GLUCK ORFEO ED EURIDICE, Salzburg 9.VIII.2023

Christoph Willibald Gluck (1714 - 1787) : ORFEO ED EURIDICE 

LE FESTE D’APOLLO — ATTO D’ORFEO 

Azione teatrale en sept scènes (version de Parme 1769), sur un livret de Ranieri de’ Calzabigi 

6 représentations du mercredi 2 au lundi 14 août 2023 (reprise du spectacle donné au festival de Pentecôte de Salzbourg).

Représentation du mercredi 9 août 2023 à 19h30 (sans pause). Durée approximative 1h30

Chœur : Il Canto di Orfeo (Jacopo Facchini)

Les Musiciens du Prince – Monaco

Direction musicale : Gianluca Capuano 

Mise en scène et chorégraphie : Christof Loy 

Scénographie : Johannes Leiacker  

Costumes : Ursula Renzenbrink  

Lumières : Olaf Winter Licht  

Dramaturgie : Klaus Bertisch  

Danseurs: Yannick Bosc, Clara Cozzolino, Gorka Culebras, Yuka Eda, Oskar Eon, Haizam Fathy, Mark-Krister Haav, Jarosław Kruczek, Pascu Ortí, Carla Pérez Mora, Sandra Pericou-Habaillou, Guillaume Rabain, Giulia Tornarolli, Nicky van Cleef 

Orfeo : Cecilia Bartoli photos © Monika Rittershaus

Orfeo à fleur de peau

          Spectacle émouvant par sa grande sobriété mais aussi par ses contrastes marqués. Un décor unique : un intérieur dépouillé de tout élément. Seules des boiseries murales, rehaussées d’appliques luminaires, viennent habiller la pièce. Au centre, un escalier en bois mène à une paroi, blanche immaculée. Une paroi qui s’avérera amovible. 

          Une symbolique manichéenne qui tranche le blanc du sombre, les cieux des enfers, la vie de la mort. Un Orfeo revêtu d’un costume noir mais une Eurydice en robe blanche.

Orfeo, personnage omniprésent, semble prisonnier de ces murs et ses mouvements sont limités. Ses émotions et surtout ses tourments sont incarnés par une troupe de danseurs qui s’adonne à des chorégraphies aux rythmes variés. La réussite du spectacle tient du fait qu’au travers de ces chorégraphies, le spectateur entre véritablement dans l’esprit d’Orfeo et peut ressentir ses émotions, ses tourments. On souffre avec Orfeo, lui qui pleure la perte de sa bien aimée. Une atmosphère de deuil et une souffrance intérieure dont on s'imprègne dès le début du spectacle avec l’entrée, quasi surnaturelle, des choristes dans un ralenti vaporeux et dans un silence de cathédrale. On retient son souffle avant même que l'opéra ne commence. 

          Cependant, il faut avouer que d’aucuns pourraient bien être agacés par tant de sobriété et par une mise en scène à l’économie : les enfers sont représentés par une obscurité opaque que la paroi laisse entrevoir. Puis, elle s’ouvre de nouveau, cette fois sur une lumière aveuglante supposée représenter les cieux ou les Champs Élysées… N’est ce pas là un procédé, certes efficace, mais un peu réducteur ? 

           Saluons les interventions ciselées du chœur Il Canto di Orfeo, extrêmement bien préparé et expressif. La violence de certaines interventions n’aura d’égal que certains pianissimi presque inaudibles. Lorsqu’il refuse l’entrée à Orfeo, il lui oppose une série de non-recevoir. On reste fascinés par la variété de chaque interjection ‘NO!’, dont le sens change à chaque fois.

          L’Orfeo de Cecilia Bartoli, fragile (certaines parties vocales sont à la limite de la cassure) et fort à la fois, passe par toutes les émotions jusqu´à une certaine forme de violence verbale voire physique. Un Orfeo qui se transforme en furie : ‘Numi, barbari Numi’, pour atteindre un état sénile. Il ordonne, en hurlant, à une Eurydice qui tergiverse, de le suivre. Cette dernière prend peur et se protège même le visage d'éventuels coups. La voix se charge alors de raucités qui auront pu déranger certains auditeurs, amateurs de « beau chant ». L'expressivité avant tout, semble nous dire la cantatrice. D'ailleurs, le début du célèbre « Che faro senza Euridice » aura certainement surpris plus d’un auditeur. Pris à toute vitesse comme pour exprimer son refus de cette mort injuste. Le da capo reprendra sa forme de plainte traditionnelle

          Rien à redire du côté de ses deux partenaires : très jolie voix et superbe intervention de la part de l’Amour, incarné par la divine Madison Nonoa, dont nous découvrons le talent. Quant à Mélissa Petit, désormais une partenaire récurrente de Cecilia Bartoli, son Eurydice, remarquable, n’appelle que des éloges. Personne ne saurait résister à son chant.

          Enfin, saluons le travail admirable de l'orchestre Les Musiciens du Prince-Monaco et de leur chef Gianluca Capuano, qui accompagnent et portent avec ferveur toutes les intentions de la mise en scène. 

                                                                    Ruggero Meli