Innsbruck, Festival de Musique Ancienne 2024

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Récital de la basse Luigi De Donato, 2.VIII.2024

Château d'Ambras, salle espagnole, le vendredi 2 août 2024 à 20h

Luigi De Donato, basse   

Ensemble Collegium 1704   

Václav Luks, clavecin et direction

POLIFEMO


Pietro Antonio Cesti (1623 - 1669)

«Amante gigante», Kantate für Bass, 2 Violinen und Basso continuo (Quellen: GB-Lam MS 107, I-Vc Torr.Ms.B.21)


Baldassare Galuppi (1706 - 1785)

Concerto a 4 Nr. 7 A-Dur

Largo - Allegro - Andante


Domenico Alberti (um 1710 - 1746)

tirés de : «La Galatea», Serenata a 5 voci (Venedig, 1737)

Récitatif et air «Se poi mi scaccia ... Mira il Monte e vedi come alza al Ciel»

Récitatif et air «Fermati, Galatea, perché mi fuggi? ... Sanno l'onde, e san l'arene»


Francesco Durante (1684 - 1755)

Concerto a 4 Nr. 2 g-Moll 

Affettuoso - Presto - Largo affettuoso - Allegro


Giovanni Bononcini (1670 - 1747)

tirés de : «Polifemo», Pastorella in un atto (Litzenburg [Charlottenburg], 1703)

Récitatif et air «Intesi opur sognai ... Vanarella pazzerella»

Récitatif et air «Or che mi sei fedel ... Dieci vacche, otto vitelli »


- Pause -


Antonio Vivaldi (1678 - 1741)

Concerto g-Moll RV 157 pour cordes et basse continue

Allegro - Largo - Allegro


Georg Friedrich Haendel (1685 - 1759)

tirés de : «Acis and Galatea», Serenata en trois parties HWV 49b (2. Fassung, London 1/32)

Accompagnato «Mi palpita il cor»

Aus: «Acis, Galatea e Polifemo», Serenata a tre HWV 72 (Naples, 1708)

Aria «Fra l'ombre e gl'orrori»

Aria «Precipitoso nel mar che freme»

Aria «Impara, ingrata»

AuS: «Acis and Galatea», Serenata en trois parties HWV 49b (2. Fassung, London 1732)

Aria «Affano, tiranno»


Bis 1 : Nicola Porpora

air «M’accendi in sen col guardo» (Polifemo)


Bis 2 : Georg Friedrich Haendel 

air «Sorge infausta una procella» (Orlando)

Polifemo souffle le chaud et le froid au château d'Ambras

          Une fois n’est pas coutume, le festival de musique ancienne d’Innsbruck offre la possibilité d’assister à un récital d’une voix de basse. Et pas n’importe laquelle : celle, spectaculaire, de Luigi De Donato, dans un programme taillé sur démesure, regroupant des airs du fameux cyclope Polyphème, écrit par divers compositeurs. 

          D'emblée, la voix prodigieuse de Luigi De Donato frappe fort en ouvrant le récital avec une cantate de Pietro Antonio Cesti ‘Amante gigante’ qui montre toute la férocité de ce monstre sanguinaire. Des passages qui vont, soudainement, contraster avec une partie inattendue qui va révéler la part d’humanité d’un être déchiré par l’amour impossible qu’il nourrit pour une Galatée réfractaire et amoureuse de son Acis. Le mordant, la profondeur, la théâtralité d’une voix hors du commun, n’a alors d’égal que le crémeux et la finesse d’une voix sensible et meurtrie de douleur.

          Nous retiendrons également l’air, absolument saisissant, de Domenico Alberti ‘Sanno l’onde e san l’arene’, avec ses surprenants coups d’archets qui mettent en exergue l'état d'un Poliphème totalement rongé par le tourment. 

          Dans une seconde partie, entièrement consacrée au compositeur Georg Friedrich Haendel, le pubic peut savourer les airs de deux œuvres : la cantate Aci, Galatea e Polifemo et la pastorale ou masque Acis and Galatea mais pas dans sa version la plus connue de 1718, en anglais. En effet, Il Caro Sassone remania l’œuvre lors d'une reprise en 1732 avec des ajouts en italien. Notre cyclope a alors le cœur qui palpite (cantate ‘Mi palpita il cor’ étonnamment remaniée pour l’occasion), le nôtre également. Comment résister à l'arrogance dévastatrice de ces airs virtuoses quand ils sont interprétés avec une telle force expressive et une voix qui vous embrase par la noirceur d'un timbre au charbon incandescent ?
Des airs taillés sur démesure, comme celui, redoutable, 'Fra l'ombre e gl'orrori' où les notes extrêmes flirtent avec le surnaturel. Les notes aiguës sont éclatantes de santé quand les graves sonnent caverneux comme on rêverait de les entendre. 

          Cette réussite n'aurait pas été totale sans l'implication, forte et tonique, de l'ensemble Collegium 1704 et son chef charismatique Vaclav Luks. Des artistes qui aiment la voix et la respectent. 

Les amateurs pourront retrouver, en partie, ce programme sur le cd récemment sorti, intitulé Polifemo. 

