Madrid HANDEL PARTENOPE 20 & 21.XI.2021

Georg Friedrich HANDEL PARTENOPE

Opera in three Acts

Madrid, Teatro Real Saturday 20 and Sunday 21 November 2021 


PARTENOPE: BRENDA RAE / SABINA PUÉRTOLAS 

ROSMIRA: TERESA IERVOLINO / DANIELA MACK 

ARSACE: IESTYN DAVIES / FRANCO FAGIOLI 

ARMINDO: ANTHONY ROTH COSTANZO / CHRISTOPHER LOWREY 

EMILIO: JEREMY OVENDEN / JUAN SANCHO

ORMONTE: NIKOLAY BORCHEV / GABRIEL BERMUDEZ


Orchestra of the Madrid Royal Theater

MUSICAL CONDUCTOR IVOR BOLTON 

STAGE DIRECTOR CHRISTOPHER ALDEN 

SET AND COSTUME DESIGN ANDREW LIBERMAN 

FIGURINISTA JON MORRELL 

ILUMINADOR ADAM SILVERMAN  

all pictures © Javier del Real | Teatro Real

Brenda Rae as Partenope

Brenda Rae as Partenope

Anthony Roth Costanzo as Armindo

          A festive and lighthearted  production of Partenope that makes you dance on your chair, vividly conducted by Ivor Bolton and served by two stellar casts. One more homogeneous and academic (Rae, Iervolino, Davies, Roth Costanzo, Ovenden & Borchev) the other with distinctive & peculiar voices (Puertolas, Fagioli, Mack, Lowrey, Sancho & Bermudez). Difficult to choose in the end, both casts being worth hearing. Note that this production should move to London and Sydney. 

          L’opéra Partenope de Haendel est loin d’être un ouvrage très apprécié des chefs, maisons d’opéra et autres metteurs en scène, tant il est rare de l’entendre, encore moins de le voir. En sont certainement la cause: un livret quasi indigent et un imbroglio amoureux alambiqué  (Partenope est amoureuse d’Arsace qui l’est en retour mais aime aussi Rosmira et ne sait laquelle choisir. Partenope est également courtisée par Armindo qu’elle finira par épouser…). William Christie a récemment remis l’ouvrage sur le métier avec son jardin des voix dans une version semi concertante en tournée dans toute l’Europe car musicalement la partition du Caro Sassone regorge de pépites (quelques ensembles surprenants notamment) et un panel de voix qui fait place à toutes les tessitures. Le Teatro Real de Madrid a lui aussi osé programmer l’ouvrage en faisant alterner deux distributions. 

           Christopher Alden a choisi de transposer le propos dans les années 20 dans un après-guerre festif, léger,superficiel ou seul l’amour n’a désormais d’importance "Voglio amare fin ch´io morra" (je veux aimer jusqu´à ma mort). Car la 1ère guerre mondiale a laissé ses traumatismes et stigmates, présents tout au long de l’opéra (masques à gaz, fusils, casques, etc…). On est alors en plein « feux de l’amour » avec des amis mondains et oisifs qui se retrouvent pour une partie de bridge tout en buvant et fumant à outrance. Ils ne souhaitent désormais qu’une chose: s’amuser, s’évader et pourquoi pas au travers de l’art avec la photographie, les films noirs et blancs, la peinture abstraite à laquelle les personnages ne semblent rien comprendre mais s’y intéressent par snobisme, et enfin la danse qui prend beaucoup de place dans ce spectacle festif où les chorégraphies vont bon train: charleston et autres danses endiablées qui vous font vous trémousser sur votre fauteuil et qui vous donnent une sacrée pêche. Nous sommes bien dans “les années folles”. Une folie qui gagne tous les personnages qui “se lâchent” en toute insouciance.

          A cela s’ajoute un mélange des genres quasi permanent, un élément majeur du livret. Une époque où l’on a envie de se déguiser (présence de masques) de changer de peau, de sexe (Partenope habillée en homme avec costume queue de pie et haut de forme ou bien Ormonte à la voix virile de baryton basse qui joue les dandys efféminés, ou encore Rosmira qui passe quasi tout l’opéra dans la peau d’un certain Eurimene, enfin les deux prétendants Arsace et Armindo aux voix de contre-ténor). Reste les touches humoristiques qui s’invitent tout au long de l’opéra, tantôt de bon goût (la rageuse jalousie de Partenope qui alterne son affection et son rejet à Armindo afin de rendre Arsace jaloux) tantôt plus ou moins de mauvais goût (le soutien gorge, Arsace retrouvé dans les toilettes sous un monceau de papier toilette déroulé…) selon chacun.

Soulignons également la présence de décors classieux (tel ce majestueux escalier vrillé, œuvre d’art à lui seul) et de somptueux costumes aux couleurs vives et festives (la robe argent à paillettes de Partenope ou verte à paillettes de Rosmira). 

