Handel GIULIO CESARE Göttingen 13.V.2022

Un Giulio Cesare survolté !

Georg Friedrich HANDEL: GIULIO CESARE IN EGITTO (HWV 17) 

PREMIERE STAGED PERFORMANCE IN ITALIEN

6:00 pm | May 13th, 2022 | Deutsches Theater Göttingen 

ca. 4 h30 (2 intermissions included)

FestspielOrchester Göttingen 

George Petrou Director and Conductor 

Paris Mexis Stage and costume designer 

Stella Kaltsou Lightning designer

pictures: Frank Stefan Kimmel

          A very entertaining and colorful production of Cesare this month in Göttingen served by a stellar cast. But the real stars of the evening were the conductor George Petrou and the Festival Orchestra: together they made  fireworks throughout the work.

         Avec sa prise de fonction en tant que directeur artistique du Festival Haendel de Göttingen, le chef d’orchestre George Petrou se devait de frapper un grand coup pour marquer les esprits. Et c'est bien ce qu'il est parvenu à faire en cette première au Deutsches Theater de Göttingen. Non seulement dirige t'il l'orchestre du Festival mais il signe également la mise en scène du plus bel opéra de Haendel: Giulio Cesare. Un cadeau d'ouverture déjà bien rôdé pour l'avoir enregistré sur cd en 2006, l'avoir dirigé dans une production de 2008 à Thessalonique mais surtout pour avoir déjà tourné avec cette production de Göttingen en janvier dernier aux Pays Bas avec le Reisopera.

Musicalement c’est une fulgurance sonore au service d’un spectacle surprenant, drôle, touchant, varié, et spectaculaire. Aucune place n’est laissée à l’ennui et les 4h30 de spectacle (2 pauses incluses) fusent.

Jamais l’opéra de Haendel n’aura bénéficié d’une telle force expressive, d’une telle rage, d'une telle passion, c'est un tsunami qui nous submerge. Voilà l’effet Petrou qu’on rêve d’avoir dans toutes les œuvres du compositeur tant cette musique lui réussit. Les détails et l'instrumention sortent de l'ombre. Il apporte des modifications à la partition, juste ce qu’il faut parfois mais toujours au service du sens et de la théâtralité.

          Le spectacle nous plonge au cœur de l’Egypte directement dans le cœur d’une pyramide qui vient d’être profanée par des explorateurs conquérants qui sans s'en douter ont déclenché une malédiction et le réveil de tout un passé : les momies prennent vie, les sphinx aussi et défendent leur habitat des pilleurs. Cleopatra sort de son sarcophage pour revivre son destin. D’ailleurs un miroir lui révélera sa jeunesse, son présent puis son vieil âge avec horreur comme pour nous dire que la vie est bien éphémère et que même les plus grands finissent poussière tel Pompeo sur lequel Cesare, le temps d’un instant, médite sur le sort futile de l’homme au premier acte. 

Nous sommes en plein Indiana Jones et Cesare va devoir traverser milles péripéties pour délivrer la captive Cleopatra du tyran Tolomeo, le tout au sein d'une atmosphère hostile, mystérieuse, palpitante où la magie intervient par petites touches telle Cleopatra qui à l’aide d’une poignée de paillettes envoûte Cesare. Ce dernier est immédiatement transi d'amour pour elle. 

La pyramide, aux parois amovibles, crée des espaces divers et variés : un dédale duquel il sera difficile de sortir. Tous les éléments de l’Égypte ancienne défilent : sphinx, momies, sarcophages, hiéroglyphes, danse égyptienne (Da tempeste) salon oriental avec chichas et thé à la menthe, etc. Bref, des décors grandioses vraisemblables et bluffants. A la fin de l'opéra, Cesare sauve Cleopatra des mains du tyran Tolomeo que l’on pense mort, et l'emporte non pas sur son cheval mais sur son planeur au charme d’antan. On pense le couple sauvé mais Tolomeo qui a trafiqué le moteur à l'aide d'un Nireno corrompu et vénal, fait exploser l’avion en vol. L’opéra se termine dans un grand éclat de rire: et si la vie n’était que théâtre ? 

        Face à une interprétation musicale hautement théâtrale et flamboyante, la distribution se devait d’être exceptionnelle. Et en effet on touche presque à la perfection. 

