Handel ALCINA 14.VII.2022 Glyndebourne

Photographer: Tristram Kenton

Georg Friedrich HANDEL: ALCINA

Glyndebourne Festival, Thursday 14 July 2022 

Georg Friedrich HANDEL: ALCINA, opera in 3 Acts. Glyndebourne Festival, Thursday 14 July 2022


Alcina Jane Archibald, soprano

Ruggiero Svetlina Stoyanova (14, 17, 24, 27 July) / Samantha Hankey, mezzo-sopranos

Bradamante Beth Taylor, contralto

Morgana Soraya Mafi, soprano

Oronte Stuart Jackson, tenor

Oberto Rowan Pierce, soprano

Melisso Alastair Miles, bass-baritone

Astolfo James Cleverton 

Dancers Soledad de la Hoz, Chloe Dowell, Keiko Hewitt-Teale, Bianca Hopkins, Lily Howkins, Megan Francis King, Rebecca Lee, Oihana Vesga


Conductor  Jonathan Cohen (David Bates 19 August) 

Director Francesco Micheli 

Set Designer Edoardo Sanchi 

Costume Designer Alessio Rosati 

Choreographer Mike Ashcroft 

Lighting Designer Bruno Poet 

The Orchestra of the Age of Enlightenment 

Leader Huw Daniel 

Harpsichord Continuo Tom Foster 

Assistant Conductor David Bates 

Music Preparation Tom Foster 

Language Coach Barbara Diana 

Assistant Directors Fiona Dunn Erika Natati 

Associate Lighting Designer Charlotte Burton 

Assistants to the Set Designer Andrea Colombo Chiara Taiocchi 

          Francesco Micheli staged at the Glyndebourne festival an Alcina full of spectacular settings, dazzling costumes, amazing choregraphies which hide a darker drama backstage. Alcina is a lyrical star idolized by her fans. The transposition in the world of the show business works perfectly well but the audience may get confused and miss the not so clear intentions of the staging. 

Jonathan Cohen cleverly conducts an impeccable Orchestra of the Age of Enlightenment and an excellent cast. 

Une Alcina faussement brillante

          C’est une effusion de brillance, de splendeur, de costumes (les robes paon) et coiffes extravagants, d´effets spectaculaires (une sirène arrivant par les airs), de décors somptueux (la scène amovible en forme de coquillage), de chorégraphies à la fois originales et divertissantes (danse du bateau) qui attendent le spectateur de Glyndebourne venu assister à cette nouvelle production de l’opéra : Alcina de Haendel. Un spectacle reporté suite à la pandémie et qui était initialement distribué avec la soprano Kristina Mkhitaryan dans le rôle titre (heureusement BAROQUENEWS a pu miraculeusement entendre cette dernière à Nancy dans ce rôle même d’Alcina il y a deux ans, voir notre compte-rendu, mais aussi ici même à Glyndebourne dans une prestation imperissable du rôle d’Armida de l’opéra Rinaldo : un must de mise en scène, voir notre compte-rendu).

          Ce spectacle, imaginé par le metteur en scène Francesco Micheli, faussement brillant, va se jouer en fait essentiellement en coulisses. En effet, Alcina est ici une chanteuse de variétés à succès, qui se produit au Teatro Lirico de Milan (au lieu de la magicienne du livret). Elle attire ses fans comme l’ensorceleuse attire ses marins. Il pleut, il fait gris, la ville est sinistre, industrielle et polluée, Alcina offre rêve, paillettes et lumières. Elle signe des autographes, reçoit des fleurs mais seul Ruggero lui est cher à son coeur. Ce dernier a quitté le lit conjugal, tout comme le père du petit Oberto qui a quitté le foyer et son épouse pour retrouver la sublime Alcina. Quant à Morgana, elle appâte les spectateurs devant le théâtre, en faisant la promotion du spectacle, habillée en sirène et arrivant de façon spectaculaire par les airs, sur une chaise longue. Elle tombe immédiatement amoureuse de Bradamante déguisée en son frère Astolfo, déterminée à reprendre un Ruggiero totalement sous l’emprise d’Alcina. 

