HANDEL OTTONE Innsbruck 20.VIII.2019

HANDEL OTTONE Innsbruck, Haus der Musik,       20 August 2019 ★★★☆☆

Orchestre: Accademia La Chimera 

Dir. Fabrizio Ventura 

Mise-en-scène: Anna Magdalena Fitzi 

Bühnenbild und Kostüme: Bettina Munzer 

Marie Seidler, Alberto Miguélez Rouco © Rupert Larl 
Alberto Miguélez Rouco, Mariamielle Lamagat © Rupert Larl 

The Innsbruck Festival doesn't only take care of the winners of the Cesti Singing Competition, they also care for the other competitors, may be less talented (for now), who need some help to progress in their artistry. This production of Ottone by Handel is a good way to show the challenging yet successful work that can be reached with young artists. We wish them the very best of luck. 

          Décidément les jeunes talents sont à l'honneur au festival de musique ancienne d'Innsbruck. La veille déjà était organisé un concert de Gala (pour fêter les dix ans du concours) avec quelques-uns des grands gagnants du Concours de Chant Cesti. En cette soirée du 20 août 2019, ce sont les « malheureux » finalistes du Concours qui vont essayer de se distinguer dans une production de l'opéra Ottone de Haendel, une façon pour le festival de soutenir et de continuer d'encourager de jeunes artistes. L'opéra Ottone bénéficie d'un traitement musical de grande qualité de la part du compositeur, mais pâti d'un livret aux carences dramatiques importantes, ce qui explique peut-être le fait qu'il soit si peu joué mais surtout si peu mis sur scène. La seule production (peu convaincante d'ailleurs) dont on se souvienne, remonte à l'année 2002 au festival de Karlsruhe, avec notamment le contre-ténor David Cordier.

          A Innsbruck, l'opéra (prévu pour 3 représentations) aurait dû être représenté en extérieur, dans la cour de la Faculté de Théologie, mais pour des raisons météorologiques, un repli dans la Haus der Musik a dû être opéré. Une longue scène surélevée traverse de part en part la salle de spectacle tandis que l'orchestre s'est positionné sur le côté droit, à même le sol, au même niveau que le public. Un décors unique, esthétiquement plutôt réussi, avec ses trois tentures de couleurs vives et un mobilier cosy, accueille, un par un, les voyageurs (Teofana et Matilda sont vêtues d'une robe de mariée) qui semblent arriver dans le hall/salon d'un charmant hôtel. Dans cet espace, les personnages vont et viennent, discutent, se déchirent, se cachent, s'aiment... Teofana est venue à Rome pour épouser l'empereur Ottone qu'elle n'a jamais vu (elle ne possède qu'un petit portrait de lui), mais lorsqu'elle le voit elle ne reconnaît en rien le portrait qu'elle avait en sa possession et qui lui plaisait. C'est Adalberto qui s'est fait passer pour Ottone, secondé dans son entreprise sournoise par sa mère Gismonda, il souhaite par ce mariage accéder au trône alors qu'il était supposé se marier avec Matilda au départ. Suivent une série de quiproquos, les personnages se méprenant sur les intentions des uns des autres, mais une liete fine les attend (ou pas !).

          La distribution réunie une équipe de jeunes chanteurs, d'un niveau plutôt homogène. Ils possèdent tous indéniablement des qualités vocales et artistiques certaines mais il n'est pas leur faire injure que de dire que ces qualités sont encore bien perfectibles pour espérer atteindre un niveau digne des lauréats présents la veille au concert de Gala. A commencer par le rôle-titre incarné par la mezzo-soprano Marie Seidler à la voix si longue qu'elle semble aller du soprano aiguë au contralto, ce qui lui permet de grands effets. Cependant la voix manque encore d'homogénéité et la partie haute reste bien féminine pour le rôle. Plus surprenant encore, la chanteuse se trouve fort malaisée par moments dans les parties graves alors qu'à d'autres les notes basses sont belles et richement sombres. Le moment le plus émouvant restera certainement son récitatif accompagné et air plaintif "Io son tradito...Tanti affanni" dans lequel la voix a eu le temps de poser chaque note avec grande sensibilité. En revanche, le sautillant "Dell'onda ai fieri moti" a moins convenu à la mezzo-soprano au point de complètement brouiller la mélodie de l'air dans un da capo très ou trop personnalisé. 