          Le couple mère fils, Cornelia et Sesto fonctionne bien et on se délecte de suivre leur relation quelque peu manichéenne (au delà de leur vengeance commune, on assiste au premier verre d’alcool de Sesto ou à son premier flirt sous l'œil réprobateur d’une mère protectrice). Une fois n’est pas coutume, on comprend pourquoi tous les hommes s’éprennent de Cornelia car Francesca Asciotti bénéficie d’une plastique fort avantageuse. De plus, la voix chaude du contralto donne une couleur bien suave au personnage. Une voix franche et brut à laquelle il ne manque qu'un soupçon de délicatesse et de sensibilité dans un rôle plutôt larmoyant. Quelle bonne idée de lui avoir confié l’air de Sesto “L’aura che spira”, un air vengeur et plein d’éclat qui sied finalement mieux à la voix et au tempérament de la contralto. 

          Son fils Sesto, interprété par la jeune mezzo-soprano Katie Coventry, possède la fougue de la jeunesse et une voix fort intéressante, qui joue de sa clarté tout comme de sa noirceur. La fraîcheur et la spontanéité de son interprétation associées à un physique ambiguë font mouche. Sesto est totalement hanté et traumatisé par l'image Tolomeo, l'assassin de son géniteur, qui paraît partout où son regard se porte (air “L’angue offeso”): on est au coeur de son esprit tourmenté. 

Dans le rôle du tyran dépravé et efféminé, le contre-ténor Nicholas Tamagna fait des étincelles ! On reste bluffé par cette voix ronde, bien timbrée, brillante et percutante qui ne fait qu’une bouchée du rôle en y apportant une tension et une force dramatique allant crescendo de "L'empio sleale" à “Domero”, un dernier air dans lequel il va se surpasser. Les airs fusent à une vitesse effrénée, voire effrayante sans jamais fléchir au service d’une cruauté et d’un sadisme délectables. La circonstance Covid, nous a privé des récitatifs du rôle de Nireno après que le contre-ténor Rafal Tomkiewicz ait été testé positif mais pas de son air qui a été luxueusement pris en charge au pied levé par Nicholas Tamagna sur le côté gauche de la scène. Un contre-ténor à suivre absolument ! Rappelons qu'il s'est particulièrement distingué dans le rôle de Ruggiero dans l'opéra Alcina pour ne citer que celui-ci. Voir notre compte-rendu.

          Deux chanteurs d'exception sont distribués dans les rôles principaux Cleopatra et Cesare, respectivement chantés par Sophie Junker et Yuriy Mynenko. A commencer par la voix brillante et absolument divine d’une soprano enceinte de 5 mois, qui ne fléchi pas face aux difficultés de pas moins de 6 arias et disons deux duos. Envoûtante dans "Tutto puo donna vezzoza", déchirante dans "Se pieta di me" ou bien dans "Piangero", virtuose à souhait dans "Da tempeste", ou bien confondante de sensualité dans "V’adoro pupille". 

          Il fallait un éclatant Cesare comme celui de Yuriy Mynenko pour faire face à une telle Cleopatra. Voix impérieuse et stature forte et virile sur scène avec la juste sensibilité nécessaire à un rôle pluriel, héroïque et profondément humain. On retiendra une entrée qui suscite le respect, la partie de jeu d’échec menée cors battants "Va tacito", une joute vocale avec le facétieux premier violon, un "Al lampo dell’armi" ou bien un "Quel torrente" aux vocalises infinies et survoltées. Bref, on se régale avec ces deux là. 

          Signalons enfin l'excellent Riccardo Novaro dans la peau d'un Achilla maladroitement amoureux et tyrannique.


La distribution réunie pour l'occasion se révèle donc bien de haute volée mais les vrais stars de la soirée auront été le chef George Petrou et l'orchestre du Festival. Leur fusion a donné lieu à un puissant feu d'artifice qui a mis des étoiles plein les yeux des spectateurs. 


Nota Bene: L'opéra a été joué quasiment dans son intégralité. Ces trois airs manquaient toutefois à l'appel: 

"Tu la mia stella sei" (Cleopatra)

"Se a me non sei crudele" (Achilla)

"Non ha piu che temere" (Cornelia)