          Si le spectateur parvient à appréhender les intentions et les enjeux de cette mise en scène (une compréhension pas si évidente car tout va très vite, notamment pendant l’ouverture), cette transposition dans le monde du spectacle fonctionne plutôt bien (sauf à certains moments, notamment lorsqu’Alcina demande à Oberto de tuer un animal, ou lorsque Ruggiero demande à ce qu’on lui rende ses armes, etc.).  

           La force du spectacle réside principalement dans le fait de faire passer le spectateur de la lumière à l’ombre, de la magie du spectacle à « la réalité » des coulisses (et nous ramener dans des lieux "ordinaires" : bar du foyer, loges, atelier maquillage, toilettes). C’est le théâtre dans le théâtre (mise en miroir public / scène) qui nous fait passer d’une poupée gigogne à une autre (Alcina fait son show pour ses fans, tandis que Morgana fait un spectacle specialement pour Bradamante afin de "le" séduire, etc.). En effet, Alcina, adulée par son public, vit un drame : Ruggiero son fan adoré la quitte pour retourner avec sa femme. En parallèle, se joue le drame du petit Oberto qui recherche en coulisses (à la demande de sa maman) son père disparu.

          Le spectacle met également en exergue ce choix cornélien entre une vie libre de contraintes faite de divertissements et vie ordinaire, maritale et bien rangée (Ruggiero et Bradamente sont enfin réunis sous la même couette mais dos à dos, chacun souffre secrètement de son côté)

Plus fort encore, la mise en scène souligne la cruauté du temps qui passe, le pouvoir de séduction qui quitte Alcina, la fatalité de l’âge (Alcina se regarde dans le miroir et doute, son pouvoir de séduction est désormais compromis). Sa baguette magique est ici remplacée par un pinceau de blush devenu bien inefficace. Les fans ne se précipitent plus vers elle. Elle est fanée, passée de mode. Elle quitte le théâtre et l’immense affiche lumineuse qui redorait son nom est retirée sous ses yeux.

          Cette lecture intelligente mais pas toujours limpide de l’œuvre risque bien de dérouter bon nombre de spectateurs qui pourraient en avoir une lecture morcelée et partiellement incohérente car il n’est pas si facile de reconstituer le puzzle.

          Heureusement, le spectacle réserve aussi quelques touches d’humour et de légèreté, par exemple quand le petit Oberto qui se perd dans sa recherche et se laisse griser par les danseuses affriolantes ainsi que par l’alcool jusqu’au moment de croiser le regard réprobateur de sa mère tellement conventionnelle et rigide. 


          Côté distribution, le public est plutôt gâté. A commencer par l’Alcina racée de Jane Archibald. Elle chantait Ginevra dans Ariodante récemment à Valence, voir notre compte-rendu. Une voix caméléon, à la fois blanche et corsée, avec une fascinante aisance dans les suraigus qui nous donnerait envie d’en entendre davantage. On retiendra les violents coups d’archets comme des poignards dans l’air « Ah mio cor », qui laissent place à un plainte désespérée presque à capella, ou bien l’air « Ma quando tornerai » avec ses notes piquées, ou encore l’air « Di cor mio » avec son da capo qui porte l’amour au firmament. 

          Petit de taille et menu, le Ruggiero de Svetlina Stoyanova n’est pas très crédible physiquement et lorsqu’il se retrouve  face au viril contralto de Beth Taylor (notamment dans les récitatifs), sa voix paraît un brin trop légère. Pourtant ses airs vont s’avérer fort convaincants. En effet comment résister à la douceur de ses vocalises, au crémeux du legato de l’air « Mi lusingha » qui vous laisse tout chose. On reste bluffé par le naturel, la facilité et la vitesse d’exécution des vocalises dans l’air « Sta nell’Ircana » ou bien par ce clair-obscure dispensé sur l´ensemble d´une voix bien homogène. On retiendra également ses effets de ralentis et d’accélération dans l’air « Di te mi rido », qui font émerger des doutes. 

