Julia LEZHNEVA Fénétrange 7.IX.2019

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Julia LEZHNEVA, soprano

Concerto Köln

Collégiale Saint-Rémi de Fénétrange le 7.IX.2019 18h

         Depuis des décennies, la Collégiale Saint-Rémi de Fénétrange voit passer les rossignols les plus prestigieux de ce monde lors de son annuel festival: Barbara Hendricks, Ileana Cotrubas, Lucia Valentini-Terrani, Katia Ricciarelli, Cecilia Gasdia, Malin Hartelius, Barbara Bonney, Elisabeth Vidal, Sandrine Piau, Lynne Dawson, Veronica Cangemi, Bernarda Fink, Patricia Petitbon, Annick Massis, Sara Mingardo, Mireille Delunsch, Véronique Gens, Vivica Genaux, et bien d'autres encore, mais celui de la soprano russe Julia Lezhneva fera date ! En effet, en cette soirée du 7 septembre 2019, les spectateurs ont eu la chance d'assister à un concert d'exception ! Jamais Julia Lezhneva, que Baroque News suit depuis pas mal d'années maintenant, n'aura autant brillé, fait battre les cœurs, charmer les âmes, vibrer, enthousiasmer dans un programme spécialement composé pour le festival afin de coller à la thématique de cette année: Vienne Budapest. Le programme proposait d'entendre des pièces de Porpora, Haendel, Vivaldi ainsi que des frères Graun, des pièces que la soprano connaît bien puisque la plupart ont été enregistrées et données en concert, un confort qui lui a permis de chanter sans partition et d'afficher un large sourire à toute épreuve. Et des épreuves il y en a eu lors de ce programme chargé de  redoutables pyrotechnies vocales ! 

Pour lui donner le change il fallait un orchestre à la hauteur du challenge: le Concerto Köln, en très grande forme et qui démarre le concert avec une foudroyante Sinfonia de Graun à vous laisser sans voix ! Seul le Concerto Köln est capable de dénicher ces incroyables pièces orchestrales qui sont de grands moments de musique et non du remplissage comme il est coutumier de voir dans beaucoup de programmes de concerts. D'ailleurs Graun n'est pas un choix anodin, car il est très vite devenu le compositeur de prédilection de la soprano (tout comme Hasse pour Vivica Genaux...); à noter qu' elle lui a consacré un disque d'airs. Mais que ce soit Graun, Porpora, Vivaldi ou Haendel, Julia Lezhneva déploie une virtuosité sans limites, en ornant les airs de splendides trilles, une technique baroque que peu de chanteurs maîtrisent et dont elle seule a le secret. A l'image du motet de Porpora avec lequel elle entre "en scène" pour envouter d'emblée un public médusé par un tourbillon de vocalises exécuté avec un naturel et une facilité déconcertants. Les récitatifs sont tout aussi enflammés. Le motet se termine par un Alléluia jubilatoire ! 

          On a souvent reproché à Julia Lezhneva de manquer de pathos, d'expressivité, or l'interprète a démontré tout à fait l'inverse en cette soirée à Fénétrange, en interprétant les airs lents avec une grande sensibilité et une émotion à fleur de peau, comme dans l'air de Graun: "Senza di te mio bene". Et que dire de sa délicate et touchante  interprétation de l'air "Zeffiretti" de Vivaldi, dans lequel elle insuffle fraîcheur, innocence et simplicité. Effet de surprise oblige, l'air est directement enchaîné à celui foudroyant de Handel "Un pensiero nemico di pace": un raz-de-marée de vocalises au souffle infini. Le programme s'achève officiellement sur un autre air virtuose de type "rossignol" dont elle est spécialiste "Brilla nell'alma" de Handel (tiré de l'opéra Alessandro qu'elle a enregistré sous la baguette de George Petrou) qui semble avoir été écrit pour elle tant il lui sied à la perfection. Toutes les difficultés de la partition semblent surmontées avec un naturel et un aplomb qui suscitent tout simplement l'admiration. On reste sidérés face à ses da capo, véritables tours de force, une virtuosité poussée à l'extrême qui repousse les limites du possible, comme dans son air désormais devenu fétiche, chanté en bis "Mi paventi il figlio indegno" de Graun dans lequel on assiste à une véritable explosion de notes impossibles !

          Mais c'est avec le fameux air de Rinaldo "Lascia ch'io pianga", air d'une infinie délicatesse, que Julia Lezhneva a choisi de dire au revoir au public, un moment véritablement magique, qui a mis la salle en lévitation dans un da capo dans lequel l'orchestre s'est retiré pour laisser place au seul luth. Ce duo voix / luth d'une infinie poésie, complètement épuré a fait retenir son souffle à un public littéralement transcendé par l'émotion. 

         Ce succès n'aurait pas pu être total sans des collaborateurs d'exception que sont les membres du Concerto Köln, qui semble avoir évolué avec une bonne base d'anciens membres et de jeunes recrues, tous des premiers prix de concours nous dit-on. Un concert d'anthologie ! 

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