Lyon, Handel Il Trionfo del Tempo e del Disinganno, 5.V.2023
Lyon, auditorium, vendredi 5 mai 2023 à 20h
Georg Friedrich Haendel (1685 - 1759) : Il Trionfo del Tempo e del Disinganno, oratorio en deux parties sur un livret du Cardinal Benedetto Pamphili.
Création à Rome en juin 1707, au palais du Cardinal Pietro Ottoboni.
Bellezza : Caroline Mutel, soprano
Piacere : Luciana Mancini, mezzo-soprano
Disinganno : Xavier Sabata, contre-ténor
Tempo : Kresimir Spicer, ténor
Ensemble Les Nouveaux Caractères
Direction et clavecin : Sébastien d'Hérin
Fascinant Trionfo à l´auditorium de Lyon
Jolie surprise que ce Trionfo del Tempo e del Disinganno à Lyon. Un concert unique largement plébiscité par un public totalement sous le charme de la musique du Caro Sassone et qui a obtenu un bis inattendu : le superbe quatuor ‘Voglio tempo’. Le chef Sébastien D´Hérin et son ensemble Les Nouveaux Caractères (excellents violoncelliste et premier violon entre autres), des habitués de Haendel, en ont donné une version à la tension dramatique serrée grâce à une distribution soigneusement choisie et particulièrement impliquée.
Trois solistes d’exception dans les rôles de Disinganno, Tempo et Piacere, respectivement interprétés par Xavier Sabata, Kresimir Spicer et Luciana Mancini.
Le contre-ténor Xavier Sabata s’est particulièrement distingué par la douceur et le velouté de son timbre enjôleur qui ont fait de 'Crede l’uomo' ou ‘Piu non cura’, des moments extatiques. Sa tessiture de contralto sied à merveille à ce rôle bas, si envoûtant. De plus, le crémeux de la voix mêlé de rugosités lui donne du caractère et de la consistance. On se délecte des vocalises infinies, jamais précipitées, exécutées avec un relâchement et un calme admirables.
Avec Kresimir Spicer, on se trouve en présence de la Rolls Royce des ténors. Le timbre, superbe, passe facilement et avec homogénéité du ténor aigu au baryton, et permet aux mots de se charger de couleurs et de force expressive. On admire l’intensité qu’il voue à son interprétation. Coutumier du rôle, il chante avec une sincérité et une fraîcheur comme renouvelées. Doté d’un volume hors norme, certains aigus saturent parfois tandis que son implication dans le quatuor était un brin disproportionnée. En revanche, il a su admirablement trouver l’équilibre avec le contre-ténor, dans le divin duo ‘Il bel pianto’. Un moment à l’ineffable poésie qui aura été certainement le highlight de la soirée.
Face à ses deux partenaires, Il Piacere, interprété par la très sensuelle Luciana Mancini a su tirer son épingle du jeu avec prestance. Elle s’est notamment distinguée grâce aux qualités d’une voix qui mêle la clarté et la brillance d’une soprano à celle d’une contralto. De fait, elle offre une interprétation contrastée tout en sachant trouver la simplicité et la sincérité dans le très attendu ‘Lascia la spina’ par exemple. Un air faussement facile à chanter. Les connaisseurs l’attendaient aussi dans le redoutable ‘Come nembo’ à la virtuosité infernale. Même si les vocalises ont été maladroitement gérées dans la première partie de l’air, elle a su 'rattraper le coup' avec panache et pugnacité dans le da capo.
Reste le cas de la soprano Caroline Mutel, qui après une mise en route quelque peu chaotique a trouvé son équilibre. Elle n’est certainement pas la meilleure Belezza qu’il nous ait été donné d’entendre : un médium plutôt terne et un manque d’expressivité notamment sont à déplorer. Pourtant, à sa manière, elle a su défendre le rôle de sa voix longue, de ses fioritures hautes et brillantes et en apportant une clarté constante au texte. On a du mal à comprendre pourquoi son air virtuose, le sublime ‘Un pensiero nemico di pace’ lui a été confisqué.
Notez que l’ensemble n’est pas à son coup d’essai. En effet, il avait déjà interprété cette œuvre en janvier 2019 à Versailles (Mutel, Deshayes, Pe, Dran) et tout récemment à l’opéra de Clermont Ferrand (Mutel, Deshayes, van der Linde, Vidal). Vivement le prochain Trionfo.
Ruggero Meli