NAMUR, HAENDEL THEODORA 06.VI.2023

Festival de Namur, Grand Manège, jeudi 6 juillet 2023

Georg Friedrich HAENDEL (1685 - 1759) : THEODORA, oratorio en trois parties sur un livret de Thomas Morell.

Theodora : Sophie Junker, soprano

Didymus : Paul-Antoine Benos-Djian, contre-ténor

Irene : Dara Savinova, contralto

Septimus : Matthew Newlin, ténor

Valens : Andreas Wolf, basse

Messager : Frederico Projecto, ténor

Choeur de Chambre de Namur

Millenium Orchestra 

Dir. Leonardo Garcia Alarcon

Sophie Junker, soprano
Andreas Wolf, basse

                   Une Theodora à écouter à genoux !

          Récemment BAROQUENEWS a eu l’immense privilège d’assister à l’oratorio Theodora de Haendel à Anvers : une restitution empreinte de piété que l’on aurait pu écouter les yeux fermés (voir notre compte rendu). 

Le Grand Manège de Namur proposait cette même œuvre en ce jeudi 6 juillet 2023. Cette fois, l´oratorio aurait pu s’écouter à genoux ! En effet, le chef d’orchestre Leonardo Garcia Alarcon qui poursuit son cycle des grands oratorios de Haendel (après Saul, Samson, Semele, Solomon), frappe de nouveau très fort en s’attaquant à cette Theodora. Il réuni une distribution éblouissante, avec en tête de file une Sophie Junker vibrante d’émotion dans le rôle titre, un chœur de Namur éminemment brillant et un orchestre des plus séduisants. Une interprétation à fleur de peau, délicate mais à la force émotionnelle dévastatrice. Tous très inspirés, la distribution frise la perfection.
          La soprano Sophie Junker dont les possibilités vocales et la technique semblent illimités, investit le rôle avec ce juste équilibre de fragilité et de forte détermination. Une sensibilité et une intensité mises au service des mots, du texte, de la musique sublime du Caro Sassone pour un résultat émotionnel incommensurable. Son jeu du clair obscur et ses vocalises murmurées de l’air ‘With darkness deep’ (repris en bis) a fait sangloter un public hagard, terrassé par l’émotion. Quant à ses cadences audacieuses, aux aigus brillants, ronds et vertigineux, ils ont fini de nous « achever ».  

          A l’opposé mais tout aussi incroyable, la voix noire, flexible, illimitée d’Andreas Wolf dans le rôle abject du tyran Valens a fait trembler l’auditoire. Chacune de ses interventions a été d’une fulgurance inouïe, à l’image de ses inhumaines cadences.

          L’autre monstre sacré de cette distribution et surprise de la soirée, a été le contre-ténor Paul-Antoine Benos-Djian, qui remplaçait au pied levé Christopher Lowrey souffrant. Certes il bénéficiait d’une aide précieuse : avoir chanté le rôle dans une tournée de concerts et l’avoir enregistré. Son timbre enjôleur, ses facilités techniques et son interprétation à la fois humble et intense nous ont tout bonnement procuré le frisson. 

          Quant à la Irene de Dara Savinova, son timbre de contralto et sa sensibilité ont eu raison du rôle certainement le plus délicat de toute la production haendélienne. La partition a le don de mettre en lumière ses beaux graves, chauds et si réconfortants. Seulement on déplore, ça et là, de légères faiblesses interprétatives (la partie centrale de l’air ‘Lord to thee’, dont les vocalises manquaient de corps). Peut-être par manque de préparation suffisante. 

          Enfin, le ténor Matthew Newlin, impeccable, irréprochable, professionnel à souhait, s´est acquitté plus qu´honorablement du rôle de Septimus. Pourtant on ne peut s’empêcher de ressentir une certaine froideur, un chant en léger déficit émotionnel. Rien de dommageable heureusement. 

          Les forces chorales et instrumentales, absolument remarquables (brillantes interventions du premier violon), sous la baguette sensible, tonique et inspirée du chef Leonardo Garcia Alarcon ont fini de magnifier cet oratorio que l’on pourrait presque qualifier d’Oratorio de la Passion. Une soirée musicale bouleversante dans un lieu idyllique. 

Les passionnés ne manqueront pas de se rendre à Beaune dans deux jour pour revivre cet événement majeur mais dans des conditions acoustiques moins favorables. 

Une captation radio semble avoir été réalisée tout comme un enregistrement cd, dans lequel le rôle de Didymus devrait être chanté par Christopher Lowrey

Un autre oratorio de Handel serait déjà en préparation nous dit-on…chut ! A suivre.
                                                                                                                      Ruggero Meli