimension que si les deux registres s’opposent et contrastent fortement. 

          Farnace sous les traits et la voix de Carlo Vistoli prend toute sa dimension théâtrale notamment dans son récit et air tourmenté du repentir 'Vadasi...Già dagli occhi'. Son personnage machiavélique mute et nous émeut. Expressivité, passion, éclat de voix, tout y est pour faire de ce personnage une figure forte de cet opéra.

          Elsa Dreisig, dans le rôle de Sifare, parvient, quant à elle, à enflammer le théâtre, notamment dans son air, vibrant d’intensité, en début de seconde partie 'Lungi da te'. Avec son dragon à la main, elle a su donner force et personnalité à son personnage. 

           Dans le rôle d'Ismene, la soprano Caroline Jestaedt fait montre d'une belle virtuosité. 

          Le petit rôle d'Arbate interprété par le ténor Ken Sugiyama, s’est acquitté avec honneur de son bel air même si son stress était palpable. 

          La mezzo-soprano Sahy Ratia Adriana Bignagni Lesca, au timbre surprenant, très similaire à celui d' un contre-ténor, s’est montrée convaincante et efficace. 

          Distribution passionnante donc, au service d’un spectacle inhabituel, original, séduisant, au concept audacieux qui a fait sensation auprès d’un public enthousiaste surtout sous la baguette dynamisante pour ne pas dire de dynamite du chef Marc Minkowski et son ensemble Les Musiciens du Louvre. Sous leur impulsion, la musique géniale de Mozart fourmille de mille détails et nous fait véritablement vibrer par son intensité.

                                              Ruggero Meli

Aspasia : Ana Maria Labin © Bernd Uhlig
Mitridate © Bernd Uhlig
Mitridate © Bernd Uhlig
Mitridate © Bernd Uhlig
Mitridate © Bernd Uhlig
Mitridate © Bernd Uhlig
Photos prises un an plus tôt, lors de la création de ce spectacle.