                                      Ruggero Meli

Luigi De Donato, basse© Amir Kaufmann
Vaclav Luks, clavecin et direction. Helena Zemanova, premier violon.© Amir Kaufmann
Ensemble Collegium 1704.© Amir Kaufmann

Cesare de Giacomelli 7.VIII.2024

Tiroler Landestheater, Großes Haus mercredi 7 août 2024 à 19h 

Geminiano Giacomelli: «Cesare in Egitto» (Opera in 3 acts) 

Libretto: Carlo Goldoni & Domenico Lalli 

Premiere: Venice, Teatro S. Giovanni Grisostomo, November 24, 1735 

Performance in Italian with German and English subtitles

Accademia Bizantina 

Ottavio Dantone, direction musicale

Leo Muscato, direction 

Andrea Belli, mise en scene

Giovanna Fiorentini, costumes 

Alessandro Verazzi, lumières

Arianna Vendittelli (Cesare) -c-birgit-gufler
Emöke Barath (Cleopatra), Filippo Mineccia (Achilla) -c-birgit-gufler
Federico Fiori (Lepido), Jonas Kofler (Sesto), Margherita Maria Sala (Cornelia) -c-birgit-gufler
Statist, Valerio Contaldo (Tolomeo)-c-birgit-gullet
Emöke Barath (Cleopatra)c-birgit-gufler
Federico Fiori (Lepido)c-birgit-gufler
Arianna Vendittelli (Cesare) -c-birgit-gufler

Avec ce Cesare, le festival déniche une nouvelle perle

      Ce qui d’emblée surprend, c’est cette musique particulièrement enjouée, tonique et brillante de Geminiano Giacomelli, un compositeur encore bien méconnu si ce n’est pour sa célèbre aria ‘Sposa, non mi conosci’ (opéra La Merope) qu’Antonio Vivaldi ajouta à son opéra Bajazet avec des paroles légèrement différentes ‘Sposa son disprezzata’. Chose encore plus surprenante, la partition ne contient aucun lamento, aucune aria triste ou plaintive. Globalement ce Cesare est constitué de lignes mélodiques orchestrales extrêmement séduisantes, la ligne vocale l’est un peu moins. D’ailleurs le public ne s’y trompe pas quand il applaudit sagement chaque aria. Pourtant les airs sont redoutables à chanter. 

          Les connaisseurs du Giulio Cesare de Haendel, retrouvent les mêmes personnages Cesare, Cleopatra, Tolomeo, Achilla et Cornelia à l’exception de Nireno et de Sesto. Ce dernier, n’est encore qu’un tout petit enfant. En revanche nous découvrons un nouveau personnage du nom de Lepido, un soutien transi de la belle Cornelia. Le personnage d’Achilla, baryton-basse chez Haendel, est ici chanté par un contre-ténor. Enfin, le vilain Tolomeo, alto chez Haendel, est ici interprété par un ténor. 

          Le metteur en scène Leo Muscato nous plonge au cœur d’une pyramide en ruine : des pans de murs recouverts de hiéroglyphes forment des espaces, des couloirs, des recoins, des passages inattendus qui prennent des formes diverses et variées au fur et à mesure qu’ils poursuivent leur rotation. En effet, ces éléments de décors, placés sur un plateau en mouvement rotatif de la droite vers la gauche, donnent l’impression que personnages et spectateurs parcourent les dédales d’une pyramide en ruine, ses dangers et ses mauvaises rencontres.  

De plus, ces éléments de décor ne cessent de changer sans que le public ne s’en aperçoive. En effet, les changements s’opèrent discrètement en arrière-plan de la scène sans le moindre bruit. La scène est plongée dans une semi-obscurité dans une atmosphère vaporeuse (fumigènes), le tout sous le regard permanent et menaçant de statues géantes représentant des guerriers romains parés d’armures. Positionnés en demi-cercle, ils sont les gardiens de Cesare : leurs yeux sont éclairés en permanence. 

          Cette atmosphère quelque peu délétère permet de mettre en exergue les enjeux délicats et fragiles qui se jouent ici : amour, pouvoir, guerre. Esthétiquement, c’est somptueux, mais la mise en scène et la direction d’acteurs pêchent grandement. La première partie dure plus de 1h30 avec ce plateau qui ne cesse de tourner sans jamais véritablement se renouveler. Peu d’action sur scène, et sans lecture des surtitres, il n’est pas certain que l’on puisse vraiment comprendre la trame de l’histoire, d’autant que les chanteurs sont souvent désœuvrés et chantent leurs airs plantés sur scène. Peu de changements dans la seconde partie si ce n’est que le plateau a changé de direction. 

          Côté costumes, les traditionnels vêtements militaires, et beaucoup d’armes à feu, côtoient des vêtements de différentes époques sans qu’il n'y ait une cohérence particulière. On retiendra surtout ceux, magnifiques, de la belle Cleopatra. 

Certes, on ne s’ennuie pas et on se régale des décors mais nous restons globalement sur notre faim côté action et direction d’acteurs. L’idée de caractériser les personnages (prise de tabac systématique par Achilla, prise de cachets par Cesare, mouchoir de Tolomeo) ne convainc pas et nous laisse perplexe. Elle n’apporte rien de particulier à la compréhension psychologique des personnages. 

          La distribution réunie pour l’occasion est de très bonne facture et surtout bien équilibrée.

          Achilla, l’homme de main de Tolomeo, aurait pu paraître bien frêle avec une voix de contre-ténor mais ce n’était sans compter sur la voix virile, altière et si expressive de Filippo Mineccia. Un chanteur qui n’a pas froid aux yeux, et qui affronte crânement tous les écueils d’une partition qui ne le ménage pourtant pas. Le contraste de ses aigus cinglants avec des graves caverneux impressionne mais laisse parfois place à des passages à la projection limitée. Le panache de son air héroïque ‘Al vibrar della mia spada’ n’a eu d’égal que la tendresse de son aria di paragone ‘Quell’agnellin che seco‘.

