Haendel SEMELE, Glyndebourne 26.VII.2023
Haendel SEMELE
Festival de Glyndebourne 26.VII.2023
Cadmus/Somnus : Clive Bayley, bass
Athamas : Aryeh Nussbaum Cohen, contre-ténor
Semele : Joélle Harvey, soprano
Ino : Stephanie Wake-Edwards, mezzo-soprano
Iris : Samuel Mariño, counter-ténor
Juno : Jennifer Johnston, mezzo-soprano
Jove : Stuart Jackson, ténor
Dancers : Robin Gladwin, Harriet Waghorn, Jonathan Mewett, Jack Richardson.
The Glyndebourne Chorus (Aidan Oliver)
Orchestra of the Age of Enlightenment
Chef d'orchestre: Václav Luks
Assistant Conductor : Jakub Kydlíček
Music Preparation : Toby Hession
Mise en scène : Adele Thomas
Assistant à la mise en scène : Rachael Hewer Oliver Platt
Set Designer : Annemarie Woods
Costumes : Hannah Clark
Choreographer : Emma Woods
Lumières : Design Peter Mumford & Rick Fisher
Semele, la baba cool
Hasard du calendrier, BAROQUENEWS assiste à sa troisième production de Semele de suite. Après Göttingen et Munich, voici que le festival de Glyndebourne propose sa version dans une mise en scène de Adele Thomas.
Une vision d’abord froide, manichéenne, austère (teintes noires et blanches), au sein d’une communauté marmone. Une référence, vraisemblablement, au film The wicker man de 1973.
Semele se rebiffe et souhaite se libérer du carcan imposé par les siens. Nous sommes dans les années 60 - 70, propices à la libération de la femme et à la libération de l’amour voire sexuelle. Les couleurs deviennent subitement éclatantes. Notre Semele incarne une ‘baba cool’ qui souhaite s’émanciper, choisir qui elle veut aimer, faire fi des us et coutumes. La femme ose et s’affiche en grand, désinhibée : un lit floral gigantesque descend du ciel et flotte dans les airs à la verticale. Du plus bel effet. Semele et Jupiter sont enlacés tandis qu’elle chante son air libérateur ‘Endless pleasure’. Une version peace and love donc qui tend à montrer un affranchissement face au poids de la société et du joug masculin.
Cependant, le danger de la censure et de la punition guette en permanence par le biais de Junon qui veille et redresse les torts. Dans le troisième acte, le magnifique parterre de fleurs sera littéralement saccagé. La communauté condamnera l’écart : un bûcher sera érigé et Semele sera brûlée vive.
Certes, on comprend l’idée et les intentions de la metteuse en scène qui sont franchement bonnes. Reste que ce côté austère prend davantage le pas sur tout le reste et tend à plomber un spectacle qui pourra conduire jusqu’à l’ennui une partie des spectateurs.
Heureusement, l’orchestre, vif et tonique, soutenu par l’admirable Václav Luks, vient égayer le show, notamment avec des ajouts de timbales plutôt bienvenus ou de la divine harpe dans l’air poignant de Ino notamment.
Côté solistes, Joëlle Harvey fait briller sa Semele avec légèreté et facilité mais avec une voix qu’elle peut corser à souhait. Ses airs ‘The morning lark’ et ‘Endless pleasure’ nous ont enchanté, tandis que sa détresse dans ‘Ah me' nous a bouleversé. Une artiste discrète qui mériterait davantage de médiatisation.
Bonne idée d’avoir distribué le contre-ténor Samuel Marino en Iris, même si sa voix manquait parfois de projection et que son anglais s'est révélé désastreux. En effet, nous avons aimé son côté 'feu follet' accompagné de ce petit grain de folie en plus de son soprano léger qui a véritablement créé la surprise et accentué l’ambiguïté des genres.
Le contre-ténor Aryeh Nussbaum Cohen, quant à lui, s’est révélé bien meilleur en Athamas qu’en David dans l´autre oratorio de Haendel : Saul (récemment à l’opéra de Berlin). Un vrai plaisir d’écouter l'émission d'une voix facile et touchante.
La mezzo-soprano Stephanie Wake-Edwards, dans le rôle d’Ino, possède une voix chaude et un timbre ô combien attachant surtout dans ses notes de contralto.
Bonne idée de faire brusquement intervenir Junon dans la supplique d’Athamas ‘Turn your eyes’ pour Semele. Bien entendu, elle exhorte et encourage la relation pour tenter de se débarrasser de la menace que représente Semele pour elle. La forte présence de Jennifer Johnston sous les traits d’une déesse vénérée a fait forte impression. Efficace vocalement, elle n'a pas non plus impressionné.
Clive Bayley, qui interprétait à la fois le personnage de Cadmus mais aussi celui de Somnus, a fait une prestation convenable, sans plus.
Décidément le ténor Stuart Jackson ne semble plus se défaire du rôle du Dieu Jupiter. Nous l’avions déjà entendu dans ce rôle en 2018 à Berlin où il avait brillamment triomphé : la voix était radieuse et facile. Puis réentendu à Berlin, puis à Lille et encore récemment à Berlin. Malheureusement, la voix a progressivement baissé en qualité au fil des représentations. On le retrouve ici avec plaisir même si le son s’emploie à se loger dans le nez par moment. Il conserve de beaux moments de douceur, notamment dans le très réussi ‘Wher’er you walk’.
Enfin saluons le chœur de Glyndebourne, extrêmement bien préparé, éclatant de santé vocale surtout dans la deuxième partie.
Ruggero Meli