HALLE HANDEL FESTIVAL weekend n°1 27-29.V.2022

HANDEL ORLANDO Opéra de Halle, 27 mai 2022

Premiere: 27. Mai 2022 | Opening of the International Handel Festival 2022 Halle Opera House – Big Hall 

Orlando Oper in three Acts by Georg Friedrich Händel Libretto by Sigismondo Capeces »Orlando oder Wahnsinn aus Eifersucht« (1711) nach Lodovico Ariostos »Der rasende Roland« (1516) In italienischer Sprache mit deutschen Übertiteln In Zusammenarbeit mit den Händel-Festspielen Halle

Musical direction  Christian Curnyn 

Directed by  Walter Sutcliffe 

Set design & costumes  Gideon Davey 

Manager  Denise Dumröse 

Dramaturgy by  Carlo Mertens 

Assistant director  David Laera 

Soufflage  Regina Karpinski 

Supertitle manager  Uwe Schattschneider 

Lighting  Victor Schenke 

L'extrême folie d'Orlando

          Spectacle inattendu, dérangeant, déstabilisant, contemporain à l’opéra de Halle en ouverture du Festival Haendel ce vendredi 27 mai 2022. On nous conte l’histoire ordinaire d’un business man qui au lever s’adonne à un rituel minuté: jogging et exercices physiques, toilette, petit déjeuner, départ au travail. Seulement il manque un élément essentiel à sa vie: une compagne. Il se met alors en quête de LA femme sur une application de rencontre, poussé par une petite voix interne qui se matérialise par l’apparition de Zoroastro via l’écran de télévision puis en chair et en os dans son appartement moderne, cubique (un appartement d’architecte avec des parois coulissantes). Pourtant la clarté louable du propos va rapidement s’embrouiller lorsqu'Orlando jète son dévolu sur Angelica qui possède son doublon en Dorinda (l'accoutrement identique), et les deux sont amoureuses d’une transsexuelle. Orlandol se sent trahit et le début de sa folie commence. Une folie qui va aller crescendo puisqu’on va rapidement se retrouver au cœur d’une séquestration "à la Natascha Kampusch" puis Orlando va se muter en serial killer: il revêtit alors une combinaison protectrice en plastique blanc pour pouvoir découper ses victimes au couteau. Mais tout cela n’était qu’un rêve ! 

          Un spectacle divertissant et plaisant au final (le threesome au lit, un jeu des genres intéressant, la superposition fascinante des pièces qui nous mène jusqu’à la cave, etc.) mais trop souvent tiré par les cheveux du point de vue crédibilité et pas toujours d'une grande finesse (fellation, Orlando jouant au football avec la tête de Medoro, etc.). Bref, on ressort avec un goût mitigé de ce spectacle. 

          Le rôle d’Orlando semble avoir été écrit pour le contre-ténor Xavier Sabata tant sa voix de contralto affiche une rondeur et un moelleux qui font du bien. On sent que la voix est riche et confortable dans ce registre. La virtuosité et le souffle dans les vocalises sont du plus bel effet. Seules les cadences et autres notes vers le haut forcent une voix qui tend à la rendre malaisée voire désagréable. Bon acteur, le côté délicieusement sadique de Xavier Sabata convainc.

          L’Angelica de Franziska Krotenheerdt, un brin métallique dans la première partie s’est montrée plus convaincante dans la seconde. Ses airs passent bien mais on est loin par exemple de l’incandescente Kathryn Lewek, aux moyens surhumains, entendue à Essen dans le même rôle en concert il y a deux ans. 

          En revanche la Dorinda de Vanessa Waldhart nous a séduit et comblé de sa voix fruitée, fraîche et légère. Nous avions déjà eu l’occasion de l’apprécier dans le rôle de Cleopatra (Giulio Cesare) sur cette même scène il y a quelques années. 

          Quel beau mezzo, suave et rond, que celui de Yulia Sokolik. Son Medoro, ambigu vocalement et physiquement nous comble. Un supplément de volume sonore aurait été le bienvenue cependant. 

          Enfin, le baryton-basse Ki Hyun Park assure son rôle avec efficacité voire panache. Son air virtuose “Sorge in fausta” est remarquablee mais ne déclenche pas non plus d'enthousiasme particulier. 

          L’orchestre sous la direction du spécialiste Christian Curnyn offre un bel écrin à une distribution somme toute d’un bon niveau.