         La soprano Emöke Barath incarne une Cleopatra racée et noble, et s’acquitte de sa partie avec virtuosité et sensibilité. Une émotion particulièrement mise à profit dans un air touchant dans lequel la chanteuse s’adresse à toutes les femmes qui ont été trahies ‘Spose tradite, se m’ascoltate’.

          Beau succès à l’applaudimètre pour le contre-ténor Federico Fiorio dans le rôle de Lepido. Il est vrai qu’il bénéficiait des airs les plus séduisants de la partition, qu’il a su mettre en valeur grâce à la douceur de son timbre et à sa sensibilité. Difficile pourtant de croire à ses airs vengeurs ‘Scorre per l’onde ardito’ et ‘Vendetta mi chiede’ avec cette voix fragile et si innocente.

          Le personnage qui apporte le plus de relief à cette distribution avec sa véritable voix de contralto et sa véhémente défiance, c’est celui de la veuve Cornelia, admirablement interprétée par Margherita Maria Sala. Affligée, tourmentée et vindicative, elle se dresse avec force et noblesse envers et contre tous. En plus de devoir porter le deuil de son époux fraîchement assassiné, elle doit endurer et repousser les avances du tyrannique Tolomeo et du transi Lepido tout en se servant du dernier pour mener à bien sa vengeance. Le timbre chaud et consistant de la contralto associé à un caractère bien trempé fait trembler les récitatifs et vibrer intensément les arias. Le public aura été notamment frappé par la fulgurance de l’air ‘Oppressa, tradita’ avec ses arrêts et ses attaques subites qui en font un air de folie. 

          La voix du ténor Valerio Contaldo avait un peu de mal à passer la fosse en ce jour de première. Mais il est vrai que ses airs relevaient étonnamment plus de l’amoureux éconduit que du tyran. D’ailleurs, il s’est particulièrement montré touchant dans l’air ‘Se il sangue mio tu brami‘. Mais c’est dans la seconde partie qu’il s’est distingué le plus en interprétant des airs virtuoses et belliqueux tel le fascinant ‘Scende rapido spumante'.

           Admirable Arianna Venditelli dans le rôle titre. Son Cesare possède une sacrée prestance et un panache vocal qui impressionne notamment dans l’air héroïque ‘Col vincitor mi brando’, criblé de vocalises infernales.  Mais c’est dans son air langoureux ‘Bella, tel dica amore’ qu’elle va se révéler la plus touchante. Une déclaration d’amour à Cleopatra d’une tendresse infinie. Nous tenons là certainement le plus bel air de la partition. Ajoutons cependant un petit bémol à ce rôle masculin: le timbre d’Arianna Venditelli tire davantage vers le soprano que le mezzo-soprano, conséquence son personnage manque de virilité vocale. Sa prestation dans le rôle titre de Serse à Beaune en juillet 2019 nous avait fait la même impression. 

           Finalement, les véritables héros de cette soirée auront été les membres de l’Accademia Bizantina qui ont fait de cette musique un véritable feu d’artifice, sous la fascinante direction du chef Ottavio Dantone. Avec lui, pas besoin de grands gestes pour diriger du clavecin, un simple index lui suffit pour être d’une précision métronomique. 

          Alors que l’opéra affiche une durée de plus de trois heures, il est surprenant qu’il finisse sur un chœur final d’à peine trente secondes. 

                                       Ruggero Meli

Arianna in Creta de Haendel 17.VIII.2024

Haus der Musik, Kammerspiele à Innsbruck le samedi 17 août 2024 à 19h (première de quatre représentations).

Georg Friedrich Haendel: «Arianna in Creta» HWV 32 (Opéra en 3 actes)  Livret d'un inconnu, basé sur «Arianna e Teseo» (1721) de Pietro Pariati.

Première: Londres, King's Theatre, Haymarket, 26 janvier 1734.  

Opéra scénique chanté en italien avec surtitres allemands. 

Arianna : Neima Fischer, soprano

Teseo : Andrea Gavagnin, contre-ténor

Carilda : Ester Ferraro, mezzo-soprano

Alceste : Josipa Bilić, soprano

Tauride : Mathilde Ortscheidt, mezzo-soprano

Minos & Sonno : Giacomo Nanni, baryton-basse

Barockorchester:Jung
Angelo Michele Errico, direction musicale

Stephen Taylor, mise en scène

Christian Pinaud, scène et lumières

Nathalie Prats, costumes

Une production peu inspirée et pas vraiment inspirante

          Tous les ans, le festival de musique ancienne d’Innsbruck monte une production permettant de mettre en valeur de jeunes talents (en l'occurrence les finalistes du concours Cesti). Avec peu de moyens, les metteurs en scène ont la difficile gageure de réaliser des miracles. Certains y parviennent avec succès, ce fut le cas de la production de L’Amazzone corsara de Pallavicino il y a deux ans (voir notre article). L’an passé, La Fida Ninfa de Vivaldi était déjà moins inspirée mais le résultat restait honnête (voir notre article). Cette année, on frise la catastrophe : les décors minimalistes, particulièrement disgracieux, rivalisent de tristesse avec les costumes contemporains (les sempiternels vêtements militaires). Il n’y a guère que la tête du Minotaure qui aura été réussie mais l'attitude nonchalante du monstre ne représentera en rien une menace. Le metteur en scène Stephen Taylor n’a pas eu la meilleure des idées de transposer le conte mythologique de Thésée et le Minotaure dans un centre douanier ou camp de captifs en attente d’être sacrifiés au Minotaure. Ce même décor se transformera en centre pénitentiaire puis en labyrinthe dans la seconde partie du spectacle qui heureusement offrira du mieux : davantage d’action et enfin quelques ébauches d’idées intéressantes comme le travail sur l'enfermement. Insuffisant pour sauver un spectacle aux décors minimalistes et à l'apparence si cheap.

