Londres, St George's Hanover Square, jeudi 10 avril 2025 à 19h
Georg Friedrich Haendel : Floridante, HWV 14, opéra seria en trois actes sur un livret de Paolo Antonio Rolli adapté de celui de Francesco SIlvani mis en musique par Marc'Antonio Ziani sous le titre de La Costanza in Trionfo en 1696. Première représentation au King's Theater de Londres le 9 décembre 1721 pour le compte de la Royal Academy of Music.
Floridante, Prince de Thrace : Hilary Summers, contralto // Francesco Bernardi, alto castrat (1721)
Elmira : Beth Taylor // Anastasia Robinson, contralto (1721)
Timante, Prince de Tyre : Mhairi Lawson, soprano // Benedetto Baldassari, castrat soprano (1721)
Rossane, la fille d'Oronte : Rowan Pierce, soprano // Maria Maddalena Salvai, soprano (1721)
Oronte, Roi de Perse : Jonathan Lemalu, baryton-basse // Giuseppe Maria Boschi, basse (1721)
Coralbo, Satrape perse : Matthew Durkan, baryton-basse // ?, basse (1721)
Early Opera Company
Direction musicale : Christian Curnyn
Le festival Haendel de Londres a eu la bonne idée de clôturer son édition 2025 avec un petit bijou d’opéra : Floridante. Une œuvre rare, certes inégale, qui renferme pourtant bien des airs et passages aux qualités dramatiques intéressantes. On pense notamment à la scène d’Elmira qui mêle habilement récitatif, accompagnato et arioso, dans laquelle elle attend désespérément son amant et croit l’entendre arriver, en vain.
Le chef spécialiste Christian Curnyn et son orchestre The Early Opera Company étaient à la manœuvre et même avec un effectif réduit, ensemble ils ont admirablement rendu justice à une partition bien vivifiante notamment dans les deux parties orchestrales (la marche du premier acte et la sinfonia du troisième acte) flamboyantes rehaussées de splendides cors.
La distribution ? D’excellente facture ! Notamment le rôle le plus important qui contrairement à ce que l'on pourrait penser, n’est pas le rôle titre mais celui d’Elmira et que la plume de Haendel a particulièrement bichonné. Incarné avec maestria par une Beth Taylor exceptionnelle, la contralto sait jouer sur tous les registres de sa longue voix en faisant notamment sonner ses notes graves d’outre tombe qui s’envolent facilement vers des suraigus complètement inattendus et de toute beauté. Elle aura marqué la soirée au fer rouge ! Rompue aux techniques baroques les plus hardies, et capable d'effets vocaux impressionnants, elle s’acquitte du rôle avec une facilité déconcertante sans jamais sacrifier l'émotion. Pour sûr, une grande dame du chant lyrique à suivre absolument. Nous pourrons notamment apprécier sa Cornelia dans l'opéra Giulio Cesare très bientôt.
Le personnage de Floridante n’était pas en reste grâce à l’incarnation tendre et forte à la fois de la contralto Hilary Summers. Une voix qu’on pourrait facilement assimiler à celle d’un contre-ténor. Même si elle semble avoir légèrement perdu en fluidité dans les vocalises après des années au service de ce compositeur, on reste admiratif de la vaillance et la noblesse de son personnage.
Deux sopranos de bonne tenue venaient s’ajouter aux deux rôles de premier plan. La jeune soprano Rowan Pierce qui s'est distinguée par son efficacité, sa voix fraîche et brillante, malgré une partition bien avare à l’égard de sa Rossane. La seconde, Maihri Lawson, qui incarnait le rôle masculin de Timante, a eu plus de chance et a pu briller notamment grâce à l’air virtuose du troisième acte 'Amor comanda'. Les années passent et le temps ne semble pas avoir d’emprise sur la voix juvénile claire et brillante de Mhairi Lawson. Nous vous recommandons la série de cds qu'elle a enregistrés avec l’ensemble La Serenissima.
A noter que ces deux sopranos nous ont régalé d'un touchant et irrésistible duo 'Fuor di periglio' au son du cor. Une pure merveille.
Enfin deux voix d’homme venaient compléter cette belle distribution avec peu d’interventions malheureusement : le baryton-basse Jonathan Lemalu dans le rôle d'Oronte qui a fait grand effet avec sa voix caverneuse mais un brin nasillarde ainsi que Matthew Durkan qui a pu enfin s'imposer avec panache, après quelques récitatifs, dans son seul air 'Non lasciar oppressa della sorte'.
Ovations méritées pour cette interprétation passionnante d’un ouvrage injustement délaissé. Mais l’on nous souffle déjà à l'oreille que cette œuvre va faire l’objet d’une production scénique avec d’autres interprètes et tourner en Allemagne et en Italie notamment. À suivre…
Ruggero Meli