          La Bradamante de Beth Taylor impressionne par son timbre sombre et sa voix de contralto colorature, même si l’uniformité de cette dernière fait parfois défaut. L'interprète chante comme si sa vie était engagée : l'auditeur peut aisément ressentir son désespoir et sa souffrance extrême dans les airs « E gelosia » et « Vorrei vendicarmi ». BAROQUENEWS avait déjà pu l’apprécier à Nancy dans ce même rôle (voir notre compte-rendu). Signalons aussi sa magistrale prestation, cette saison, dans le rôle de Dardano à Francfort (Amadigi de Haendel). 

          Le ténor Stuart Jackson dans le rôle d’Oronte, en panne de style (ses vocalises allégées notamment manquent de naturel) parvient pourtant à trouver ressources et engagement avec une déconcertante aisance en faisant le show au point de remporter l'adhésion du public.

          Soraya Mafi, touchante Morgana notamment dans l'air « Credete Al mio dolor », séduit par les qualités d'un soprano facile, léger et velouté. 

          Le rôle d'Oberto prend une dimension plus importante dans ce spectacle, et la soprano Rowan Pierce, absolument crédible dans ce rôle d'adolescent, chante et joue admirablement bien, au point de s'encanailler au contact des danseuses super sexy. D´ailleurs, son personnage fait drôlement penser au rôle de Cherubino dans Le Nozze di Figaro.

          Enfin, quel plaisir de retrouver le baryton-basse Alastair Miles, spécialiste du compositeur, tout à fait efficace et convainquant dans le role de Melisso (ici un prêtre) avec son unique air « Pensa a chi geme ». On reste bluffé par la longévité d'une voix presque intacte depuis plus de 30 ans. 


          La réussite de ce spectacle relève donc aussi du choix d'une distribution quasi irréprochable sans oublier la direction inspirée et hautement dramatique du chef Jonathan Cohen à la tête d'un impeccable Orchestra of the Age of the Enlightenment. D'ailleurs Francesco Micheli a choisit une fin en apothéose festive avec un retour au rêve, à la féérie de l'opéra. C'est la fête, on oublie tout. 

Giacomo PUCCINI: LA BOHEME

Glyndebourne Festival, Tuesday 12 July 2022 

Rodolfo Long Long, Sehoon Moon (11 & 15 June, 12 & 15 July) David Junghoon Kim (7, 10 & 14 August) 

Marcello Daniel Scofield Gihoon Kim (7, 10 & 14 August) 

Colline Ivo Stanchev 

Schaunard Luthando Qave Luvuyo Mbundu (7, 10 & 14 August) 

Benoît Richard Suart Michael Wallace (25 June, 15 July & 14 August) 

Mimì Yaritza Véliz Gabriella Reyes (12 July, 7, 10 & 14 August) 

Death Christopher Lemmings 

Parpignol Christopher Lemmings 

Musetta Vuvu Mpofu Mariam Battistelli (7, 10 & 14 August) 

Alcindoro Darren Jeffery Michael Wallace (15 June) 

Customs Officer Matthew Nuttall

Police Sergeant John Mackenzie-Lavansch 

Children’s chorus 

Glyndebourne Youth Opera: Beatrice Dissanayake, Bethany Gander, Imogen Healey, Phoebe Macmorland, Esme Parsons, Janani Richard, Sophia Sneddon, Christopher Walker Trinity School: Christopher Bergs, Edi Haka, Sam Jackman, Victor Lanaspre, Albie Leslie, Arlo Murray, Savith Peiris, Luke Thornton 

