Varsovie, Opéra Kameralna le samedi 22 mars 2025 à 19h
Georg Friedrich Haendel : Giulio Cesare, opéra en trois actes sur un livret de Nicola Francesco Haym, d´après Giacomo Francesco Bussani.
GIULIO CESARE Jan Jakub Monowid, contre-ténor
CLEOPATRA Dorota Szczepańska, soprano
CORNELIA Joanna Motulewicz, contralto
SESTO Kacper Szelazek, contre-ténor
TOLOMEO Nicholas Tamagna, contre-ténor
ACHILLA Mariusz Godlewski, baryton-basse
NIRENO Artur Plinta, contre-ténor
CURIO Łukasz Górczyński, baritone
Collegium Varsoviense (Krzysztof Kusiel-Moroz)
Orchestre Musicae Antiquae
Direction : Adam Banaszak
Mise en scène : Włodzimierz Nurkowski
Décors et costumes : Anna Sekuła
Chorégraphie : Wioletta Suska
Lumières : Paweł Murlik
Multimédia : Adam Keller
Le petit théâtre intimiste Kamanala de Varsovie accueillait une nouvelle fois l'opéra Giulio Cesare de Haendel, une production décapente du metteur en scène Wlodzimierz Nurkowski qui avait déjà été donnée il y a quelques mois avec une distribution légèrement différente.
D'emblée, nous sommes frappés par la brutalité des acteurs mais aussi celle des chanteurs ainsi que par la diffusion d'images de destruction. En effet, l’opéra débute avec un générique comme si l’on était au cinéma. Le spectateur est emporté sans ménagement dans un monde où le chaos règne : destructions, explosions, ninjas menaçants et tout de noir vêtus, maniant bruyamment des éventails aux pointes d’acier. Les tempi suivent cette même idée et fusent. Les chanteurs sont comme dopés et survitaminés. Chacun tente de tirer son épingle du jeu et joue sa survie en intriguant abondamment au fil de l'oeuvre.
À la noirceur de Cornelia et de son fils Sesto, sortes de punks gothiques, contraste l'arrivée de Tolomeo et de Cleopatra qui apportent couleurs et paillettes, avec notamment des accoutrements improbables et complètement décalés. Une légèreté et une folie baroque qui surprend et déroute. A ce même titre, la fin du spectacle va diamétralement trancher et comme compenser la rudesse de ce début. En effet, la scène va s'embraser d'un flot d’amour et de légèreté et nous réserver un feu d’artifice digne de certaines comédies musicales romantiques : le spectateur est emporté dans un tourbillon de plumes, de danses et de paillettes.
Les amateurs de contre-ténors seront servis avec pas moins de quatre parmi la distribution. Même si Jan Jakub Monowid affiche un timbre quelque peu nasillard et vocalise à coups de glotte, il est parfaitement crédible dans le rôle titre. Sa virtuosité mise à rude épreuve n'aura d'égal que son infinie tendresse qu'il saura déployer avec émotion dans les moments opportuns. On ne peut que rendre les armes.
Kakper Szelazek, dans le rôle de Sesto, s'impose avec panache malgré la stridence de certains sons. Artur Plinta, dans celui de Nireno, efféminé fragile et attentionné envers la divine Cleopatra, s'est acquitté de ses récitatifs avec élégance. On aurait bien aimé l'entendre dans son air « Chi perde un momento ».
Mais le plus convainquant des rôles de contre-ténors aura été celui de Tolomeo magistralement interprété par Nicholas Tamagna. Avec son timbre rond et séduisant de contralto, il fait de son personnage une sorte d'élégant sadique capricieux. On se régale de chacun de ses airs.
Excellentes interventions du baryton-basse Mariusz Godlewski dans le rôle d'Achilla. Sa voix rocailleuse et souple nous a impressionné.
La bonne surprise est venue de la contralto Joanna Matulewicz dans le rôle de Cornelia. Son timbre riche et suave, étonnament grave et clair à la fois, a fait de ce rôle, parfois ennuyeux dans le gosier de certaines chanteuses, un personnage majeur et touchant de cette production.
Mais la meilleure surprise est revenue à la Cleopatra de Dorota Szczepanska. Avec sa voix fraîche et brillante, des facilités dans les aigus et les coloratures, sa Cleopatra s'est révélée être une pure splendeur. Charme garanti dans son air 'V’adoro pupille' et éclatante virtuosité dans son dernier air 'Da tempeste'. Le spectateur ressort ébloui de ce spectacle. Il faut dire que la salle permet une proximité inhabituelle avec la scène et favorise une belle interaction avec le public.
Ruggero Meli