Andrea Gavagnin (Teseo)-c-birgit-gufler
Neima Fischer (Arianna)-c-birgit-gufler
Josipa Bilic (Alceste)-c-birgit-gufler

SYNOPSIS

           Pour rappel, suite à une guerre perdue, Athènes doit envoyer, tous les sept ans, sept jeunes hommes et sept vierges en guise de tribut au Minotaure. Cette dette sera levée seulement lorsque quelqu’un parviendra à tuer le monstre, sortir indemne du labyrinthe et vaincre le général crétois Tauride. 

La situation se complique en un imbroglio amoureux. Arianna et Teseo se vouent un amour réciproque. Carilda se meurt d’amour pour Teseo ce qui fait douter la jalouse Arianna de la fidélité de son amant qui s’évertue à vouloir sauver Carilda, première victime du Minotaure. Alceste, un  ami de Teseo, est amoureux de Carilda qu’elle finira par aimer à la fin de l’opéra. Carilda est également prisée par le général Tauride qui lui fait un vil chantage. Teseo se propose de combattre le Minotaure. Arianna surprend une conversation déterminante entre Minos et Tauride, dans laquelle elle apprend trois informations déterminantes : il est nécessaire d’enfoncer l’épée dans la gorge du monstre pour le vaincre, il n’est possible de trouver la sortie du labyrinthe qu’à l’aide d’un fil, et c'est la ceinture de Tauride qui le rend invulnérable. Des secrets qu’Arianna révèle à Teseo.

Suite à une tentative de fuite d'Alceste et Carilda, Arianna et Teseo sont arrêtés, soupçonnés de complicité et Arianna sera finalement déclarée première sacrifiée au Minotaure. Mais c’était sans compter sur l’héroïsme de Teseo qui parvient à vaincre le Minotaure et Tauride. Les deux couples peuvent enfin vivre heureux.

Pire encore, les chanteurs sont livrés à eux-mêmes. Raides comme des piquets, ils chantent face au public avec très peu d’action à accomplir qui permettrait la compréhension des enjeux si l’on n’a pas lu le livret au préalable ou si l’on ne comprend pas les surtitres, uniquement diffusés en allemand. Les seules trouvailles, d’un conventionnel proche du pathétique : agiter un drapeau, se lancer un sac à dos pour plaisanter avec son ami, remonter et faire avancer un petit oiseau mécanique, etc… Un budget limité n’excuse pas tout, il y a dans ce spectacle un manque cruel d’idées que l'on aurait voulues ingénieuses ou étonnantes pour mettre en appétence le spectateur. Un travail sur la symbolique de ce conte aurait été, par exemple, intéressant, en suscitant un questionnement chez l'auditeur. Pourquoi ce conte mythologique nous fascine tant aujourd'hui encore ? Or presque tout est conventionnel et prédictible dans ce spectacle. 

Que l'on soit d'accord ou pas avec ces commentaires, une chose nous paraît sûre, cette mise en scène ne permet en aucun cas de magnifier la musique du Caro Sassone, dont presque chaque aria a été poliment applaudie sans jamais déclencher la fougue attendue. Une musique pourtant géniale, d’un opéra étonnamment très rarement joué, qui recèle de nombreuses pépites : le sublime air d’Alceste ‘Son qual stanco Pellegrin’ accompagné d’un violoncelle qui vous traverse l’âme, joué bien trop lentement en cette soirée de première, au point d’en perdre la mélodie, les airs héroïques de Teseo ou de Tauride tels que ‘Qual Leon’, ‘Nel pugnar’, ‘Salda quercia’, ‘Che se fiera’, ‘Qui ti sfido’, ‘In mar tempestoso’, ou bien les airs tourmentés d’Arianna ‘Sdegno, amore’, ‘Se nel bosco’, ou encore le duo ‘Mira adesso’ entre Arianna et Teseo, particulièrement savoureux et brillamment interprété en cette soirée. 

          Un défi musical que le chef Angelo Michele Errico et l’orchestre Barockorchester:Jung ont relevé avec honnêteté en atteignant un résultat d’interprétation globalement d’un bon niveau. Dès le début de l'ouverture, d'intéressants effets orchestraux sont venus nous titiller l'oreille tel le fait de prolonger les fins de phrases en tirant la note de façon emphatique. Bien appréciables aussi, les notes martelées dans l'air 'Io ti sfido' de Teseo à l'image du pas lourd du Minotaure avec lequel le combat est imminent.

