Winterthur, Handel Serse 14.V.2023
Théâtre de Winterthur, le dimanche 14 mai 2023 à 14h30
Georg Friedrich HANDEL (1685-1759) : SERSE, opera en trois actes sur un livret adapté de celui de Nicolo Minato pour Cavalli, revu par Silvio Stampiglia pour Bononcini.
Serse : Siena Licht Miller, mezzo-soprano
Arsamene : Simone McIntosh, mezzo-soprano
Romilda : Yewon Han, soprano
Atalanta : Chelsea Zurflüh, soprano
Amastre : Freya Appffelstaedt, mezzo-soprano
Ariodate : Benjamin Molonfalean, baryton-basse
Elviro : Gregory Feldmann, baryton
Musikkollegium Winterthur
Statistenverein am Operhaus Zürich
Direction musicale : Markellos Chryssicos
Mise en scène : Nina Russi
Scénographie : Julia Katharina Berndt
Costumes : Annemarie Bulla
Dramaturgie : Kathrin Brunner
Vidéo : Ruth Stofer
Lumières : Hans-Rudolf Kunz
Serse : Siena Licht Miller © Herwig Prammer
Arsamene & Romilda : Simone McIntosh & Yewon Han
Serse, complètement psychédélique
Deux blocs d'appartements qui se meuvent au gré des pièces occupées. L'un cossu, habité par le très élégant et fortuné Serse, l'autre plus chaotique, occupé par son frère et rival Arsamene, au look rock n'roll 'destroy', qui vit apparemment en cohabitation avec des acolytes plus extravagants encore. L'imbroglio amoureux peut alors commencer avec son lot de quiproquos et ses situations burlesques. Le tout réglé sur un rythme infernal sans jamais que le spectacle ne s'essouffle. La légèreté et le spectaculaire (une fête de mariage complètement loufoque voire déjantée) côtoient l'intimisme du désespoir ou de la rageuse jalousie des personnages. Un mélange savamment dosé par la metteuse en scène Nina Russi qui nous fait passer du rire aux larmes.
De plus, le plateau vocal réuni pour l'occasion s'est révélé payant. Le Serse de Siena Licht Miller possède une certaine classe, pas mal d'aplomb et suffisamment de mordant pour rendre son personnage crédible. Elle nous a rappelé, dans une moindre mesure, au bon souvenir des superbes prestations de Malena Ernman. Son 'Ombra mai fu', délicat et poétique a convaincu, tout comme les airs de bravoures tel que 'Crude furie' sans toutefois susciter d'enthousiasme particulier.
Un enthousiasme déclenché, en revanche, par l'Arsamene de la mezzo-soprano Simone McIntosh. Timbre magnifique et généreux, voix souple et expressive perlée de jolis trilles en plus d'une aisance déconcertante. Un luxe pour ce rôle en manque de brillance et de vocalises. Brillant 'Si la voglio' rehaussé de trompettes ! Dommage, car la chanteuse en a visiblement sous le pied. Chacune de ses interventions nous a fait nous redresser sur notre fauteuil avec grand intérêt. Une artiste à suivre.
Moins convaincante, l'Amastre de Freya Apffelstaedt, manquait d'une certaine dose de véhémence nécessaire au rôle. Pour autant, elle n'a pas démérité et a su rendre intéressant son rôle de femme de ménage au service de Serse : toujours en retrait mais omniprésente.
La Romilda de Yewon Han, bien chantante, à la voix percutante et au tempérament bien trempé (sacré coup de colère 'Di gelosia') aurait mérité un peu plus de délicatesse, et de relief.
L'Atalanta de Chelsea Zurflüh, starlette type bimbo insupportable mais irrésistible, a offert un show détonnant au public. Son air 'Un ceno leggiadreto' ne manquait ni d'aplomb ni de fougue. Un régal.
Benjamin Molonfalean dans le rôle d'Ariodate a fait très bonne impression. Voix bien timbrée et vocalises solides il n'a pas eu de mal à magnifier ses deux airs.
Enfin, jamais nous n'avions imaginé que le petit rôle d'Elviro puisse être aussi prégnant dans l'opéra. En effet, les interventions de Gregory Feldmann, toutes marquantes et souvent spectaculaires, en drag-queen délurée, ont su capter toute notre attention. Doté d'une belle voix de baryton, il a réussi le tour de force de faire de ce rôle secondaire un personnage incontournable et central de ce drama giocoso.
En bref, un spectacle plein de dérision et de second degré qui se laisse savourer comme une crème glacée multicolore à la fête foraine.
Ce spectacle n'aurait pas été une réussite sans le soutien éclairé et créatif du chef grec Markellos Chryssicos, qui vient de la meilleure école, celle du brillant Georg Petrou. Une direction extrêmement vive et festive. L'ajout d'instruments aurait plutôt bien fonctionné s'il avait été pratiqué avec modération. Or la musique est envahie par des percussions en tout genre et a eu tendance à perturber l'écoute voire agacer certains spectateurs. Le point fort du chef aura surtout été de fluidifier la partition. En effet, la musique ne cesse quasiment jamais : récitatifs et airs sont enchainés sans pause avec de jolies transitions.
Ruggero Meli