HANDEL ALCINA STRASBOURG 25.V.2021
Opéra du Rhin Strasbourg - 25.V.2021
Opera seria in three acts
Anonymous libretto based on Alcina delusa da Ruggiero by Antonio Marchi
Inspired by Orlando furioso by Ludovico Ariosto
Premiered at Covent Garden in London on 16 April 1735
Spectacle écourté (2h) sans entracte avec récitant
Alcina: Ana DURLOVSKI, soprano
Morgana: Elena SANCHO PEREG, soprano
Ruggiero: Diana HALLER, mezzo-soprano
Bradamante: Marina VIOTTI, contralto
Oronte: Tristan BLANCHET, tenor
Melisso: Arnaud RICHARD, bass-baritone
Oberto: Clara GUILLON, soprano
Récitant: Jean-François MARTIN
Orchestre symphonique de Mulhouse
Dir. Christopher MOULDS
Alcina: Ana Durlovski, soprano
Ruggiero: Diana Haller, mezzo-soprano
Due to the pandemic, the Opera National du Rhin could only offer an improved concert version of the opera Alcina by HANDEL (with beautiful costumes and changing lights in the background). The result turned out to be efficient and pretty successful thanks also to a a cast of good quality and the inspired conductor Christopher MOULDS. But the biggest surprise came from soprano Ana DURLOVSKI, whose voice worked little miracles in the title role.
Avec la pandémie les théâtres se réinventent pour offrir des versions protéiformes de leurs spectacles. À Strasbourg, l’Alcina (au départ une coproduction avec Nancy et Dijon) s'est vue contrainte de se passer de la mise-en-scène de Serena SINIGAGLIA (voir le compte-rendu de l’unique représentation scénique à Nancy) pour offrir une version de concert avec des chanteurs qui alternent sur scène et se retirent une fois leur air chanté mais affublés de ravissants costumes baroques pour une durée de 2h environ sans pause face à une salle clairsemée (jauge réduite oblige) mais rehaussée par les interventions du récitant Jean-François MARTIN fort inspiré et agréable à suivre. Ces dernières ont eu le pouvoir de nous faire oublier les récitatifs absents (après tout, même à l’époque de HAENDEL le public les trouvait longs et ennuyeux). Peut-être est-ce là, l'une des formules de demain qui pourrait contenter tout le monde ? Force est de constater que la mise-en-scène ne nous a pas particulièrement manquée, ni l’absence d'éléments de décor (une seule chaise sur la scène), car de simples mais très efficaces modulations de couleurs pastelles en fond de scène auront suffit à suggérer sentiments et/ou atmosphères. Finalement, cette version de concert améliorée s'avère fort réussie grâce également à un orchestre élégamment dirigé par un chef rompu à l’opéra baroque Christopher MOULDS, tonique et inventif. Le tout servi par une distribution homogène et de bonne qualité.
Seule l’Alcina d’Ana DURLOVSKI se détache vraiment jusqu'à toucher au sublime ! Une artiste à suivre assurément ! D’aucuns auront pu être gênés par un timbre particulier qu’il aura fallu apprivoiser le temps d'un moment, une voix aiguë, facile et cristalline dont les harmoniques graves ont pour effet de l'étoffer et de l'enrichir (comparable à une Renée FLEMING) et pleine d'âpreté (comparable à une Joyce DiDONATO). Après tout Alcina est une magicienne voire une ensorceleuse aux pouvoirs maléfiques. Avec une classe naturelle et une plastique impeccable, la soprano est une évidence dans un rôle qu'elle incarne idéalement ! Touchante et délicate dans son air plein d’amour pour Ruggiero "Di cor mio", sensible et meurtrie dans l’air "Si son quella", c'est dans le déchirant "Ah mio cor" (aux notes suraiguës chantées pianissimi à se damner) qu'elle déploie toute sa palette d'émotions et plus encore dans l'air virtuose qui clôt le deuxième acte "Ombre pallide" (précédé du récitatif accompagné "Ah Ruggiero crudele" d'une saisissante force dramatique). Sa maîtrise aisée des longues vocalises chantées sans reprise d'air, finissent de sidérer un public enthousiaste.
Face à elle, le reste de la distribution ne démérite pas pour autant mais ne brille pas non plus. On appréciera la Bradamante racée de Martina VIOTTI, à la vocalise facile et au tempérament affirmé, la fraîcheur et la légèreté de la Morgana d'Elena SANCHO PEREG, la fougue mais aussi la sensibilité du Ruggiero de Diana HALLER (avec notamment un viril "Sta nell'Ircana"), ainsi que l'aplomb déconcertant de l'Oberto de Clara GUILLON qui de son seul air "Barbara" aura marqué la soirée.
Enfin on notera l'efficacité et la bonne tenue des deux messieurs Oronte et Melisso, respectivement interprétés par le ténor Tristan BLANCHET et le baryton Arnaud RICHARD.
En un peu moins de 2h, et même en l’absence des récitatifs, les coupes sont inévitables: pas d’air pour Ruggiero dans le premier acte. On aurait aimé retrouver le trio, ou l'air vindicatif d'Alcina "Ma quando tornerai" et d'autres encore, mais saluons déjà ce petit miracle de réussite après plus d'un an d'un silence insupportable.