          Mais les vrais sauveurs de la soirée auront été les jeunes solistes vocaux. A commencer par la gagnante du concours Cesti 2023, la mezzo-soprano Mathilde Ortscheidt qui fait preuve de tempérament et de conviction scénique tout en faisant valoir son beau timbre mordoré et sa technique virtuose face à des airs peu aisés tel que les redoutables ‘Qual Leon’ ou ‘In mar tempestoso’. Dommage que sa prise de risque reste limitée, on aurait aimé la voir se surpasser dans des cadences plus brillantes notamment. De plus, nous l’aurions davantage imaginée dans le rôle de Teseo, même si ce dernier a été brillamment interprété par le contre-ténor Andrea Gavagnin. Que de progrès accomplis depuis le concours Cesti. On tient là un sacré talent vocal mais, désolé de le dire, un piètre acteur encore et rien ne semble avoir été mis en œuvre pour l’aider à y pallier. Il parvient à s’acquitter des redoutables ‘Nel pugnar’ ou ‘Salda quercia’ avec panache et virtuosité. Son tour de force étant sa capacité à contraster les notes aiguës aux graves, notamment dans l’air ‘Salda quercia’. Admirable ! Dommage qu’il tende à atténuer les difficultés dans les da capo (certes écourtés par le chef) qui devraient pourtant briller d’audace. C’est le contraire, les premières parties de ses arias sont plus impressionnantes que leurs da capo

Nous restons bluffés par les progrès également accomplis par la soprano Neima Fischer dans le rôle titre. Elle nous touche par la délicatesse de sa voix cristalline dans les arias So che non e piu mio’ ou ‘Se nel bosco’ et par l’ajout de suraigus à se damner dans certaines cadences. Elle sait également faire preuve de bravoure dans  ses airs virtuoses tel le très contrasté 'Sdegno, amore'.

Le couple Alceste, Carilda, respectivement interprétés par la soprano Josipa Bilić (gagnante du concours de Froville 2013) et la mezzo-soprano Ester Ferraro nous a plutôt convaincu sans pour autant déclencher d’enthousiasme particulier. Mais il faut dire que la partition leur est moins favorable. Toutes deux possèdent des timbres de voix particulièrement séduisants et attachants surtout celui de la mezzo-soprano. On retiendra l’air déjà cité ‘Son qual stanco Pellegrin’ dans lequel il se passe enfin un événement 'intéressant' lorsqu'Alceste prend l'initiative de trucider les geôliers pour libérer et sauver sa belle Carilda, l'air ‘Narrargli allor saprei’ au rythme contrasté, ou encore le très tourmenté ‘Quel cor che adora’.

Enfin, avec un seul air pour se défendre, le baryton-basse Giacomo Nanni a mis le feu à sa prestation dans l’air ’Se ti condanno’ dont le rythme infernal vous prend aux tripes. 


          Une distribution fort bien équilibrée au final, qui remporte l’adhésion en sauvant la soirée du naufrage. Ces jeunes talents ont su relever le défi d’une partition qui pourtant ne les a pas ménagé.


          A noter une partition presque entièrement honorée à l’exception de da capo, certes conservés, mais subtilement écourtés (de sorte que le public ne s’en rend pas vraiment compte) et de trois airs (un d'Alceste, un de Teseo et un d'Arianna) ainsi que le ballet final. 

          Signalons aussi que la distribution a été chaleureusement saluée par le public mais que l’orchestre s’est remis à jouer le final de l’opéra juste au moment entraient en scène les créateurs du spectacle de sorte qu’il n’a pas été possible d’entendre la réaction du public à leur égard. Était-ce la volonté d’étouffer d’éventuelles huées du public ? 

                              Ruggero Meli

Mathilde Ortscheidt (Tauride) et Ester Ferraro (Carilda) -c-birgit-gufler
Andrea Gavagnin (Teseo)-c-birgit-gufler
Andrea Gavagnin (Teseo)-c-birgit-gufler
Mathilde Ortscheidt (Tauride), Giacomo Nanni (Minos)-c-birgit-gufler
Andrea Gavagnin (Teseo), Ester Ferraro (Carilda)-c-birgit-gufler
Giacomo Nanni (Sonno), Andrea Gavagnin (Teseo)-c-birgit-gufler
Neima Fischer (Arianna), Andrea Gavagnin (Teseo) -c-birgit-gufler
Mathilde Ortscheidt (Tauride)-c-birgit-gufler

Cantates de Bach, Suzuki 23.VIII.2024

Stiftskirche Wilten 23 aout 2024 a 20h 

Jean Sébastien Bach :

Carolyn Sampson soprano 

Alexander Chance, contre tenor 

Benjamin Bruns, tenor 

Christian Immler, baryton basse 

Bach Collegium Japan 

Masaaki Suzuki, direction musicale

Des cantates vibrantes

          Le passionné et spécialiste de la musique de Jean Sébastien Bach, Masaaki Suzuki, a créé l’événement lors de sa venue au festival de musique ancienne d’Innsbruck en proposant un programme de cantates chorales sacrées particulièrement savoureux, mis en valeur par son ensemble instrumental et choral Le Bach Collegium Japan. Pour cette occasion, il a fait appel à quatre solistes de renom, rompus au chant bachien : la fameuse soprano britannique Carolyn Sampson, le ténor allemand Benjamin Bruns, le contre-ténor anglais Alexander Chance et enfin le baryton-basse allemand Christian Immler. Quatre solistes qui ont tenu toutes leurs promesses en nous offrant une interprétation vibrante de quatre cantates du Cantor de Leipzig en mettant particulièrement en exergue les textes de ces œuvres. Des textes qui à la lecture de passages tels que ‘Was frag’ich nach der Welt…O Ewigkeit, du Donnerwort’  semblent parfaitement coller à la thématique existentielle et intemporelle de la 48e édition du festival, en l’occurrence : ‘D’où venons-nous, où allons-nous ?’. Une invitation à la réflexion sur la foi, la vie (éternelle) et la mort, la beauté et la profondeur spirituelle. 


