Château de Versailles, salle des Croisades, lundi 5 mai 2025 à 20h
SANS Y PENSER
RÉCITAL MARIE LYS : CANTATES DE HAENDEL
Georg Friedrich Haendel (1685-1759) :
Serse HWV 40 : Ouverture
Sans y penser, HWV 155
Il delirio amoroso, HWV 99
Concerto Grosso op.6 n°2
Un’alma innamorata, HWV 173
Crudel tiranno amor, HWV 97
Marie Lys, soprano
Orchestre de l’Opéra Royal
Gaétan Jarry, direction
En ce lundi 5 mai 2025, dans l’écrin intimiste de la salle des Croisades du Château de Versailles, Gaétan Jarry et l’Orchestre de l'Opéra Royal de Versailles nous conviaient à un concert consacré à des cantates de Georg Friedrich Haendel. Un programme à première vue un brin aride pour ne pas dire ennuyeux. Mais c’était sans compter sur la présence de la soprano suisse Marie Lys, qui, disons-le d’emblée, a su rendre passionnantes ces cantates « amoureuses ». Un programme dense et pas aussi facile qu’il n'y paraissait de prime abord, avoisinant les deux heures de concert sans entracte.
Après une ouverture de l’opéra Serse, fort enjouée, le programme débutait avec la cantate française ‘Sans y penser’ qui donnait son nom au concert. Une pièce rare au charme fou et à la touchante naïveté, magnifiée par la théâtralité de la chanteuse. En effet, Marie Lys dépasse le stade de la pure beauté et candeur de cette cantate, voire d’une certaine mièvrerie apparente, en lui conférant du caractère et en rendant crédible son personnage. Et ce malgré un stress palpable qui s’est évaporé au fil du concert. Notons que cette pièce révèle l’incroyable adaptation du compositeur au style galant français tout en conservant son propre style. Fascinant ! On se plairait à imaginer un opéra en français…
Mais le plat de résistance de ce programme revenait à la cantate Il Delirio amoroso, véritable mini opéra d’une durée de plus de trente minutes, aux airs dramatiques à la longueur peu coutumière. Les vocalises franches et virtuoses de l’air ’Un pensiero voli in ciel’ côtoient la douceur ineffable de l’air ’Per te lasciai la luce’ qui se meut étonnamment en drame à vous tirer les larmes sur les mots ‘tu vuoi partir da me’ (tu veux donc me quitter) grâce à la théâtralité soudainement débridée d’une interprète dotée d’un sens du drame aiguisé. Un désespoir qui vous prend aux tripes et vous bouleverse dans des cadences et fioritures suraiguës. Marie Lys aurait peut-être pu aller plus loin encore en mettant davantage l’accent sur le mot « delirio » comme l’avait fait une Laura Claycomb dans une sorte de folie d’une amante éconduite.
Les deux dernières cantates, certes pas aussi redoutables que la précédente, réservaient pourtant de très beaux moments. En revanche, le premier air de la cantate Crudel tiranno amore nous a semblé un peu bas pour la voix de la soprano qui avait tendance à se retrouver un poil trop couverte par l’orchestre, mais quelle surprise d’entendre la partie centrale de cet air pris à une vitesse vertigineuse.
Pour clôturer ce concert haendélien, les interprètes nous ont réservé un final en forme de feu d’artifice avec l’air le plus virtuose du Caro Sassone, donné en bis : ‘Da tempeste’, l’air final de Cleopatra tiré de l’opéra Giulio Cesare.
Un concert qu’il sera possible de se procurer en cd sous le label Château de Versailles. Un tour de force réalisé par une interprète d’exception qui en a sous le pied et qui possède une palette de couleurs et de notes graves impressionnantes pour une soprano colorature. Il n’est pas sûr qu’elle se cantonne au répertoire baroque à l’avenir.
Ruggero Meli
Marie Lys, soprano
Gaétan Jarry, direction
l’Orchestre de l'Opéra Royal de Versailles