Handel ORLANDO Paris TCE 13.I.2020 & Essen 19.I.2020

PARIS / ESSEN: Handel Orlando

Paris Théâtre des Champs Élysées Monday 13 January 2020 7.30pm

Essen Philharmonie Sunday 19 January 2020 7pm

Il Pomo d’Oro 

Francesco Corti direction

Christophe DUMAUX, Orlando in Paris

Cast in Essen: Cencic, Lewek, Rial, Galou, Chest

Many thanks to Françoise for the pictures

This Orlando will long remain in all minds of the lucky ones who attended the opera in Paris or Essen... The cast was not very good, it was exceptional. Countertenors Dumaux in Paris or Cencic in Essen were both amazing. The rest of the cast turned their second roles into major roles with their strong personality and vocal qualities, especially Kathryn LEWEK, who was a revelation for many: a miraculous singer !

          Le Théâtre des Champs Élysées a vu passer nombre d'Orlando de Haendel (en version de concert ou scénique) et pas des moindres ! On se souvient de la production de Robert Carsen avec l'incomparable Patricia Bardon ou bien la version de concert avec une Sara Mingardo en petite forme mais une fabuleuse Lisa Milne (Angelica), ou encore l'élégante et émouvante production de McVicar, ainsi que la version de concert sous la direction du très regretté Jean-Claude Malgoire avec déjà Christophe Dumaux (disponible en cd), etc... Alors les habitués du TCE savent combien cet opéra, au livret si alambiqué, peut-être fragile s'il n'est pas servi par une fine équipe ! Un défi aisément relevé par les artistes de ce lundi 13 janvier  2020 ! Car ce n’est pas une bonne distribution que l’orchestre Il Pomo d’Oro a réuni pour l'occasion mais une distribution d’exception ! A commencer par le trop rare (en France du moins, un comble pour un chanteur français) contre-ténor Christophe Dumaux qui possède véritablement l'étoffe du rôle. Récemment il chantait cet Orlando avec succès sur la scène viennoise dans une production quelque peu discutable... A Paris le rôle était initialement destiné à l’excellent Franco Fagioli qui, très tôt, s’est retiré de la tournée. Rôle trop grave pour lui ? On peut le supposer quand on repense par exemple à l’opéra Alessandro du même Haendel, qui lui convenait merveilleusement, à l’exception d’un air écrit plus bas (même tessiture qu'Orlando) et qui avait été confié pour l'occasion à un autre chanteur (Xavier Sabata). Suite à l’annulation de Franco Fagioli, la tournée a été confiée à Max Emanuel Cencic (Vérone, Essen...) sauf à Paris où le Théâtre des Champs Élysées a sollicité expressément la présence de Christophe Dumaux. Ces dernières années Baroque News a souvent eu l'occasion d'entendre ce dernier et la constante progression est fulgurante (Tolomeo dans Giulio Cesare, Polinesso dans Ariodante, Teseo, récital Farinelli à Salzbourg...) au point de le considérer comme le contre-ténor le plus talentueux actuellement: volume, aisance, virtuosité, notes aiguës percutantes et spectaculaires... Et bien, toutes ces qualités ont été mises à contribution lors de cet Orlando en version de concert. Certes il conserve toujours ce timbre à l'émission quelque peu nasillarde qui déplaira à certains mais son aplomb et son engagement suscitent notre totale admiration ! Sa scène de la folie demeure certes le point fort du concert, bien contrastée, surprenante et dérangeante, on en attendait pas moins, pourtant c'est surtout dans les autres airs qu'il innove le plus grâce à son implication poussée à l'extrême, au point de rendre le rôle passionnant tel que les airs "Fammi combattere" ou "Cielo" égrenés de vertigineuses vocalises ou encore "Gia lo stringo"  presque sadique. 

De son côté, Max Emauel Cencic, à Essen, ne démérite pas face à son collègue, il bénéficie d'un timbre plus soyeux, plus rond et à sa façon offre à entendre un Orlando tout à fait passionnant. 

          L'autre "monstre vocal" de la soirée, une révélation pour beaucoup (Baroque News l'avait découverte à Salzbourg dans l'Ariodante avec Cecilia Bartoli, dans lequel elle avait littéralement transcendé le rôle de Ginevra) était la soprano américaine Kathryn Lewek, qui confirme ici son statut d'interprète d'exception !  Une sensibilité à fleur de peau, des cadences vertigineuses, une virtuosité sidérante, des fioritures audacieuses et des prises de risque qui dépassent l'entendement technique couplés à une assurance et un aplomb déconcertants, des notes aiguës brillantes, percutantes et faciles. Bref, des capacités vocales hors normes au service d'une musique baroque qu'elle risque de ne pas continuer à interpréter bien longtemps tant il est prévisible que l'artiste sera sollicitée pour des répertoires plus tardifs. Kathryn Lewek fait de son Angelica un personnage de premier plan ! Chacune de ses interventions devient un moment unique et rare de musique: l'air "No non potra dirmi ingrata" a déchainé la salle qui n'a pu attendre la fin de l'air pour manifester un enthousiasme débridé. Et que dire de l'air du 3ème acte "Cosi giusta e questa speme" qui finit dans une lente agonie à vous tirer les larmes ? 

          Face à ces "monstres", les autres rôles risquaient bien d'être relayés au second plan, s'ils n'avaient eu, eux aussi, des personnalités vocales fortes, mais d'un tout autre ordre tels que la soprano Nuria Rial, toute de grâce, d'élégance, de fraîcheur, d'une touchante simplicité, une voix ronde et pleine de charme. Sa Dorinda touche, émeut même. Petit bémol tout de même dans l'air "Amore e qual vento" qui manquait de graves plus sonores. 

             Medoro, rôle mineur de doux 'lover' bénéficie grâce à la talentueuse alto Delphine Galou d'une grande suavité mais de personnalité aussi. Son timbre crémeux envoûte littéralement; on comprend alors que les deux dames Angelica et Dorinda en soient si éperdues. 

            Enfin, le baryton-basse John Chest (qui remplaçait Luca Pisaroni) n'a fait qu'une bouchée du rôle, même dans l'air virtuose et risqué "Sorge infausta" qui nécessite une voix souple et héroïque ! Tout comme les autres, il impressionne.

          Le très jeune chef Francesco Corti, claveciniste surdoué des Musiciens du Louvre, a déjà l'étoffe d'un grand, il a su rendre à cette musique dynamisme et grandeur en apportant un soin particulier aux chanteurs. L'orchestre ne semble composé que de solistes d'exception. Le duo de violons notamment, marquera les esprits d'une poésie ineffable dans l'air du sommeil. 

          Un Orlando d'exception donc, qui mériterait une captation cd ou une production scénique. 

Kathryn LEWEK, Angelica

Max Emanuel CENCIC, Orlando in Essen

Francesco CORTI, conductor + Mr CENCIC + Mrs LEWEK

Nuria RIAL, Dorinda

John CHEST, Zoroastro

Delphine GALOU, Medoro