La cantate BWV 20 “O Ewigkeit, du Donnerwort”(Ô éternité, toi, parole foudroyante), divisée en deux parties supposées être chantées avant et après le sermon, décrit la peur de la damnation éternelle (le jugement dernier) et le besoin d’accéder à la redemption. 


La cantate BWV 94 “Was frag ich nach der Welt”(Que puis-je attendre du monde ?) oppose les plaisirs fugaces terrestres à la joie éternelle de la foi.


La cantate BWV 93 “Wer nur den lieben Goe läßt walten” (Celui qui laisse Dieu régner sur sa vie) relève de la confiance inébranlable en Dieu face aux épreuves de la vie.


Enfin la cantate BWV 78 “Jesu, der du meine Seele” (Jésus, toi qui par ta mort amère) met en exergue les péchés des humains rachetés par la grâce divine. 


          Ce qui surprend d’emblée dans ce concert, c’est la capacité des forces chorales du Bach Collegium Japan à faire briller pleinement cette musique. Alors que le chœur est à peine constitué de trois voix par pupitre, il sonne comme s’il était doté du triple de participants. Il faut dire que les solistes ont fort à faire puisqu’ils font partie intégrante de toutes les interventions chorales. Mention spéciale attribuée au pupitre des altos, qui avec ses deux contre-ténors, confère une couleur particulièrement fruitée à l’ensemble. 

          Même si parfois le ténor Benjamin Bruns détimbre légèrement, et même s’il possède un timbre un brin nasillard, nous restons admiratif face à la diction claire et impeccable de ses interventions, son implication tonique dans des pages à l’écriture peu aisée, qui ne laissent que très peu de place à la reprise du souffle. Il sait faire virevolter les vocalises comme le ferait un instrument. 

          Le contre-ténor Alexander Chance, quant à lui, fascine par la clarté et la limpidité de son timbre, la maîtrise de la langue allemande et sa façon de déjouer les difficultés de la partition. Dommage que ses notes aiguës frisent la stridence parfois. Nous avons particulièrement apprécié son duo avec le ténor ‘O Menschenkind’, dont la basse continue, au rythme si lancinant, nous a fait quasiment danser sur notre chaise.  

          Enfin, le baryton-basse Christian Immler s’est particulièrement distingué par son expressivité dans les récitatifs et les airs. Il sait faire claquer les consonnes et étirer les mots comme personne et ainsi faire vibrer la musique. Le texte prend toute sa dimension par son timbre charnu et solide. Le public aura pu particulièrement apprécier le délié de ses vocalises. Brillant ‘Wacht auf’ martelé et appuyé par une trompette, certes éclatante, mais pas toujours juste. 

          Le ravissement est également venu des interventions des instruments solistes telle la flûte, délicate et envoûtante, de Yoko Tsuruta ou bien celles, passionnantes, des trois hautboïstes dont un solo, particulièrement savoureux, dans l’air ‘Es halt’ es mit der blinden Welt’ de la soprano Carolyn Sampson. Une voix unique, au timbre si reconnaissable, qui aborde cet air avec une fraîcheur presque timide ou du moins humble face aux péchés et à la rédemption. L'émotion, sincère, n'en est que plus forte. Mais le highlight de la soirée aura certainement été son duo ‘Wir eilen mit schwachen’ avec le contre-ténor, absolument irrésistible, notamment grâce à l’entrelacement de ses vocalises soutenues par une basse continue au rythme si entraînant. 

          Bref, un régal de concert dont la ferveur des chorals convertiraient les plus sceptiques à la foi. En tous cas, une invitation musicale à la beauté spirituelle. 

A noter que ce concert sera diffusé le lundi 2 septembre 2024 à 14h par les soins de la radio autrichienne Ö1. 

                                             Ruggero Meli

Masaaki Suzuki © Marco Borggreve
Bach Collegium Japan © K. Mihura
Carolyn Sampson, soprano© Marco Borggreve
Alexander Chance, contre-ténor© Nina Close
Benjamin Bruns, ténor© Sara Schöngen
Christian Immler, baryton-basse© Marco Borggreve

Dido de Graupner 27.VIII.2024

Tiroler Landestheater, Großes Haus, mardi 27 août 2024 à 19h.
Christoph Graupner: « Dido, Königin von Carthago » (Opéra en 3 actes), sur un livret de Heinrich Hinsch.  

Première : Hambourg, Opernhaus am Gänsemarkt, 1707  

Édition critique de Jörg Jacobi (Edition Baroque, Bremen)  

Représenté en langue allemande et en italien avec des sous-titres en allemand et en anglais.