          Même dépourvu d’intrigue passionnante, l’opéra, grâce à la production de Christopher Alden parvient à susciter l’intérêt, sans toutefois passionner (difficile de faire des miracles avec un tel livret), mais surtout à lui donner un caractère festif contagieux. Cependant, il n’est pas certain que tous comprennent cette démarche qui pourra dérouter et laisser perplexe une partie du public qui pourrait se questionner à propos de masques à lunettes, de collages photographiques, etc… et un humour pas toujours très raffiné parfois.

           Il faut dire aussi que l’opéra est mené tambour battant par un Ivor Bolton inspiré et tonique qui aura fait briller l’orchestre du Théâtre Royal toute la soirée, mais surtout par deux excellentes distributions. 

          A commencer par Partenope et la voix si particulière de Sabina Puertolas. Avec une émission quelque peu citrique et une diction pas toujours très claire, la soprano parvient pourtant à s’imposer et devenir même très attachante. Son implication fait des étincelles, telle une meneuse de revue elle fait le show sans retenue et s’adonne à des chorégraphies débridées. Elle va au devant des difficultés techniques comme on va au combat à l’image de son tout premier air qui monte au contre-ut « L’amor ed il destin » avec son da capo décuplé de difficultés. On retiendra surtout un chant d’une grande élégance voire d’une grande sensualité notamment dans l’air « Io ti levo l’impero », dont la cadence finale sera, à elle seule, une vraie déclaration d’amour. Dans ce même rôle Brenda Rae affiche une voix plus homogène et un timbre plus séduisant mais moins reconnaissable. Ses capacités vocales pleinement retrouvées (la dernière fois que nous l’avions entendue, elle était diminuée par sa grossesse dans l’opéra Semele), elle fait briller son personnage avec panache et grande classe.  


       L’Arsace de Franco Fagioli, a l’avantage d’être très expressif, contrasté, surprenant, avec ce timbre si particulier qui pourrait ne pas plaire à tout le monde. Iestyn Davies, à la voix plus académique, n’est pas dépourvu de charmes, bien au contraire. La limpidité et la généreuse projection de sa voix sont des atouts majeurs du personnage. On comprend qu’il soit si courtisé.  


         Son rivale Armindo qui passe progressivement de timide introverti (escalier infranchissable au début de l’opéra. Tout un symbole) à show man (un spectacle dans le spectacle qui finit sous une pluie de paillettes qui n’est pas sans nous rappeler un autre opéra de Handel Rodelinda dans la production de …. au ROH de Londres dans laquelle il s’adonnait à un brillant spectacle de danse sur tapis roulant) est admirablement interprété par le contre-ténor américain Christopher Lowrey. La voix est d’une grande clarté et la généreuse projection fort appréciable, sans parler d’une expressivité qui rend le rôle passionnant. Il est en passe de devenir le meilleur contre-ténor de sa génération. Dans ce même rôle d’Armindo, Anthony Roth Costanzo ne possède certes pas un timbre aussi séduisant que son compatriote. Le son est un peu ténu et le vibrato parfois gênant, il n’en demeure pas moins un très bon contre-ténor avec des talents auxquels on ne s’attendait pas. En effet, son tout dernier air à fait l’objet d’une préparation très spéciale. Équipé de chaussures ferrées, il a offert au public un brillant spectacle de claquettes tout en chantant. Il a ajouté à cela des castagnettes et une cadence finale alla flamenco qui a soulevé le public madrilène d’un seul homme. Une performance qui restera dans les annales. « Olé » !


         Rosmira, qui passe quasi tout l’opéra déguisée en homme: Eurimene, trouve en Daniela Mack une interprète peu effarouchée. Son aplomb déconcertant, sa virtuosité, et son expressivité auront fortement marqués la soirée. Une voix presque « parlée » parfois et un chant malmené au service des mots. Nous l’avions déjà remarquée dans la Rodelinda de Handel ici même dans ce théâtre. Une artiste à suivre. Teresa Iervolino, dans le même rôle, affiche un timbre encore plus sombre et uniforme. Une voix qui culmine dans des cadences suraiguës et qui classent l’artiste dans la catégorie des contraltos coloratures. On se prend alors à l’imaginer dans les rôles-titres de Rinaldo ou Giulio Cesare. 


        Le chant viril et les vocalises longues comme le bras sans jamais reprendre son souffle sont l’apanage du bariténor Juan Sancho dans le rôle d’Emilio. Malgré une émission pas toujours très agréable et des notes aiguës parfois engorgées, il sait s’imposer et rendre ce rôle secondaire intéressant. Il en va de même du ténor Jeremy Ovenden dans l’autre distribution. mais avec une voix plus claire et plus homogène. 


          Dans le petit rôle d’Ormonte, le baryton Gabriel Bermudez joue davantage la carte des dandys efféminés et son timbre séduit davantage que celui de Nicolay Borchev. 


          Au final, aucune des deux distributions ne sort gagnante de cette confrontation, chacune ayant ses qualités: la première distribution (Puertolas…) était constituée de voix plus typées et attachantes (certaines pouvant déplaire), une équipe plus investie tandis que la seconde (Rae…) était plus académique avec des voix plus uniformes. 

Ce spectacle anti morosité nous a fait oublier un instant la pandémie qui sévit actuellement.