* Soloist from The Glyndebourne Chorus

Conductor Jordan de Souza 

Director Floris Visser 

Set Designer Dieuweke Van Reij 

Costume Designer Jon Morrell 

Choreographer Pim Veulings 

Lighting Designer Alex Brok 

Dramaturg Klaus Bertisch 

London Philharmonic Orchestra 

Leader Pieter Schoeman 

The Glyndebourne Chorus 

Chorus Director Aidan Oliver 

Assistant Conductor James Henshaw 

Music Preparation Kate Golla, Ben-San Lau, Ingrid Surgenor 

Language Coach Marco Canepa 

Assistant Directors Rachael Hewer, Simon Iorio 

Supertitles Katy Reader

          Un spectacle en noir et blanc, qui affiche un charme d’antan, une plongée dans un film d’après guerre avec des clichés de Robert Doisneau. Un décor unique : une impressionnante rue ascendante faite de pavés, un trottoir de chaque côté bordé respectivement par un mur immense. une sorte de tunnel tout en perspective, et dont on ne distingue pas le bout qui est plongé dans l'obscurité. On peut y voir une metaphore de notre passage sur terre. Le blanc et le nour sont les représentations  de la vie et de la mort. Cette dernière est omniprésente tout au long de l'opéra, notamment au travers de la présence menaçante d’un homme filiforme, émacié et tout de noir vêtu, qui silencieux, suit les personnages comme leur ombre.  

La distribution réunie pour l'occasion se révèle homogène et de bonne qualité sans toutefois briller. 

On retiendra la Musette pétillante et diva à souhait de Vuvu Mpofu.

Cette Bohème, rarement représentée de façon aussi noire, mène le spectateur à une réflexion sur cette menace omniprésence de mort.

Photographer: Richard Hubert Smith

Wolfgang Amadeus MOZART: LE NOZZE DI FIGARO

Glyndebourne Festival, Wednesday 13 July 2022 

Il Conte d'Almaviva : Germán Olvera

La Contessa d'Almaviva : Nardus Williams / Amanda Woodbury

Figaro : Brandon Cedel

Susanna : Hera Hyesang Park

Cherubino : Ida Ränzlöv / Emily Pogorelc

Marcellina : Rosie Aldridge

Il Dottor Bartolo : Peter Kálmán

Don Basilio : François Piolino

Don Curzio : Colin Judson

Barbarina : Charlotte Bowden

Chef d'orchestre : Nicholas Carter / Giancarlo Andretta

Metteur en scène : Michael Grandage 

          Des décors adaptés au livret : nous sommes à Séville, ça danse, ça chante avec castagnettes et cris de "olé". La bâtisse est superbe avec ses arabesques moresques typiquement sévillans. En revanche, les vêtements et coupes de cheveux années soixante n’apportent pas grand chose à l’œuvre et tendraient même à les desservir dans un premier temps (première partie : actes I et II) voire à ridiculiser les personnages (les cheveux du Comte ainsi que ceux de Figaro paraissent peu vraisemblables). Pourtant, l’ouvrage bien servi par tous les artistes fonctionne plutôt bien. On rit, on s'amuse, on ne s’ennuie pas. L'enchainement des évènements se fait avec un naturel confondant. Ce n'est que dans la seconde partie que le côté sixties prendra toute sa légitimité, notamment à la fin de l'acte III, qui finit en apothéose, avec une chorégraphie complètement dégantée et délurée à consigner dans les annales !

La distribution réunie pour l'occasion se révèle homogène et de bonne qualité. Tous excellent à leur manière dans leur rôle respectif. Nous retiendrons surtout le Chérubin bien chantant d'Ida Ranzlov, avec son aplomb et sa voix franche et sonore. La Comtesse de Nardus Williams, dont le chant subtil et délicat avec ses aigus de velours nous a séduit. Les rôles secondaires ne sont pas en reste : louable est la voix claire et tonitruante de Marcelina : Rosie Aldridge. Mention spéciale pour le Bartolo de Peter Kalman qui fait un show incroyable avec son air "La vendetta", tout d’italianita, avec ses éclats de voix et sa gestuelle désinhibée. D'une grande solidité vocale, son air est une pure merveille. Rien à redire concernant les deux barytons-basses Figaro et Le Comte, tous deux excellents. Rarement l'air du Comte "Hai già vinta la causa!...Vedrò mentre io sospiro" aura été aussi bien chanté ! Quelle prestation !

Des Noces de Figaro festives comme jamais, avec cette pointe de folie qui fait tant de bien. 

Photographer: Bill Cooper