                                                                                                                           Ruggero Meli

pictures © Federico Pedrotti/Bühnen Halle

HANDEL ARIODANTE, Bad Lauchstädt, 28 mai 2022

Saturday, 28. May 2022 14:30 Goethe Theatre Bad Lauchstädt

Musical director: Wolfgang Katschner

Stage production: Franco Citterio and Giovanni Schiavolin, Compagnia Marionettistica Carlo Colla e Figli, Lautten Compagney Berlin  

In Italian with German supertitles Co-produced by the Handel Festival Halle, Associazione Grupporiani Milano, Comune di Milano – Cultura Teatro Convenzionato, and Lautten Compagney Berlin

pictures © Thomas Ziegler & PR Goethe-Theater

Ariodante en miniature

          Le chef Wolfgang Katschner et la troupe de marionnettistes Colla poursuit son histoire d’amour avec succès. Après avoir collaboré sur les opéras Rinaldo et Giustino, voilà qu’ils s’attaquent à l'opéra Ariodante, dans une version écourtée (un peu moins de 2h), un concentré d’actions qui fait la chasse à tout ennui. Les chanteurs sont placés de chaque côté du public, sans que l’écoute ni le visuel sur scène n'en soient gênés. D’ailleurs le public est d’emblée captivé par les décors somptueux qui se succèdent, les uns plus incroyables et somptueux que les autres. 

On reste fascinés par la diversité et la beauté des décors, mais surtout par le sens du détail. Le voyage au cœur du Moyen Age est saisissant et la standing ovation du public en sera la juste récompense. On sent bien que le défi technique est immense (notamment la multitude de personnages à mouvoir sur scène) et pourtant il est relevé avec brio. 

          La distribution proposée pour l’occasion est plutôt de bonne qualité sans toutefois susciter un enthousiasme particulier. Bon nombre de difficultés vocales sont passées à la trappe comme certains airs redoutables d’Ariodante: celui virtuose du 1er acte “Coll’ali di costanza” ou encore “Dopo notte” réduit à sa section A. Dans ces conditions, la mezzo-soprano Ida Aldrian fait l'affaire honorablement. A ses côtés, l’on pouvait entendre Hanna Zumsande dans le rôle de Ginevra parfois tonitruante, souvent bien chantante, ainsi qu'une divine Dalinda interprétée par la soprano Birita Poulsen dont le nom mérite d'être retenu. On ne s’attardera pas, en revanche, sur le cas du ténor Florian Sievers, dont l’expressivité et l’énergie faisaient grand défaut. Enfin, le Polinesso de Julia Böhme possédait la noirceur et la perfidie nécessaires au rôle tandis que le baryton basse Elias Arranz offrait panache et noblesse au roi d’Ecosse. 

         Un spectacle enchanteur et féerique qui vous ramène droit en enfance. 

                                                                                                                           Ruggero Meli

Récital Emöke BARATH & Philippe JAROUSSKY, Halle 28 mai 2022

Gala concert with Handel Prize winner Philippe Jaroussky: Dualità Arias and instrumental music from Handel’s works with Emőke Baráth

Saturday, 28. May 2022 20:00 Georg-Friedrich-Händel HALLE 

Music director: Philippe Jaroussky (Handel Prize winner) 

Soloist: Emöke Baráth (soprano) 

Ensemble Artaserse


Handel Overture (Radamisto)

Handel 'L'aura che spira' (Giulio Cesare)

Handel 'Ombra cara' (Radamisto)

Handel concetto grosso op.3 n°5

Handel 'Qual nave' (Radamisto)

Handel 'Ai Greci questa spada' (Deidamia)

***

Handel 'Io t'abbraccio' (duet Rodelinda)

Handel largo from concerto grosso op.6 n°12

Handel 'Ah, Ruggiero crudel...Ombre pallide' (Alcina)

Handel Vivace & Largo from concerto grosso op.3 n°2

Handel 'Se pieta di me non senti' (Giulio Cesare)

Handel larghetto affetuoso from concerto grosso op.6 n°4

Handel 'Scherza in mar' (Lotario)

Handel 'Caro / Bella' (duet Giulio Cesare)

Bis 1 : Handel 'Ah! Spietato (Amadigi)

Bis 2 : Handel 'Da tempeste' (Giulio Cesare)

Barath / Jaroussky: Récital en demi teinte

          Recital intéressant que celui de la soprano ou mezzo-soprano Emöke Barath qui joue l’ambiguïté dans son programme Dualita. Elle semble pourtant à contre emploi dans les airs de Sesto (Cesare) ou … qui ne déméritent pas, loin de là mais qui ne suscitent pas non plus d'engouement particulier. Pourtant, UN air va nous a faire rendre les armes, celui de Cleopatra “Se pietà di me non senti” divinement interprété et tout d’émotion à fleur de peau qui vous procure le frisson. On se plaît à redécouvrir la voix de Philippe Jaroussky, désormais chef d’orchestre (ses idées interprétatives en tant que chef sont intéressantes et convainquent), dans deux duos. Certes la voix n’a plus le lustre d’antan mais le métier compense ainsi que l'affection que le public lui porte.