          La mezzo-soprano Valentina Stadler qui chante une mère protectrice et quelque peu castratrice, sonne bien jeune pour le rôle de Gismonda. L'un des moments les plus poignants pourtant, aura été l'air "Vieni o figlio" dans lequel l'interprète se retrouve seule face à son ombre, ou bien est-ce l'ombre d'un fils mourant ? De plus, son duo de la fin du deuxième acte avec Matilda était particulièrement réussi "Notte cara".

          En revanche, la contralto Angelica Monje Torrez dans le rôle de Matilda nous a charmé de sa voix chaude et veloutée malgré peut-être quelques sons engorgés parfois. Une voix très similaire à celle d'une autre gagnante du Concours Cesti de 2015, la contralto française Anthea Pichanick. Chacune de ses interventions aurait dû être saluée d'applaudissements tant l'artiste fait preuve de maturité vocale et interprétative. Nous retiendrons, entre autres, l'air plein de révolte et proche de la folie (dans cette mise-en-scène) "All'orror" qui conclut magistralement la première partie du spectacle. Talent à suivre, donc. 

          Il en va de même concernant la soprano Mariamielle Lamagat, dont le joli timbre fruité de soprano fait des merveilles, ses notes hautes sonnent sans efforts et bien rondes notamment dans l'air "Benchè mi sia crudele", tandis que le medium de la voix peut s'enrichir de couleurs et de tempérament lorsque c'est nécessaire. 

          Passons maintenant à ces messieurs, et commençons par le contre-ténor Alberto Miguélez Rouco, qui joue un rôle de vilain dont on a du mal à croire tant il paraît angélique. Mais il est vrai que ce rôle de bad boy ne se ressent pas vraiment non plus dans la partition du Caro Sassone. La voix centrale est fort appréciable, mais les notes aiguës tendues et parfois stridentes le sont moins. Les airs lents lui siéent davantage pour le moment, et il a pu en faire montre notamment dans son air aigre-doux et délicatement dissonant "Lascia che nel suo viso". 

          Enfin, le baryton Yannick Debus, très apprécié lors de la finale du concours Cesti 2019, nous a semblé un brin moins en forme, sans démériter pour autant lors de ses deux seuls airs. L'un deux, considéré comme l'un des plus beaux airs écrit par Haendel pour baryton-basse « Del minacciar del vento »  a tout de même fait fort impression. 

          L'orchestre, formé de très jeunes musiciens, et même avec parfois quelques approximations ou quelques décalages malencontreux, fait preuve de vitalité et d'enthousiasme sous la baguette du très attentif chef Fabrizio Ventura. Il a même surpris en mettant en exergue certaines parties orchestrales intéressantes. La plupart des tempi étaient cependant mesurés voire prudent certainement pour ne pas malmener les chanteurs. Notons enfin qu'un certain nombre de da capo ont été coupés pour l'occasion ainsi que quelques airs.  

          Tous ces artistes ont permis au public de passer un joli moment au travers d'un spectacle sobre mais de bonne tenue pour arriver à une fin douce-amère, douce pour le couple Ottone/Teofana enfin réuni mais amère pour tous les autres personnages qui chantent un texte jubilatoire avec des mines bien déconfites. Il a surtout permis de porter haut les couleurs de la jeunesse, dont l'opéra a tant besoin. Souhaitons à ces jeunes artistes de les retrouver bientôt sur des scènes internationales. L'an prochain, cette même initiative sera réitérée au travers d'un compositeur moins connu Alessandro Melani et son opéra L'Empio Punito.

Mariamielle Lamagat © Rupert Larl 
Yannick Debus, Mariamielle Lamagat © Rupert Larl 
Valentina Stadler © Rupert Larl 
Marie Seidler © Rupert Larl