Dido : Robin Johannsen, soprano  

Anna, Venus : Alicia Amo, soprano  

Menalippe, Juno : Jone Martinez, soprano  

Hiarbas : Andreas Wolf, basse   

Juba : Jose Antonio Lopez, baryton  

Achates : Jorge Franco, ténor   

Aeneas : Jacob Lawrence, ténor  

Disalces, Mercurius : Kieran White, ténor  

Elgabal : Simon Hunterhofer, basse  

Bomilcar : Matthias Kofler, basse  

Chœur NovoCanto 

La Cetra Barockorchester   

Andrea Marcon, direction musicale   

Deda Cristina Colonna, mise en scène  

Domenico Franchi, scène et costumes  

Cesare Agoni, lumières 

Quelques photos du spectacle-c-birgit-gufler

Un petit bijou d'opéra et de production

          Dès les premières notes, la tempête fait rage et nous fait tressaillir. Le rideau s'ouvre sur un décor aux dorures chatoyantes. Un ange entièrement paré d'or descend des cieux à l’aide d’un filin. Bref, un vrai coup de foudre visuel et sonore s’empare du spectateur. Esthétiquement, ce dernier en prend plein les yeux : du bon goût, de l’élégance, des ors à profusion, c'est ce que propose la metteuse en scène Deda Cristina Colonna. Au fil du spectacle, des couleurs vives particulièrement éclatantes (vert, rouge, bleu) viendront renforcer les sentiments ou les atmosphères désirées. Le décor est essentiellement constitué d’immenses panneaux, coulissant de droite à gauche ou inversement, et ce, sur plusieurs strates. D’une forte inspiration baroque, ces panneaux font référence à ce qui se faisait au XVIIIe siècle : les fameux châssis alignés latéralement sur la scène, créant une perspective et des intervalles par lesquels les chanteurs entraient et sortaient. De même, on retrouve d'autres éléments récurrents de la mise en scène baroque tel le bassin ou la mer en fond de scène. Mais un autre élément va venir s'ajouter à celui baroque, celui de la culture japonaise : des panneaux coulissants cachent ou montrent avec une certaine pudeur et une certaine élégance (certains panneaux sont transparents) les personnages, le vêtement type kimono de Dido, la couleur or de la royauté du Japon antique. Le reste des costumes est clairement d’inspiration romaine avec notamment ses fameuses couronnes de feuilles de lauriers. Des feuilles d’or que l’on va retrouver sur un arbre absolument superbe, à la double ramification et tout à fait symétrique avec en arrière plan un mur d'une couleur verte intense. L’effet est tout aussi saisissant lorsque cette même scène s’assombrit soudain. 

SYNOPSIS

          Après la chute de Troie, le prince troyen Énée, fils de la déesse Vénus, part pour l'Italie avec ses hommes car un oracle divin l'a chargé d'y fonder un nouvel empire.

Lors d'une tempête en Méditerranée provoquée par la déesse Junon, son navire trouve refuge sur la côte de Carthage, où il rencontre la reine Didon. Elle l'accueille à sa cour et tombe amoureuse de lui, alors qu'elle avait promis une fidélité éternelle à son défunt mari

Sichaeus. Il lui faut également vivre avec la crainte qu'Énée ne reparte pour accomplir sa mission divine.

L'opéra commence avec Junon en colère qui apparaît à Didon dans un cauchemar. Auparavant, Junon, en conflit et en rivalité avec sa fille Vénus, avait tenté de faire sombrer Énée et ses hommes en mer.

Lorsqu'Énée a trouvé refuge auprès de Didon, c'est à Junon qu'il revient d'utiliser lamour entre les deux pour contrecarrer la mission d'Énée, qui consiste à fonder Rome.

Acte I

La déesse Junon apparaît à Didon endormie et l'avertit de la catastrophe imminente. Didon se réveille et appelle à l'aide. Sa sœur Anna la réconforte en lui annonçant que son mariage avec Énée aura lieu le même jour. Anna est secrètement amoureuse de Juba, le prince de Tyr, mais ne s'est pas encore donnée à lui.

Mentalippe, Hiarbas, Didon, Achates, Juba et Énée se plaignent de la tyrannie que Cupidon exerce sur leurs sentiments. Juba compare Anna à une pierre de marbre dure parce qu'elle semble le rejeter.

Néanmoins, il ne perd pas espoir. Hiarbas, le roi de Numidie, se lamente de son amour non partagé pour Didon, qui lui était promise. La princesse égyptienne

Ménalippe, quant à elle, est éprise de Hiarbas.

Déguisée en homme, elle le suit sans être reconnue.

Énée, qui a remarqué que Didon doute encore de son amour, tente de la rassurer.

Mercure, le messager de Vénus, descend du ciel et presse Énée de partir en Italie pour y fonder un nouveau royaume. Jupiter et sa mère Vénus lui ont ordonné de partir le jour même s'il ne veut pas encourir la colère des dieux. Son compagnon Achates lui conseille de fuir et de faire la volonté des dieux.

Acte Il

Hiarbas, Menalippe, Juba et Anna se demandent combien de temps ils devront attendre l'amour dans les limbes. Hiarbas jure de détruire Carthage si Didon continue à le rejeter. La princesse Menalippe lui demande alors sa protection. Elle lui assure qu'elle le servira fidèlement. Hiarbas lui parle de son amour non partagé pour Didon et exige qu'elle l'aide à se venger de Carthage.

Didon et Anna discutent de la manière d'affronter

Hiarbas afin d'éviter un conflit armé. Elles s'attendent à ce qu'il fasse bientôt de nouveau la cour à Didon. Mais Didon ne peut se résigner à cette éventualité. Achates conseille à Énée de se plier aux ordres de Vénus et de Jupiter. Mais ce dernier estime que le pouvoir de Cupidon est plus grand que celui de Jupiter. Vénus apparaît et renouvelle l'ordre de partir immédiatement pour l'Italie. Carthage est un lieu négligeable comparé à la future gloire de l'Empire romain en Italie.

Le prince Juba implore l'amour d'Anna. Bien qu'elle soit secrètement amoureuse de lui, elle fait semblant de le rejeter à nouveau. Didon reçoit l'envoyé de Hiarbas, qui est accompagné de la princesse Menalippe déguisée.

Il offre à Didon le sceptre et le cœur d'Hiarbas. Mais elle refuse son offre.

Didon décide d'offrir un sacrifice humain au dieu

Mithra. Le choix se porte sur Hiarbas, qui se soumet à la décision. Menalippe tente en vain de l'en dissuader, mais il est déterminé à mourir en sacrifice.

