Anna BONITATIBUS recital "Prime Donne" Karlsruhe 19.II.2022
HANDEL GALA CONCERT - PRIME DONNE
Karlsruhe Badischesstaatstheater Saturday 19 February 2022, 7pm
Anna Bonitatibus, mezzo-soprano
BADISCHE STAATSKAPELLE
Dir. Attilio Cremonesi
Georg Friedrich Händel (1685 –1759) MARGHERITA DURASTANTI (1685 –1734)
Sinfonia Agrippina HWV 6
Aria „L’alma mia fra le tempeste“ Agrippina HWV 6
Aria „Ombra cara“ Radamisto HWV 12a/b
Antonio Caldara (1670 –1736) FAUSTINA BORDONI (1697–1781)
Introduzione Semiramide in Ascalona
Aria „Povera navicella“ Semiramide in Ascalona
Riccardo Broschi (um 1698 –1765) VITTORIA TESI (1701–1775)
Recitative & Aria „Voi tremende d’abisso ... Barbaro traditor“ Merope*
Antonio Vivaldi (1678 –1741) MARIA MADDALENA PIERI († 1753)
Aria „Gelido ogni vena“ Farnace RV 711
-- Intermission --
Joseph Haydn (1732 –1809) BARBARA RIPAMONTI
Sinfonia La vera costanza Hob. 28/8
Recitative & Aria „Misera, chi m’aiuta … Dove fuggo“ La vera costanza Hob. 28/8
Giovanni Paisiello (1740 –1816) CELESTE COLTELLINI (1760 –1828)
Recitative & Aria „Questa è l’ora … Il mi oben quando verrà“ Nina o sia la pazza per amore**
Gioacchino Rossini (1792 –1868) MARIETTA MARCOLINI (1780 –1855) ADELAIDE MALANOTTE (1785 –1831)
Sinfonia L’italiana in Algeri
Aria „Cruda sorte“ L’italiana in Algeri
Recitative & Aria „O Patria … Di tanti palpiti“ Tancredi
Anna Bonitatibus, mezzo-soprano
Attilio Cremonesi, conductor
A ravishing recital by mezzo-soprano Anna Bonitatibus made of subtelty and emotion going from Haendel to Rossini and telling the story of these forgotten muses: divas that inspired the talent of all these composers.
Chaque année le festival de Karlsruhe met à l’honneur une vedette haendélienne lors d’un récital unique (dans le passé on se souvient avoir vu Ann Hallenberg, Tuva Semmingsen, Sandrine Piau et Vivica Genaux, James Hall, Franco Fagioli, Deborah York, et bien d'autres). Cette année c’est la mezzo-soprano italienne Anna Bonitatibus qui a bénéficié de ce privilège. Privilège d’autant plus grand qu’aucun autre récital n’est programmé lors de cette nouvelle édition du festival (l'an passé le festival avait été annulé pour cause de pandémie), et que la chanteuse a pu profiter cette fois de l'écrin de la grande salle du théâtre (plutôt que de l'église dans laquelle elle avait donné un premier récital il y a quelques années). Une scène particulièrement mise en valeur par la présence de deux énormes bouquets de roses, la photo de la salle du Rokokotheater de la Résidence de Munich projetée sur un immense écran ainsi que de divines statues baroques en plâtre trônant sur scène.
Le programme, savamment conçu et qui pourrait aisément faire l’objet d’un enregistrement discographique, fait la part belle à toutes une série de Prime Donne qui ont marqué l’histoire du monde lyrique dans un ordre chronologique croissant allant du XVII au XIX° siècle. Les fameuses Durastanti et Bordoni pour Haendel, Tesi pour Broschi, Pieri pour Vivaldi, Ripamonti pour Haydn, Coltellini pour Paisiello, enfin Marcollini et Malanotte pour Rossini.
Chacune ayant été la muse du compositeur.
C’est avec Haendel que débute le récital et sa fameuse ouverture d’Agrippina, un petit bijou de virtuosité et d’arrêts surprises divinement rendu par l’orchestre. Agrippina est un opéra que la chanteuse italienne connaît sur le bout des doigts pour l’avoir chanté brillamment en concert et sur scène notamment à Oviedo, Seville ou encore Hambourg. Voir notre compte-rendu d’Hambourg. Mise en bouche aisée avec le virtuose "L’Alma mia fra le tempeste". Un air suivi du divin et alangui "Ombra cara" de Radamisto, un rôle que la mezzo-soprano n’a jamais chanté mais dont elle a interprété récemment le rôle de Tigrane en tournée de concerts avec il Pomo d’Oro (on se souviendra longtemps de son tout premier air pris à une vitesse vertigineuse « Deh fuggi il traditore », un tour de force).
En parlant de tempo, le chef Attilio Cremonesi a favorisé des tempi plutôt modérés, un brin trop prudents. Un constat plus vrai encore avec l'air de Farnace "Gelido in ogni vena" de Vivaldi qui manquait cruellement d'inventivité. Les versions de cet air ont évolué depuis des années, plus fortes et extrêmes les unes que les autres (écoutez la version de Xavier Sabata, dont l’orchestre y est insensé), qu’il est désormais « difficile » de l’entendre dans son plus simple appareil. Mais il faut aussi souligner la complicité d'un chef toujours souriant et généreux avec les membres de l’orchestre, une gestuelle ample et extrêmement précise. On passerait volontiers son temps à l’observer si la diva n’avait été présente. D'ailleurs, nous avons récemment pu apprécier sa direction dans l’opéra Amadigi de Haendel à Meiningen (dans une extraordinaire production baroque. Une vraie réussite !).
Avec Anna Bonitatibus, point d’esbroufe, de grands éclats ou de spectaculaire. Tout est dans la finesse et la subtilité, un chant intelligent au service seul de l’émotion, dans lequel le mezza voce est souvent sollicité, un chant qui touche l’âme. Alors, même si l’interprète a quelque peu perdu en notes extrêmes; parfois fragiles et incertaines, elle compense aisément par une expressivité hors du commun qui fait vibrer d'émotion la moindre phrase de récitatif avec ce léger vibrato dans la voix qui confère consistance, émotion et beauté au timbre. De plus, Anna Bonitatibus n’a rien perdu de sa virtuosité, et les vocalises fusent avec un aplomb déconcertant à l'image de l'air "Barbaro traditore" tiré de La Merope de Broschi, un opéra qu'elle a chanté sur scène et en concert en Autriche (voir notre compte-rendu d'Innsbruck ainsi que celui de Vienne).
L’air de Paisiello, dont le 'récitatif parlé' a surpris tout le monde, met en scène le trouble d'une amante qui croit entendre arriver son bien aimé qui n’arrive jamais (un air qui fait penser au superbe "Notte cara" du personnage d'Elmira à l'Acte II de l'opéra Floridante de Haendel). Un air que la chanteuse italienne a su mener délicatement jusqu'au frisson.
Le public aura pu également apprécier la grande maîtrise des airs de Rossini, le compositeur cher à la chanteuse, dont elle donnera un troisième air en bis. Toutefois, ce sera sur la pointe des pieds que se refermera ce concert avec un arioso, telle une étoile filante d’une ineffable beauté "Sonno, se pur sei sonno" tiré de La Griselda de Vivaldi. Le public retient son souffle.