                                                                                                                           Ruggero Meli

Récital Carlo VISTOLI & La Nuova Musica, Halle 29 mai 2022

Sunday, 29. May 2022 11:00 Francke Foundation Gala Concert: Handel’s orchestral word-painting 

Soloist: Unfortunately, Iestyn Davies and Christophe Dumaux, who had been announced in the meantime, have fallen ill and cannot come to Halle. Carlo Vistoli will sing instead.

Works by G. F. Handel 

La Nuova Musica

Musical director: David Bates 


Handel Overture (Teseo)

Handel 'Venti turbini' (Rinaldo)

Handel 'Pena tiranna' (Amadigi)

Handel passacaille (Rodrigo)

Handel 'Gia l'ebro' (Orlando)

Handel 'Se in fiorito' (Giulio Cesare)

***

Handel sonate (from the Overture to Il Trionfo del Tempo)

Handel 'Crede l'uom' (Il Trionfo del Tempo)

Handel concerto grosso op.3 n°2

Handel 'Scherza infida' (Ariodante)

Handel 'Sento la gioia' (Amadigi)

Bis : 'Vivi tiranno' (Rodelinda)

Carlo VISTOLI: LA surprise du festival !

           Alors que l’on attendait avec impatience le récital de Iestyn Davies, voilà que l’on apprend sa défection suite à un souci de santé. Christophe Dumaux doit arriver à la rescousse. Souffrant lui aussi, c’est finalement le contre-ténor Carlo Vistoli qui sauvera le concert. Et disons le d’emblée, sa prestation a fait l’effet d’un tsunami sur un public soufflé par tant d’aplomb, de moyens vocaux, d’aisance technique, de beauté vocale, d’expressivité. L'interprète excelle dans tous les airs, qu’ils soient douloureux “Pena tiranna” ou virtuoses “Sento la gioia” sans que le programme initial ait été modifié. Il faut dire qu’il était accompagné par un orchestre d’exception : l’ensemble La Nuova Musica sous la direction de leur charismatique chef David Bates. La générosité et l'élégance de leur interprétation ainsi que la rondeur de leur son, ont comblé un public doublement gâté. Un concert à marquer d’une pierre blanche. 

                                                                                                                           Ruggero Meli

HANDEL SUSANNA, Halle 29 mai 2022

Version de concert en anglais d'après la version d'Arnold Schering donnée en 1922 à Halle.  

Cathédrale de Halle, Samedi 29.V.2022 16

MDR-Rundfunkchor 

Leipziger Barockorchester 

Philipp Ahmann (Leitung) 

Une SUSANNA bien inattendue

          Version très spéciale de l’oratorio Susanna : à l’identique d’un concert donné tout juste un siècle avant ici même à Halle. Une époque où l'on tentait timidement de remettre la musique de Haendel au goût du jour. Une version écourtée au point de voir la partie de Joachim réduite à un seul air. Les autres personnages à peine plus. Seul le rôle de Susanne bénéficie de cinq airs. Pourtant son tout dernier air “Guilt trembling”, triomphal et virtuose, est passé aux oubliettes. Une époque où l’on ne savait pas vraiment quoi faire de ces airs à vocalises, certainement perçus comme superficiels ou inchantables. On retrouvera cette même problématique le weekend suivant dans l'oratorio Semele (reconstitution de 1922) amputé de son air “Myself I shall adore”. On ne peut s’empêcher alors de ressentir une certaine frustration quand on tient là une distribution d’exception à l'image du ténor Benjamin Hulett, l’un des meilleurs de sa génération dont on a apprécié chaque instant. Ciara Hendrick : émouvant "Chastity". Edward Grint : impressionnants airs "The oak" & "The torrent". Alex Potter et la touchante simplicité de son air "The parent birds". Tous trois ont été remarquables lors de leurs interventions. 

          On pouvait légitimement penser que le rôle-titre, très central, parfait pour ces voix parfois difficiles à distribuer situées entre soprano et mezzo-soprano (comme celles d'Ann Hallenberg, Cecilia Bartoli ou Magdalena Kozena) serait un peu bas pour la soprano Marie Lys. Il n’en fut rien. L'artiste possède cette capacité à mobiliser des graves peu communs pour une soprano dont la noirceur ferait envier plus d’une mezzo-soprano. Son interprétation devient éclatante de couleurs et d’expressivité lorsqu’elle s’indigne d’être accusée à tort de séduction par les deux libidineux. Ses cinq airs ont suscité un festival d'émotions !

                                                                                                                           Ruggero Meli

Marie Lys, Susanna
Philipp Ahmann, chef d'orchestre
Le chœur de la radio MDR