- entracte -

Énée a décidé de renoncer à son amour pour Didon et de fuir Carthage. Achates lui dit qu'ils vont préparer les navires. Iras, qui a appris les plans des Troyens, accuse Achate de l'avoir trahie en s'enfuyant. Il lui avoue alors son amour et lui propose de le suivre. Ils conviennent d'un endroit où ils pourront embarquer sans être repérés.

Hiarbas est conduit à l'autel sacrificiel. Un coup de tonnerre brise une partie de l'autel. Le prêtre se rend compte que le sacrifice ne peut avoir lieu : Hiarbas ne peut pas sacrifier son cœur car il l'a déjà dédié à Didon.

Didon se console en pensant à l'amour d'Enée, mais elle a encore des prémonitions inquiétantes.

Acte III

Au port, Is navires troyens sont parés au départ. Énée a promis d'organiser un combat naval pour les noces.

Didon, assise sur un éléphant, arrive avec son entourage pour assister au combat. Après s'être salués, Énée et Achates montent à bord du navire.

Énée fait ses adieux à Didon. Elle réalise douloureusement que le combat naval n'était qu'un simulacre, qu'Énée s'est enfui en Italie. Elle appelle à la vengeance.

Après le départ d'Enée, Hiarbas espère à nouveau la main de Didon. Tandis que Ménalippe tente de réfréner ses attentes, Anna s'efforce d'apaiser la colère de Didon. Cependant, celle-ci continue d'exiger vengeance et envoie le sorcier Elgabal sacrifier les derniers vêtements et l'épée d'Énée à Hécate, la déesse de la magie et de la nécromancie.

Anna et Juba s'avouent leur amour. Pendant ce temps, Didon prépare l'autel d'Hécate avec Elgabal et allume les feux sacrés. Au grand effroi de tous, elle se jette soudain dans les flammes et sur l'épée d'Énée.

Les dirigeants de la ville désignent Anna comme nouvelle reine. Hiarbas lui offre la paix sous la forme d'un rameau d'olivier, qu'elle accepte avec reconnaissance.


Source : traduction du synopsis du programme des Innsbrucker Festwochen der Alten Musik

          Mais le clou du spectacle sera l’arrivée de Dido sur le dos d’un magnifique éléphant en or massif, grandeur nature. Une entrée qui fait grand bruit dans la salle mais aussi dans l’orchestre lorsque le cor se met à barrir bruyamment.

          Ajoutons que certaines scènes figées relèvent du tableau de maître. On pense alors à des peintures de Lawrence Alma-Tadema.

           Enfin, la gestuelle baroque n’a jamais fait autant sens que dans ce spectacle : des gestes étonnamment peu affectés (comme on le voit souvent dans les spectacles baroques) mais qui donnent aux personnages, une force expressive d’une rare conviction. A ce titre, le sextet 'Piu crudo tiranno', d’abord divisé en deux groupes de trois chanteurs, puis tous les six réunis au centre avant de la scène, va s'avérer prodigieux : l’un des plus beaux moments de l’opéra, tant du point de vue musical que de celui théâtral. Telle une fugue de Bach, les personnages s’expriment à l’aide d’une fugue gestuelle. Plus fort encore sera le quatuor 'Wie lange soll ich' avec son entrelacement des voix mais aussi des corps et de leurs bras.

          Nous ne connaissons que très peu de choses encore de la musique de Christoph Graupner, mais il est possible d'entendre, ça et là, des accents de Haendel, Telemann, Keiser ou Purcell. Une musique qui n’est pas sans surprises avec notamment ses changements de rythmes soudains comme dans l'air de Hiarbas 'E la rosa in sul mattino' allant même jusqu'à l'arrêt de la musique. 

La grâce et le sublime s'invitent également dans ce spectacle, en particulier dans l’air de Juba 'Pur vi baccio', dans lequel le violon et le hautbois solos relèvent d'une miraculeuse beauté mélodique.

          Il faut dire que l’orchestre La Cetra et son chef Andrea Marcon savent comme personne valoriser les moments musicaux forts avec un enthousiasme et une prodigieuse puissance théâtrale

          Mais ce spectacle n’aurait pas été une réussite totale sans la participation passionnée et vibrante des solistes lyriques. Des chanteurs, qui à tour de rôle, vont ‘crever’ la scène comme certains crèvent l'écran. D’ailleurs, tous les petits rôles se sont montrés fort convaincants. Mais l’on retiendra surtout la Dido de Robin Johannsen dans un rôle contrasté et agité comme un bateau par les vagues dit-elle dans l'air 'Agitato del tempeste'. Elle se montre fort touchante puis s’emporte à la force de vocalises courroucées. 

Passionnantes ont été les interventions de Alicia Amo. Son aplomb vocal, qui fait claquer les notes aiguës comme les graves, a conquis la salle. Des commentaires qui s'appliquent également à la soprano Jone Martinez (entendue il y a quelques mois dans le rôle d’Alcina à Séville). Chez les messieurs, nous retiendrons surtout la voix capiteuse et solide du baryton-basse Andreas Wolf qui sait assombrir et illuminer à volonté ses interventions. Seule la voix de Jose Antonio Lopez manquait d’une pointe de séduction dans ce rôle d’amoureux transi éconduit.  

          Sur les trois opéras mis en scène cette année par le festival de musique ancienne d’Innsbruck, cette Dido de Graupner était, sans conteste, la plus aboutie et réussie.

                                          Ruggero Meli

Quelques photos du spectacle-c-birgit-gufler