GÖTTINGEN, HAENDEL SEMELE 19.V.2023

Georg Friedrich HAENDEL (1685 - 1759) : SEMELE HWV 58

Göttingen, le 19 mai 2023, Deutsches Theater 

Semele : Marie Lys, soprano 

Jupiter : Jeremy Ovenden, ténor 

Ino / Juno : Vivica Genaux, mezzo-soprano

Athamas : Rafał Tomkiewicz, contre-ténor 

Cadmus / Somnus / High Priest : Riccardo Novaro, baryton-basse

Iris : Marilena Striftombola, soprano 

Kammerchor Athen (Agathangelos Georgakatos)

FestspielOrchester Göttingen 

Direction musicale et mise en scène : George Petrou 

Scénographie et costumes : Paris Mexis 

Lumières : Stella Kaltsou

Semele & Jupiter: Marie Lys, Jeremy Ovenden. © Alciro Theodoro da Silva

         Une Semele bien légère 

          Après l’excellent Hercules la veille de cette première de Semele, l’attente était grande et la pression s’est portée sur la nouvelle production de Georg Petrou qui s’était distingué (surtout musicalement) l’an dernier avec son Giulio Cesare. Cette fois, il nous propose un spectacle plus léger, avec des pointes d’humour (la relation presque sado-maso entre Junon et Iris) et quelques scènes loufoques (la vie nocturne voire de débauche face à une Junon de la haute société). On tremble face à la colère de Junon et et on se délecte de ses stratèges pour anéantir l’insouciante Semele. On s’émeut de la triangulaire amoureuse d'Ino, Athamas et Semele. Certes, l’ennui ne se fait pas ressentir mais le spectacle ne passionne pas pour autant. On attend, en vain, les trouvailles sensationnelles qui feraient réellement décoller le spectacle. On reste même surpris de revoir des scènes connues tirées d’autres mises en scène tel le coup de la carte tendue à Iris et que Junon remet à l’endroit pour souligner le caractère sot du personnage. Heureusement, un élément vient bousculer cette légèreté au travers du symbole fort de la femme présentée dans une cage à oiseau, à la disposition de l’homme. Un symbole fort en ces temps chaotiques dans lesquels certaines sociérés tentent de réduire voire priver les femmes de liberté.

          Côté distribution, la Semele de Marie Lys emporte l'adhésion avec pas moins de neuf airs, tous brillamment restitués. Elle sait, comme nulle autre, faire virevolter les notes et créer la surprise lors de cadences renversantes : 'The morning lark' ou 'No, no I’ll take no less'. Drôle d’idée que d'avoir demandé à la chanteuse de légèrement décaler ses notes dans l'air 'With fond desiring'. Ce qui a eu pour effet de briser le principe même de l'air qui consiste à superposer la ligne d'orchestre sur la ligne de la voix, comme s'ils ne faisaient plus qu'un. Outre la brillance de sa voix, Marie Lys possède surtout un medium et des notes basses étonnamment sombres  pour un soprano, ce qui donne un éclairage et des couleurs tout à fait interessantes à son rôle. Ils permettent surtout d'entendre plus distinctement des notes graves souvent escamotées dans le gosier d'autres sopranos.

          Ce séduisant rossignol trouve un partenaire idéal en la personne de Jeremy Ovenden en Jupiter. Rien ne semble résister à cette voix de ténor claire, brillante et virtuose. Les vocalises fusent dans 'I must with speed amuse her' tandis qu'il rend toute  grâce et la poesie au fameux 'Wher'er you walk'. La magie opère.

          Le festival a tiré partie de la venue de la très convoitée Vivica Genaux, qui pour le coup incarnait deux rôles (en plus de chanter le rôle de Dejanira la veille) celui de la sœur de Semele, Ino ainsi que la redoutable et vengeresse Junon, femme de Jupiter. Affublée d'un habit qui la dévalorise sciemment en Ino, cette  Ugly Betty nous touche par sa sensibilité et sa détresse d'aimer un Athamas qui ne la remarque même pas. A contrario, sa Junon, super sexy, fait des ravages. C'est d'ailleurs dans ce rôle qu’elle tire le mieux son épingle du jeu. En effet, elle sait faire valoir ses notes graves et les faire contraster avec les notes hautes. A ce titre, la fulgurance de son ‘Hence, Iris hence away’ aura marqué la soirée. 

          Riccardo Novaro incarne lui aussi plusieurs rôles : Somnus, Cadmus et le grand prêtre. Excellent baryton-basse, il marque chacune de ses valeureuses interventions. Il est vrai, cependant, que l'on aurait pu souhaiter une voix plus sombre encore dans le rôle de Somnus.

          Enfin Rafal Tomkiewicz nous a enchanté par son enthousiasme et sa virtuosité. Avec son costume et son chapeau haut de forme, il s'est livré à un show irrésistible, et terminer en apothéose par une scène festive, le verre à la main. Un moment jovial à l'image de tout un spectacle, tel un sympathique crémant qu'on aurait aimé champagne.

Ruggero Meli